Fiche-info 171, publiée en Juin 2013: Cette fiche-info s’arrête sur le phénomène du «pinkwashing» israélien, soit la promotion des droits de la communauté LGBT en Israël ayant afin de détourner l’attention des violations des droits des palestiniens dont se rend coupable le pays. Ce document s’intéresse plus particulièrement à la manière dont Israël traite réellement sa communauté LGBT et aux différentes formes que prend le pinkwashing.

Israël et le « pinkwashing »

Série Fiche-info N.171, créée: Juin 2013, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 
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171.jpgQu’est-ce que le pinkwashing?

Le « pinkwashing » est l’instrumentalisation par Israël et ses supporteurs des droits des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transsexuelles (LGBT) israéliennes afin de détourner l’attention internationale de la violation continue par Israël des droits de la personne des Palestiniens. Par le pinkwashing, Israël tente de promouvoir son « ouverture » à la communauté LGBT comme étant représentative de la démocratie israélienne, tout en dissimulant la vérité au sujet de son occupation des Territoires palestiniens. L’expression pinkwashing a d’abord été employée par les groupes LGBT, soucieux de dénoncer cette tactique de relations publiques employée par Israël[1].

Depuis 2005, l’état israélien tente en effet de transformer son image à l’étranger par le biais d’une campagne de marketing nommée « Brand Israel ». L’initiative incorpore notamment un volet gay-friendly par lequel Israël espère projeter et promouvoir une image d’État moderne, progressiste et démocratique. En 2010, 90 millions de dollars américains ont été versés par le conseil du tourisme de Tel-Aviv afin d’inciter la communauté LGBT à y voyager[2]. En se présentant comme une destination de choix pour la communauté LGBT, Israël camoufle son occupation illégale des Territoires palestiniens[3].

 

Israël n’a-t-il pas un bilan appréciable en ce qui a trait aux droits des personnes LGBT?

Dans une certaine mesure, oui, mais, en y regardant de plus près, il est clair que ses antécédents sur le sujet sont mitigés. D’une part, il est vrai qu’Israël a adopté des politiques favorisant le respect des droits des personnes LGBT. Il autorise par exemple l’adoption par les couples de même sexe[4] et interdit la discrimination relative à l’orientation sexuelle sur le marché du travail et dans l’armée[5]. L’État israélien reconnaît également le mariage civil de personnes de même sexe enregistré à l’étranger, mais le mariage en sol israélien de personnes de même sexe n’est pas autorisé[6].

D’autres lois discriminatoires fondées sur le genre et l’origine viennent cependant noircir ce tableau et contrebalancer les droits de la communauté LGBT. Par exemple, une loi interdit l’octroi de la nationalité israélienne à un(e) Palestinien(ne) marié(e) à un(e) Israélien(ne)[7]. Si les lois israéliennes relatives à la communauté LGBT se veulent plus progressives que celles des autres pays du Moyen-Orient, ces premières demeurent incomplètes. Le fait qu’un État assure une certaine protection des droits des personnes LGBT ne devrait pas constituer le seul critère pour déterminer son degré d’ « avancement ». Dans le cas d’Israël, ces lois sont malheureusement récupérées pour masquer la violation des droits d’une autre partie de la population israélienne, les citoyens d’origine palestinienne, de même que l’occupation des Territoires palestiniens.

 

Quelles sont les formes de pinkwashing?

Les formes de pinkwashing sont variées et émanent autant du gouvernement israélien que d’organisations parrainées par le gouvernement, d’organisations internationales ou d’individus. Les formes de pinkwashing adoptées par le gouvernement israélien et ses sympathisants tendent presque toujours à opposer le cas israélien à celui de ses voisins arabes. Par exemple, il procèdera au  recrutement de membres issus de la communauté LGBT israélienne afin de porter le message d’ouverture apparente et de progressisme d’Israël à l’étranger, à titre de « bastion des droits de la personne au Moyen-Orient »[8].

Un autre exemple est le recours aux réseaux sociaux comme outil marketing par des organisations non gouverne-mentales. Queer Support for Israel met régulièrement sur Facebook des photos et vidéos faisant la promotion des droits de la communauté LGBT israélienne tout en dépeignant le peuple palestinien et les pays arabes comme des sociétés rétrogrades et homophobes[9]. L’organisation sioniste Stand With Us, pour sa part, met en ligne des feuillets à distribuer représentant les Palestiniens comme un peuple répressif, précisément en ce qui a trait aux droits des personnes homosexuelles[10].

Ces formes de pinkwashing se veulent courantes et passent complètement sous silence  l’existence d’organisations LGBT dans les Territoires palestiniens occupés, telles que Aswat[11], Al Qaws[12] et Palestinian Queers for Boycott, Divestment and Sanctions[13]. Ces organisations palestiniennes sont très actives sur le terrain en ce qui a trait à la sensibilisation de leurs concitoyens palestiniens sur les difficultés rencontrées par les personnes LGBT et la promotion de leurs droits inhérents. 

Le pinkwashing peut également s’exprimer dans le discours des hauts dirigeants israéliens. À cet effet, le premier ministre Benyamin Netanyahou a déclaré, devant le Congrès américain : « Israël a toujours embrassé cette voie [de la liberté] au sein d’un Moyen-Orient qui l’a longtemps rejetée. Dans une région où les femmes sont lapidées, les homosexuels pendus, les chrétiens persécutés, Israël se distingue. Il est différent.[14] » Encore une fois, ce discours tente de donner à Israël une image favorable en le contrastant avec le reste du Moyen-Orient, décrit exagérément de manière négative.

 

Quel est le discours sous-jacent au pinkwashing et que faire pour s’y opposer?

Le discours sous-jacent au pinkwashing est généralement de représenter la réalité de la communauté LGBT d’Israël comme étant admirable en la comparant à celle des pays arabes. En représentant les États arabes comme homophobes et arriérés, le pinkwashing permet de justifier l’apartheid contre le peuple palestinien, lequel se devrait d’embrasser le modèle israélien[15]. Non seulement la stratégie de pinkwashing utilisée par Israël met de l’avant les droits acquis par les Israéliens juifs LGBT en dénigrant les progrès qui sont fait ailleurs dans la région, mais elle omet de mentionner l’influence des courants conservateurs ou homophobes au sein même de la société israélienne.

L’opposition au pinkwashing prend concrètement la forme du boycottage, de désinvestissement et de sanctions (BDS) à l’endroit d’Israël. Il s’agit d’un moyen de pression légitime et endossé par plus de 170 organisations de la société civile palestinienne. Cette stratégie a été mise de l’avant par les Palestiniens en 2005 et est notamment défendue par le groupe Palestinian Queers for Boycott Divestment and Sanctions[16]. La campagne de boycottage de CJPMO encourage les particuliers et les organisations de faire pression auprès du gouvernement israélien afin qu’il mette un terme à l’occupation des Territoires palestiniens. Les citoyens intéressés peuvent visiter le site Internet de CJPMO au www.cjpmo.org afin d’y trouver des outils supplémentaires.

Une autre façon pour les Canadiens de s’opposer au pinkwashing est de joindre un groupe tel que Queers Against Israeli Apartheid (QuAIA)[17] ou encore de participer à la campagne de sensibilisation en ligne Pinkwatching Israel[18].

Qu’est-ce que le groupe Queers Against Israeli Apartheid (QuAIA) et quelles sont ses revendications?

QuAIA est une organisation non gouvernementale LGBT fondée à Toronto qui s’oppose à l’apartheid israélien et au pinkwashing[19]. Les objectifs de QuAIA sont l’éducation, le dialogue et l’activisme d’une perspective queer, anticoloniale, antiraciste et féministe[20]. Bien que plusieurs groupes dans d’autres villes se soient inspirés de QuAIA, l’organisation ne possède pas d’autres branches au Canada ou à l’étranger.

En faisant pression sur les commanditaires de la semaine de la fierté gaie et sur le conseil municipal de Toronto,  le lobby israélien a tenté d'empêcher QuAIA de participer au défilé de la fierté de Toronto en 2010[21]. Ces attaques ont vite été défaites lorsque les organisateurs de la semaine de la fierté ont rencontré une forte réponse populaire en faveur du droit de QuAIA de participer au défilé. En 2011, le directeur municipal de Toronto signala au conseil que QuAIA ne violait aucun règlement municipal, ni aucune loi.  En 2012, le Conseil de règlement des différends de Pride Toronto rejeta une plainte formulée par B'nai Brith qui avait pour intention d'empêcher la participation de QuAIA au défilé cette année-là. En 2013, QuAIA, avec le soutien de CJPMO et d'autres groupes, a de nouveau réussit à contrer une tentative de forcer les organisateurs de la fierté, qui étaient menacés de perdre leur financement municipal habituel, à l'exclure du défilé. En juin 2013, le lobby pro-Israël essayait toujours de s'immiscer dans la formulation des politiques antidiscrimination de la ville de Toronto afin de prévenir les critiques acerbes à l’égard d'Israël dans les espaces et les événements financés par la ville et pour encourager la marginalisation de QuAIA et d'autres groupes critiquant la conduite d'Israël[22].



[1] « Who We Are ». Queers Against Israeli Apartheid. En ligne: http://queersagainstapartheid.org/. Page consultée le 10 avril 2013.

[2] Schulman, Sarah. « Israel and ‘Pinkwashing’ ». The New York Times. 22 novembre 2011.

[3] Schulman, Sarah. « Israel and ‘Pinkwashing’ ». The New York Times. 22 novembre 2011.

[4] Edelman, Ofra. «Court grants gay couple right to adopt 30-year-old foster son». Haaretz. 11 mars 2009.

[5] Greenberg, Joel. « Tel Aviv Journal; Once Taboo, a Gay Israeli Treads the Halls of Power ». The New York Times. 16 octobre 2002.

[6] « Israel awards country's first gay divorce ». Reuters. 5 décembre 2012.

[7] « Pinkwatching Kit ». Pinkwatching Israel. En ligne: http://www.pinkwatchingisrael.com/. Page consultée le 9 avril 2013.

[8] Ibid.

[9] « Queer Support for Israel ». Queer Support for Israel. Page Facebook.

[10] « Gay Rights ». Stand With Us. En ligne: http://www.standwithus.com/FLYERS/.

[11] « Who We Are ». Aswat. En ligne: http://www.aswatgroup.org/en/content/who-we-are. Page consultée le 10 avril 2013.

[12] « Who Are We ». Al Qaws. En ligne: http://www.alqaws.org/q/content/who-are-we. Page consultée le 10 avril 2013.

[13] « About ». Palestinian Queers for Boycott, Divestment and Sanctions. En ligne: http://www.pqbds.com/about/. Page consultée le 10 avril 2013.

[14] Globe and Mail. "Transcript of Prime Minister Netanyahu's address to U.S. Congress." 24 mai 2011

[15] « Pinkwatching Kit ». Pinkwatching Israel. En ligne: http://www.pinkwatchingisrael.com/. Page consultée le 9 avril 2013.

[16] Pour en savoir plus, veuillez consulter le point de discussion CJPMO Boycott, désinvestissement et sanctions, mars 2010.

[17] « Who We Are ». Queers Against Israeli Apartheid. En ligne: http://queersagainstapartheid.org/. Page consultée le 10 avril 2013.

[18] « Pinkwatching Israel ». Pinkwatching Israel. En ligne: http://www.pinkwatchingisrael.com/. Page consultée le 10 avril 2013.

[19] Ibid.

[20] « Queers Against Israeli Apartheid A ». Coalition Against Israeli Apartheid. En ligne: http://www.caiaweb.org/committees/qaia/. Page consultée le 10 avril 2013.

[21] McLean, Jesse. «Backlash grows against Pride’s ‘Israeli apartheid’ ban ». The Star. 6 juin 2010.

[22] Pour en savoir plus, veuillez consulter le communiqué de presse de CJPMO Les organisateurs de la Semaine de la fierté de Toronto lèvent le bâillon sur les Queers Against Israeli Apartheid, 28 juin 2010.

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