Fiche- info CJPMO n◦217, publiée en février 2020 : Cette fiche d'information répond aux inquiétudes concernant les chances du Canada d'obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous serons en compétition avec la Norvège et l'Irlande cette année. Le Canada peut-il gagner ce siège pour la septième fois?
La candidature du Canada au Conseil de Sécurité de l’ONU pour 2020
Comment se déroulent les élections au Conseil de Sécurité de l’ONU?
La Charte des Nations Unies confère au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le Conseil compte 15 membres disposant chacun d’une voix, dont 5 membres permanents : la Chine, les États-Unis d'Amérique, la Fédération de Russie, la France et le Royaume-Uni. Les 10 autres membres sont élus par l'Assemblée générale pour un mandat de deux ans non-renouvelable[1].
Les 10 sièges non-permanents sont répartis entre les groupes régionaux de l’ONU. Par exemple, les États d’Asie et d’Afrique occupent 5 sièges, les États d’Europe orientale occupent 1 siège, tout comme le groupe des États d’Europe occidentale et autres États (dont fait partie le Canada).[2] En candidatant pour l’un des deux sièges en jeu lors des élections de 2020, la Canada entre en compétition avec la Norvège et l’Irlande.
Pour être élu au Conseil de sécurité, un pays doit obtenir au moins les deux tiers des voix des délégations qui sont présentes à l’Assemblée générale. Cette condition donne fréquemment lieux à des tours de scrutins supplémentaires, notamment lorsqu’aucun pays n’obtient les 129 voix requises sur 193. Dans la pratique, des conventions informelles viennent réguler les élections. Les pays qui se portent candidats doivent en général faire campagne auprès des autres pays, parfois des années à l’avance, afin d’obtenir l’engagement écrit ou verbal des autres délégations. Puisque le scrutin est secret, ces engagements ne sont pas en fin de compte exécutoires (et sont même fréquemment rompus).
Depuis 1948, le Canada a siégé à 6 reprises au Conseil de Sécurité (le dernier mandat étant de 1999 à 2000).
Pourquoi le Canada avait-il perdu les élections au Conseil de Sécurité en 2010?
Aux élections de 2010, le Canada a perdu les deux premiers tours de scrutin contre l'Allemagne et le Portugal et échoue pour la première fois à obtenir suffisamment de soutien de la part des délégations à l’Assemblée Générale pour siéger au Conseil de sécurité de l'ONU.
Cet échec s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, le Canada s’était sérieusement désengagé des activités onusiennes : sous le gouvernement de S. Harper, le Canada avait souvent choisi de ne pas participer à l’Assemblée générale annuelle, ainsi qu’à d’autres rencontres de haut niveau[3]. D’autre part, le Canada s’est également désengagé du financement des organisations et programmes de développement et de maintien de la paix.[4]
Par ailleurs, en s’alignant sur les États-Unis dans le vote des résolutions portant sur le respect du droit international et des droits de l’hommes en Israël et Palestine, le Canada n’a pas bénéficié du soutien de certaines délégations de l’Assemblée générale telles que les 57 pays de l’Organisation de la coopération islamique (soit 30% des voix de l’Assemblée Générale).[5]
Enfin, la position controversée adoptée par le Canada à Copenhague sur la lutte contre les changements climatiques en 2009 n'est pas étrangère non plus à la réserve que certains pays de l'ONU ont pu entretenir lors du vote.[6]
Sur quoi se base la candidature du Canada pour 2020?
La candidature du Canada pour les élections au Conseil de Sécurité de 2020 s’articule autour de 5 piliers : le multilatéralisme, la lutte contre les changements climatiques, la promotion de la sécurité économique, l’égalité des genres, et des propositions de réformes de l’ONU[7]. La campagne du Canada possède un certain nombre d’atouts. D’abord, elle s’appuie sur des thèmes actuels et très en vogue en politique étrangère comme le féminisme, la lutte contre les changements climatiques et l’inclusion des minorités. Par exemple, l’initiative Elsie lancée en 2017 par le Canada, œuvrant pour la participation des femmes aux opérations de paix, pourrait beaucoup renforcer la candidature du pays.[8]
Néanmoins, il est nécessaire de garder à l’esprit le fait que les 5 piliers phares de la campagne du Canada ne sont pas vraiment différents de ceux de la Norvège et de l’Irlande. Et malgré sa campagne, les actions du Canada dans certains domaines (comme le maintien de la paix et la lutte contre les changements climatiques) sont encore très ambigües.
Par ailleurs, le Canada bénéficie du soutien supposé de l’Organisation Internationale de la Francophonie (l’OIF) suite à un assemblé en novembre, 2019[9]. Les 55 pays qui la composent ont indiqué leur support pour la candidature du Canada (même si ce soutien reste informel).
Quelles sont les faiblesses de la campagne du Canada pour 2020 face à ses concurrents?
Comparativement à la Norvège et l’Irlande, le Canada est désavantagé sur certains points. D’abord, la candidature du Canada est tardive et a été présentée officiellement en 2016, soit environ 10 ans après l’Irlande (2005) et la Norvège (2007). Au-delà de la durée raccourcie de sa campagne, la réputation du Canada souffre également des années de désengagement à l'ONU qui ont commencé sous S. Harper.
De plus, la Norvège et l’Irlande sont de plus grands donateurs d’aide étrangère par habitant : Oslo consacre près de 1% du revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement, tandis que l’Irlande contribue à hauteur de 0,32%. Le Canada occupe le troisième rang avec 0,27% de son RNB[11]. Par ailleurs, le Canada est également moins engagé dans les missions de maintien de la paix. L’Irlande fournit près de trois fois plus de troupes que le Canada. En 2016, le Canada s'est engagé à affecter jusqu'à 600 soldats aux missions de maintien de la paix, mais en décembre 2019, seulement 48 membres du personnel canadien étaient déployés.[12]
Comment le Canada peut-il renforcer sa candidature pour gagner les élections?
Ces élections constituent pour le Canada une opportunité de s’affirmer comme acteur clé dans les relations internationales et de montrer que sa politique étrangère se base avant tout sur des principes et non sur une volonté de préserver le statu-quo. Ainsi, le Canada doit notamment démontrer que sa politique internationale n’imite pas systématiquement celle des Etats-Unis (que ce soit par rapport au contrôle sur les armes, aux sanctions internationales, à la non-prolifération nucléaire ou aux interventions militaires). En outre, le Canada doit adopter une position davantage axée sur les droits de l’Homme, à la fois sur la question israélo-palestinienne, mais aussi dans ses relations avec l'Égypte, l'Arabie saoudite et le Yémen, l'Irak, la Syrie et bien d’autres encore. Par exemple, le vote annuel du Canada sur les résolutions concernant Israël et la Palestine le place dans une petite minorité de cinq pays, dont Israël et les États-Unis, contre la plupart du reste du monde[13].
Le Canada doit également démontrer que c’est un pays qui est capable de tenir ses promesses et respecter ses engagements Les cinq piliers du programme du Canada sont pertinents mais il existe, à quelques mois des élections, un écart encore trop important entre ce que le Canada dit et comment il agit concrètement en termes de politique étrangère. Pour accroître sa légitimité, le Canada devra s’assurer de tenir ses promesses de participation aux opérations de maintien de la paix et d’augmenter son assistance au développement. Ce dernier point est d’autant plus crucial qu’il permettrait d’obtenir davantage de soutien de la part de pays africains[14].
Le Canada ne pourra peut-être pas éviter une autre humiliation pour cette candidature au Conseil de sécurité, mais il pourrait se préparer pour une prochaine éléction dans 5 à 10 ans, en tenant les promesses de sa campagne actuelles et en montrant que sa démarche est sincère et non un simple écran de fumée.
[1] « Membres actuels », Conseil de Sécurité des Nations Unies, consulté le 6 février 2020.
[2] Bibliothèque du Parlement, « Élections au Conseil de sécurité des Nations Unies », Notes de la Colline, 28 juin 2019.
[3] Radio Canada, « Le NPD s'interroge sur l'absence de Stephen Harper à l'ONU », Radio Canada, 25 septembre 2012.
[4] « Aide publique au développement 2018 », OCDE, 14 avril 2019.
[5] Chapnick, Adam. « Canada on the United Nations Security Council: A Small Power on a Large Stage », p.179, 2019.
[6] La Presse Canadienne, “Le Canada reçoit le 1er prix Fossile à Copenhague”, La Presse, 7 décembre 2009.
[7] Gouvernement du Canada, “Canada - Candidat au Conseil de Sécurité de l’ONU 2021-2022 », site officiel de campagne, consulté le 6 février 2020.
[8] Gouvernement du Canada, “Elsie Initiative for Women in Peace Operations”, consulté le 6 février 2020.
[9] Godbout, Marc. “L’OIF appuie le Canada pour obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU”, Radio Canada, 9 novembre 2019.
[11] « Aide publique au développement 2018 », OCDE, 14 avril 2019.
[12] “Troops and Police contributors - Canada”, UN Peacekeeping, 31 octobre 2019.
[13] “CJPME: Canada’s UN Votes Not Reflective Of Canadians’ Wishes”, CJPME, 29 novembre 2015.
[14] Blanchfield, Mike. “Le Canada en retard pour obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU”, La Presse, 2 février 2020.
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