CJPMO Fiche-info, publiée le 16 Mai 2017: Cette fiche-info traite la critique récente qui a subi le financement canadien de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Plus spécifiquement, la fiche-info discute si UNRWA aurait des liens avec Hamas ou pas, si UNRWA permet Hamas d’utiliser leurs écoles pour l’entreposage d’armes ou pas, et si UNRWA incite les discours haineux envers les Israéliens ou pas. Finalement, CJPMO suggère au Canada des possibles réponses si des liens entre UNRWA et Hamas seraient effectivement trouvés.
Attaques contre le financement du Canada pour l'UNRWA
En 2016, le gouvernement Trudeau a restauré le financement de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), l’organisation de l’ONU s’occupant des 5 millions de réfugiés palestiniens enregistrés. 54% du budget de l’UNRWA est dédié aux écoles pour les réfugiés palestiniens; un autre 17% va aux services de santé; et 25% du budget est versé aux services sociaux et de soutien. Le Canada était un donateur régulier de l’UNRWA durant des décennies, avant que le gouvernement Harper n’arrête complètement le financement pour plusieurs années. Les voix conservatrices ont critiqué sévèrement le gouvernement Trudeau pour avoir restauré ce financement, et ont porté plusieurs allégations trompeuses, dont nous allons discuter ci-dessous.
L’UNRWA a-t-elle des liens avec le Hamas?
Non. Les détracteurs de l’UNRWA suggèrent souvent que l’organisation a peut-être des liens inappropriés avec le Hamas. Des commentateurs conservateurs au Canada ont prétendu qu’il y avait « assez de preuves qu’un grand nombre des aides de l’ONU ont été détournées pour supporter les efforts militaires [du Hamas] à l’encontre d’Israël [1] ». Mais bien que cette allégation soit sensationnelle, il n’y a aucune preuve que de tels liens existent[2]. Comme décrit ci-dessous, même les accusations fragiles enregistrées sont indirectes, et il n’y a absolument aucune preuve que l’UNRWA détournerait des fonds ou approvisionnerait le Hamas. Avec un budget de 668 millions de dollars américains en 2016, l’UNRWA dispose de contrôles financiers sophistiqués, et ses finances sont passées au crible par de nombreux donateurs, et en particulier par les États-Unis qui ont versé 368 millions de dollars à l’Office en 2016.
Certains accusent l’UNRWA d’employer des membres du Hamas[3]. Pour évaluer cette accusation, il est important de comprendre que le Hamas – en plus d’être un mouvement de résistance qui s’oppose à l’occupation militaire des territoires palestiniens par Israël – est une organisation politique. Établi en 1987, le Hamas fournit plusieurs services communautaires aux civils à Gaza et en Cisjordanie en plus de maintenir une aile militante/armée[4]. Bien qu’il ait exercé des actes terroristes – et est considéré par le Canada comme une organisation terroriste – il a une forte légitimité politique et un soutien fort au sein de sa population hôte[5].
Après avoir été questionné sur le fait que l’UNRWA employait des membres du Hamas en 2004, le Commissaire général de l’UNRWA Peter Hanson, a admis qu’il y avait de forte chance que l’Office emploie des membres de ce groupe. Il a clarifié que, en tant qu’organisation politique, le Hamas avait beaucoup de membres à Gaza, et que, sélectionner le personnel selon son adhésion au parti serait une forme de « surveillance politique[6] ». Comme beaucoup d’autres organisations, l’UNRWA ne refuse pas d’embaucher des individus en se basant sur leurs croyances. Néanmoins, Hansen insiste sur le fait que les employés de l’UNRWA se conforment aux standards de l’ONU et aux normes de neutralité[7]. Cela signifie que tant qu’ils travaillent pour l’UNRWA, les employés ne peuvent s’engager dans aucune activité susceptible de compromettre la neutralité de l’organisation.
Une autre critique faite à l’UNRWA est que ses dirigeants ont des relations inappropriées avec le Hamas. Ces critiques de l’UNRWA sont basées sur une recherche souvent citée de la Fondation pour la défense des démocraties (FDD), un groupe de réflexion basé aux États-Unis connu pour ses points-de-vue pro-israéliens, ses donateurs pro-israéliens et son opposition à l’accord d’Obama avec l’Iran[8]. De nombreuses accusations à l’encontre de l’UNRWA citent le FDD, ou citent d’autres articles qui eux citent le FDD, créant ainsi un enchaînement circulaire de citations basé sur le ouï-dire et non les faits[9].
Pour sa part, le FDD a suggéré qu’il y avait un lien entre l’UNRWA et le Hamas parce qu’un porte-parole de l’UNRWA – Chris Guness – a pris la parole lors d’un évènement pour la « Palestinian Relief and Development Fund » (Interpal), un organisme de bienfaisance britannique. Bien que les États-Unis considèrent Interpal comme une organisation terroriste depuis 2003, la cour suprême britannique a réfuté toutes allégations de « financement de terrorisme » à l’encontre d’Interpal dans trois différentes affaires, en 1996, 2003 et 2009. Interpal a donc été soumise aux enquêtes de la Commission de Charité britannique concernant ses « liens » avec le Hamas et a été acquittée de toutes les accusations[10]. Et bien sûr l’unique « lien » entre l’UNRWA et Interpal cité par le FDD était le discours de Gunness.
L’UNRWA autorise-t-elle Hamas à utiliser ses écoles comme caches d’armes?
Non. En réalité, l’UNRWA effectue des inspections régulières pour s’assurer que ses établissements ne contiennent pas d’armes. Durant l’une de ces inspections en 2014, des agents de l’UNRWA ont par deux fois découvert, et rapportés publiquement, des armes cachées dans des écoles inoccupées[11]. Malgré cela, les détracteurs ont fauté l’UNRWA pour avoir autorisé les armes, et pour avoir retourné les armes au Hamas[12].
Suite à ces critiques, l’UNRWA a nié avoir eu connaissance de ces armes au préalable, et a insisté sur le fait que c’était la première fois que cela arrivait. Les autorités locales ont été incapables de lier spécifiquement les armes au Hamas, et cela a été confirmé par le HCR dans son rapport un an plus tard[13]. Puisque l’UNRWA : 1) effectue des inspections de ses établissements; 2) annonce la découverte d’armes; 3) condamne les responsables; 4) n’a rien à gagner de la découverte; il semble un peu tiré par les cheveux de l’accuser d’avoir conspiré avec le Hamas pour cacher les armes.
En ce qui concerne l’accusation sur la remise des armes, l’UNRWA a suivi la procédure habituelle de l’ONU concernant les pratiques humanitaires, et a donc avisé les autorités locales de l’opération[14]. Ainsi, afin de maintenir sa neutralité, l’UNRWA a demandé à la police locale de Gaza — qui travaille sous l’auspice du gouvernement de l’Autorité palestinienne à Ramallah — de disposer des armes. À ceux qui affirment que la police locale était sous l’influence du Hamas, Chris Gunness, le porte-parole de l’UNRWA, a répondu : « Nous avons livré [les armes] aux autorités concernées, et […] les experts qui sont venus et l’ont fait sont sous le gouvernement du consensus national à Ramallah[15]. » Ainsi, il est faux de suggérer que l’UNRWA a retourné les armes au Hamas. Néanmoins, les détracteurs doivent garder à l’esprit qu’en tant qu’organisme de service à but non lucratif, l’UNRWA doit inévitablement interagir avec les autorités locales, qu’il s’agisse du gouvernement de facto du Hamas à Gaza, ou du gouvernement jordanien en Jordanie, etc.
Est-ce que l’UNRWA incite à la haine contre les israéliens?
Non, cependant l’UNRWA a eu à discipliner son personnel pour avoir violé les lignes directrices de l’organisation sur le comportement personnel.
En 2015, l’United Nations Watch a accusé le personnel de l’UNRWA d’inciter à la violence et de promouvoir l’antisémitisme à l’encontre des juifs israéliens. L’UN Watch a identifié des profils Facebook d’individus posant comme employés de l’UNRWA qui avaient publié des vidéos et photos illustrant des coups de feu ou des attaques au couteau contre les Juifs israéliens[16]. Le 20 octobre 2015, durant une conférence de presse, le porte-parole du Secrétaire général des Nations unies a annoncé que les allégations de l’UN Watch allaient être examinées.
Les employés de l’UNRWA doivent se plier à tous les standards et normes de neutralité et d’intégrité de l’ONU. Toutes les offres d’emploi incluent une déclaration en anglais et en arabe sur les valeurs de l’organisation. Les employés sont informés que leurs convictions politiques, religieuses et autres ne doivent pas influencer leur travail. Ils sont également sujets à surveillance durant et en dehors des heures de travail, et les membres du personnel sont invités à dénoncer l’inconduite de leurs collègues[17].
Grâce à l’enquête mentionnée ci-dessus, on a découvert que certains employés de l’UNRWA avaient effectivement incité à l’antisémitisme sur les réseaux sociaux à travers leurs comptes personnels. Et ce, malgré le code de conduite du personnel de l’UNRWA. Néanmoins, plus de 90 des comptes Facebook identifiés par l’UN Watch comme ayant propagés des rhétoriques antisémites se sont avérés être les faux comptes d’individus se faisant passer pour le personnel de l’UNRWA. L’UNRWA a pris des mesures disciplinaires contre tous les employés concernés, les renvoyant dans certains cas, ou suspendant leur salaire dans d’autres cas[18].
Si des liens au Hamas sont trouvés, comment le Canada devrait-il réagir ?
Comme nous l’avons vu précédemment, si l’UNRWA s’avère avoir des liens avec les militants du Hamas, des mesures correctives devront être prises rapidement. Dans un tel cas, le Canada devrait travailler avec l’UNRWA et les autres donateurs pour s’assurer que l’UNRWA continue à adhérer à ses principes fondamentaux. Le financement canadien ne devrait pas être retiré car cela pénaliserait les millions de réfugiés qui bénéficient des services de l’organisation. L’UNRWA est gérée de manière à maintenir une neutralité dans ses services, et les infractions commises par des voyous ne devraient pas justifier la perte du support canadien.
[1] Malcom, Candice. “Trudeau gives your cash to Hamas-influenced group”. The Toronto Sun. Nov. 18, 2016
[2] Lindsay, James G. “Fixing UNRWA: Repairing the UN’s Troubled System of Aid to Palestinian Refugees”. The Washington Institute for Near East Policy. Policy Focus #9, January 2009
[3] Ibid., Malcom, Candice.
[4] For more information see CJPME Factsheet No.185. Hamas. Sept. 2014
[5] Fisher-Ilan, Allyn. “Poll: Support for Hamas Rising in Gaza, but Most Feel Devastated by War”. Haaretz. Jun 9, 2015
[6] “Canada looking at UN agency over Palestinian connection.” CBC News. Oct 4, 2004
[7] Lindsay, James G. “Fixing UNRWA: Repairing the UN’s Troubled System of Aid to Palestinian Refugees”. The Washington Institute for Near East Policy. Policy Focus #9, January 2009
[8] Judas, John B. “The Little Think Tank That Could”. Slate. Aug. 8, 2015, http://www.slate.com/articles/news_and_politics/foreigners/2015/08/foundation_for_the_defense_of_democracies_inside_the_small_pro_israel_think.html
[9] See: https://www.jewishpolicycenter.org/2007/08/31/how-unrwa-supports-hamas/ , https://thinkprogress.org/exclusive-documents-shed-light-on-those-underwriting-the-foundation-for-defense-of-democracies-80976d047d1a#.ompr5ntsz , http://www.defenddemocracy.org/media-hit/kate-havard-un-agency-gives-speech-to-designated-terrorist-organization/
[10] Young, Nikki May. “Interpal wins High Court case against Sunday Express claims of terror links.” Civil Society News. Jul. 27, 2010
[11] “UNRWA strongly condemns placement of rockets in school.” UNRWA. July 17, 2014
[12] Ahren. Raphael. “UN agency handed back rockets to Hamas, Israel says”. The Times of Israel. July 20, 2014
[13] “Report of the Independent Commission of Inquiry on the 2014 Gaza Conflict.” Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights. June 24, 2015
[14] Rogin, Josh. “Did the United Nations Give Rockets to Hamas?”. The Daily Beast. Jul. 20, 2014
[15] Ibid
[16] “Report: UN Officials Inciting Murder of Jews, Call to ‘Stab Zionist Dogs’.” UN Watch Website. Oct. 16, 2015
[17] “UNRWA and neutrality.” UNRWA. March 2011
[18] “Daily Press Briefing by the Office of the Spokesperson for the Secretary-General.” U.N. Website. http://www.un.org/press/en/2015/db151020.doc.htm. Accessed 1 Dec. 2016.
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