Fiche-info 211, publiée en octobre 2018 : Cette fiche-info revient sur les conséquences des décisions de Trump conceernant le conflit israélo-palestinien et la réaction du Canada à l'approche de Trump.

L’approche destructive de Trump concernant Israël et la Palestine

Série Fiche-info N.211, créée: octobre 2018, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
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fstrump.pngComment est-ce que Trump a rejeté la convention internationale sur Jérusalem ?

La résolution 181 des Nations unies, adoptée en 1947, a introduit un plan de partage pour diviser la Palestine en deux États : un État arabe et un État juif. La résolution a également mandaté l’administration conjointe de Jérusalem en tant qu’organisme distinct. Suite à la guerre de 1948, Jérusalem a été divisée; la partie orientale est tombée sous la domination jordanienne, tandis que le côté occidental était contrôlée par les Israéliens.

Lors de la guerre de juin 1947, Israël a pris le contrôle du côté Est de Jérusalem, l’annexant illégalement peu de temps après[1]. Depuis 1967, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté plus d’une dizaine de résolutions dénonçant l’occupation illégale de Jérusalem-Est par Israël[2]. L’Assemblée générale des Nations unies a également adopté de nombreuses résolutions condamnant cette annexion[3]. La grande majorité des États membres de l’ONU et des organisations internationales ne reconnaissent pas la souveraineté israélienne sur Jérusalem-Est, et n’acceptent pas Jérusalem comme capitale d’Israël. En conséquence, l’usage international est pour les pays d’implanter leurs ambassades à Tel Aviv ou dans les banlieues environnantes. Les États-Unis ont longtemps adhéré à ces normes, quel que soit le parti politique au pouvoir. Trump reconnaissant Jérusalem comme capitale bouleverse donc des décennies de politique étrangère américaine et rejette la convention internationale établie de longue date. Même d’anciens présidents américains réputés pour leur position pro-israélienne, tels que George W. Bush, ont adopté une approche plus modérée concernant la question de Jérusalem.

Le décret de Trump sur Jérusalem ignore un nombre incalculable de résolutions de l’ONU, notamment la résolution 478 du Conseil de sécurité (1980), qui exigeait de tous les membres de l’ONU de retirer leur mission diplomatique de Jérusalem[4]. Les analystes du conflit israélo-palestinien ont longtemps considéré Jérusalem comme une question relevant du « statut final », qui ne sera résolue qu’à travers un accord négocié. Ainsi, le geste de Trump donne de la légitimité à l’occupation continue de Jérusalem-Est par Israël. Il récompense également Israël sans exiger aucune concession en retour, ce qui souligne à quel point l’approche de Trump est biaisée[5].

Comment est-ce que Trump a abandonné les réfugiés palestiniens ?

L’administration Trump a véritablement abandonné les réfugiés palestiniens en annulant son financement pour l’UNRWA, l’Office de secours des Nations Unies qui dispense ses services de secours et de développement à plus de 5 millions de réfugiés palestiniens[6]. L’UNRWA est financée presque entièrement par des contributions volontaires des États membres de l’ONU. Les États-Unis ont longtemps été les contributeurs les plus généreux aux programmes de l’UNRWA. Année après année, ils ont fourni environ un tiers du budget de fonctionnement global de l’UNRWA. En janvier 2018, l’administration Trump a réduit son premier versement de l’année de 125 millions de dollars : elle a versé 60 millions de dollars seulement. Ils ont expliqué que leur décision de retenir des fonds visait à encourager des réformes au sein de l’UNRWA, et ont suggéré que le financement pourrait être restauré à une date ultérieure[7]. Néanmoins, fin août 2018, l’administration Trump a annoncé qu’elle allait annuler tout financement à l’UNRWA. D’autres formes d’aides pour les Palestiniens allaient également être coupées, incluant 200 millions de dollars réservés aux œuvres de bienfaisance qui fournissent des services humanitaires aux Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie[8]. Afin de justifier ces coupes extrêmes, l’administration Trump a déclaré que l’UNRWA est une  « opération irrémédiablement viciée », et que l’organisation a créé une « culture de dépendance chez les Palestiniens »[9]. La décision de Trump de couper le financement de l’UNRWA, une fois de plus, s’écarte drastiquement de la politique américaine de longue date.

La décision de Trump sur l’UNRWA a uniquement servi à aliéner davantage les Palestiniens, qui se sont déjà retirés des négociations suite au décret de Trump sur Jérusalem[10]. Le désengagement de Trump auprès de l’UNRWA souligne son incompréhension flagrante du mandat de l’agence. L’UNRWA n’a pas prolongé le conflit israélo-palestinien, comme Trump le suggère. Au contraire, comme le dit le porte-parole de l’UNRWA Chris Gunness : « C’est l’échec des partis politiques à produire un accord de paix global à travers les négociations et à résoudre ainsi la crise des réfugiés. » qui perpétue le conflit[11].

Comment est-ce que Trump a sabordé les relations entre les États-Unis et les dirigeants palestiniens ?

Depuis 1974, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est reconnue par les Nations unies comme la seule représentante légitime du peuple palestinien. L’OLP a toujours considéré Jérusalem-Est comme la capitale de l’État palestinien. Cette affirmation est même présente dans leur Déclaration d’indépendance de 1988. Par conséquent, l’OLP considère le décret de Trump sur Jérusalem comme une négation totale de leur souveraineté. Les dirigeants de l’OLP ont critiqué la décision de Trump, déclarant qu’il n’y aura pas de paix sans une capitale palestinienne à Jérusalem-Est[12]. Mahmoud Abbas, le président de l’État de Palestine et le président de l’OLP a déclaré que le décret délégitimait les États-Unis en tant qu’arbitre impartial dans le processus de paix[13]

En septembre 2018, le département d’État des États-Unis a annoncé qu’il allait fermer les bureaux de l’OLP à Washington. Pour tenter de justifier cette décision inattendue, le conseiller à la sécurité nationale John Bolton a mentionné ses inquiétudes concernant les efforts de l’OLP pour ouvrir une enquête sur Israël par la Cour pénale internationale (CPI) [14]. La Palestine, membre de la CPI depuis 2015, a soumis de nombreuses plaintes à la Cour concernant l’expansion des colonies israéliennes illégales (aka « implantations ») et les crimes de guerre présumés d’Israël[15]. Ni les États-Unis, ni Israël ne sont membres de la CPI, mais cela n’a pas empêché l’administration Obama de coopérer avec la Cour. L’administration Trump, cependant, a menacé d’imposer des sanctions à l’encontre de la CPI si elle poursuivait son enquête sur les actions d’Israël dans les territoires occupés. Dans sa déclaration expliquant la fermeture du bureau, le département d’État des États-Unis a également cité la réticence de l’OLP à participer aux négociations du « plan de paix » de Trump[16]. Le chef des négociateurs palestiniens, Saeb Erekat, a condamné la décision des États-Unis de fermer les bureaux, la qualifiant de « punition collective » par l’administration Trump[17]. Il est évident que les actions de Trump au cours de la dernière année ont détérioré les relations américaines-palestiniennes comme jamais auparavant. 

Quelle a été la réponse du Canada à l’approche de Trump ?

Le Canada n’a pas encore défié ou critiqué les politiques destructrices de Trump sur Israël et la Palestine. Les coupes budgétaires de Trump ont plongé l’UNRWA dans une crise financière, laissant l’organisation avec 446 millions de dollars de déficit[18]. Lors d’une conférence des donateurs tenu à New York, plus de trente États et organisations ont pu réunir 122 millions de dollars de financement d’urgence pour réduire ce déficit de financement, mais le Canada brillait par son absence lors de cette rencontre[19]. Finalement, en octobre 2018, le gouvernement canadien a annoncé qu’il allait verser 50 millions de dollars en fond pour les réfugiés palestiniens au cours des deux prochaines années, bien qu’il ne soit pas clair si cette annonce reflète une augmentation réelle des contributions canadiennes projetées. Néanmoins, la contribution actuelle du Canada représente moins de 2% du budget total de l’UNRWA. Il est également important de remarquer qu’en tant que modérateur du Groupe international de travail pour les réfugiés, le Canada a une responsabilité unique de rechercher une solution permanente pour les réfugiés palestiniens[20].

Concernant Jérusalem, le gouvernement canadien a choisi de s’abstenir lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unie en décembre 2017 condamnant  le décret de Trump sur Jérusalem, qualifiant la résolution d’ « unilatérale ». En août 2018, lors du congrès national du Parti conservateur du Canada à Halifax, les membres du parti ont adopté une résolution reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël et demandant au Canada de déménager son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem[21]. Le chef du parti conservateur Andrew Scheer a promis de reconnaitre Jérusalem comme la capitale d’Israël s’il était élu en 2019. La position des conservateurs ignore le droit international, le consensus diplomatique et la politique canadienne de longue date sur Israël et la Palestine.

 

[1] Pour plus d’informations voir la fiche d’information 205 de CJPMO Jérusalem: À la suite du décret Trump, mars 2018

[2] “UN Resolutions on Occupied East Jerusalem.” Al Jazeera. Le 6 décembre 2017. 

[3] Ibid.

[4] Pour plus d’informations voir la fiche d’information 205 de CJPMO Jérusalem: À la suite du décret Trump, mars 2018

[5] Pour plus d’informations voir la fiche d’information 205 de CJPMO Jérusalem: À la suite du décret Trump, mars 2018

[6] “UNRWA: Who We Are.” UNRWA, n.d.

[7] Lynch, Colum. “U.S. to End All Funding to U.N. Agency that Aids Palestinian Refugees.” Foreign Policy, août 2018.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Bachner, Michael. “Rejecting Trump, Abbas at UN says US is too biased to mediate peace talks.” Times of Israel, le 27 septembre 2018.

[11] Pour plus d’informations, voir le communiqué de presse de CJPMO : La position de Trump sur les réfugiés palestiniens est complètement erronée, septembre 2018.

[12] Khoury, Jack. “Palestinians Fire Back at Trump: ‘No Deal of the Century’ Without Jerusalem as Capital.” Haaretz. Le 22 août 2018.

[13] Ibid.

[14] Nauert, Heather. “Statement: Closure of the PLO Office in Washington.” U.S. Department of State. Le 10 septembre 2018.

[15] Morris, Loveday. “Palestinians Slam U.S. ‘Vicious Blackmail’ as their Washington Office is Shuttered.” The Washington Post. Le 10 septembre 2018.

[16] Nauert, Heather. “Statement: Closure of the PLO Office in Washington.” Département d’État américain. Le 10 septembre 2018.

[17] Morris, Loveday. “Palestinians Slam U.S. ‘Vicious Blackmail’ as their Washington Office is Shuttered.” The Washington Post. Le 10 septembre 2018.

[18]UNRWA Statement on Implications of Funding Shortfall on Emergency Services in the OPT.” UNRWA. Le 26 juillet 2018.

[19] Pour plus d’informations, voir le communiqué de presse de CJPMO : Le Canada manque des occasions d’aider les réfugiés palestiniens, octobre 2018.

[20] Morris, Loveday. “Palestinians Slam U.S. ‘Vicious Blackmail’ as their Washington Office is Shuttered.” The Washington Post. Le 10 septembre 2018.

[21] Ibid.

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