Fiche-info 67, publiée en janvier 2010 : Cette fiche d’information traite de l’utilisation de nouvelles armes illégales par les Israéliens lors de l’opération Plomb durci sur la bande de gaza. Des armes comme du phosphore blanc, des drones, des fléchettes, des bombes au tungstène ainsi que d’autres armes. 

Utilisation d’armes illégales par les Israéliens lors de l’agression contre Gaza

Série Fiche-info N.67, créée: January 2010, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 

67.pngAu cours des 22 jours suivant le 27 décembre 2008, l’armée israélienne a fait plus 1 400 victimes parmi les Palestiniens, dont plus de 300 enfants, dans la bande de Gaza[1] lors d’une opération baptisée « Plomb durci ». Même avec son seul armement classique, Israël a été accusé de crimes de guerre, « la plupart des destructions [étant] injustifiées et [résultant] d’attaques visant directement des biens civils, ou encore d’attaques aveugles frappant indistinctement des objectifs militaires légitimes et des biens de caractère civil[2] ». Mais Israël a aussi mis à l’essai, de façon illicite, des armes différentes et nouvelles durant l’opération Plomb durci.

 

Quelles nouvelles armes ont été illicitement utilisées par Israël au cours de l’opération Plomb durci?

Phosphore blanc.  Conçu comme agent fumigène et incendiaire/défoliant pour assister les troupes sur le champ de bataille, le phosphore blanc a été utilisé à répétition par Israël dans des zones urbaines du centre de Gaza. Le phosphore blanc est déployé par des obus chargés de pièces imprégnées d’une substance incendiaire qui s’enflamme au contact de l’oxygène et qui produit de larges traînées de fumée suffocante. Les délégués d’Amnistie Internationale ont trouvé, le 18 janvier, des restes d'obus et des éclats encore en feu dans les zones résidentielles[3]. Le Times de Londres a publié des photos d’obus d’artillerie des Forces armées israéliennes (FAI) portant le code M825A1, soit le code du phosphore blanc du fabricant américain General Dynamic[4]. Human Rights Watch a produit, outre les photos révélatrices des détonations de phosphore blanc pendant l’attaque, des rapports de témoins oculaires des bombardements[5].

Selon le vent et la hauteur de la détonation, les éclats peuvent se disperser sur une superficie de la taille d’un terrain de football, brûler le bois et d’autres matériaux de construction et même faire fondre la vitre. Le phosphore brûle jusqu’à ce que sa source d’oxygène soit épuisée[6]. Il mord dans la chair et dans les os pour s’infiltrer dans organes internes, causant des douleurs atroces, une insuffisance rénale à long terme et la propagation des infections[7].

L’utilisation par Israël d’obus fusants au phosphore blanc à Gaza est illégale à divers égards. Premièrement, en raison de la large dispersion des munitions, l’utilisation de phosphore blanc dans les zones urbaines est illégale parce qu’elle ne permet de distinguer ni les combattants des civils, ni les cibles militaires des cibles civiles. Deuxièmement, l’utilisation d’un agent incendiaire comme arme – même contre des combattants – est restreinte par le droit international coutumier, à cause des souffrances inutiles qu’elle inflige[8]

Drones.  Les drones armés ou drones de combat de type UCAV peuvent être dirigés par des pilotes qui se trouvent bien à l’abri à des kilomètres de la zone de combat. Capables de rester en altitude pendant 24 heures, les drones et leurs charges peuvent être dotés de capteurs infrarouges et de caméras à haute résolution. Le pilote peut observer la situation et y réagir comme s’il se trouvait dans le poste de pilotage d’un aéronef ou regarder par la coiffe du missile pendant que celui-ci se dirige vers sa cible; le pilote devrait pouvoir distinguer les combattants des civils[9].  Les FAI ont utilisé deux drones israéliens à Gaza : l’Hermes et le Heron.

Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport sur six attaques aux drones par les FAI, attaques qui ont fait au total 29 victimes dans la population civile[10]. Lors d’une de ces attaques, un missile lancé à partir d’un drone a explosé tout près du Collège technique de Gaza parrainé par l’UNWRA le 27 décembre tuant 12 hommes et femmes qui attendaient l’autobus. Deux jours plus tard, un autre drone a pris pour cible un camion à plate-forme près d’un atelier de métal, tuant neuf personnes dont deux enfants. 

À l’instar de douzaines d’autres violations du droit international humanitaire par Israël, les forces armées n’ont pas pris, lors de ces attaques, les précautions nécessaires pour vérifier que les cibles étaient bien des combattants. Mais comme l’indique HRW, « la sophistication technologique des drones et des missiles qu'ils lancent rendent ces violations d'autant plus criantes[11] ». 

Fléchettes.  Généralement lancées à partir de chars, les fléchettes sont des dards de 4 cm de long. De 5 000 à 8 000 fléchettes sont chargées dans des obus qui se dispersent sur une superficie de 100 m sur 300 m. Des fléchettes ont été tirées par les forces israéliennes dans des zones très peuplées. Le 4 janvier, Amnistie Internationale a rapporté qu’un travailleur paramédical avait été tué et qu’un autre avait été grièvement blessé après l’attaque aux fléchettes de leur ambulance près de Beit Lahiya. Un jeune de 16 ans est mort de blessures infligées par des fléchettes lors du bombardement de la maison familiale. Une jeune mère est morte après avoir été atteinte par des fléchettes, alors qu’elle se trouvait dans son jardin en compagnie de son mari, de son beau-frère et de son fils de 2 ans[12].

Comme dans le cas du phosphore blanc, l’utilisation de fléchettes par Israël est illégale à divers égards.  Étant donné la dispersion très importante des fléchettes, l’utilisation de ces projectiles dans les zones urbaines est illégale, car elle ne permet pas de distinguer les combattants des civils. Manifestement, les exemples précités illustrent que les obus ont visé, de façon indue et illégale, des civils et des effectifs médicaux.

Bombes au tungstène.  Les munitions DIME (Dense Inert Metal Explosive) semblent avoir causé des blessures qui n’avaient pas encore été observées dans les hôpitaux de Gaza. Le Dr Erike Fosse du Comité d’aide de la Norvège a fait état de lésions dans la partie inférieure du corps des victimes, laissant penser que celles-ci avaient marché sur une mine, bien qu’on n’ait pas retrouvé d’éclats dans leurs plaies[13]. Bon nombre de ces victimes sont mortes dans les 24 heures[14]. Si Human Rights Watch n’a pu confirmer l’utilisation de DIME, le recours à des missiles lancés depuis des drones et chargés de manchon faits de tungstène a été démontré. Ces obus contiennent de minuscules fragments de 2 à 3 mm chacun qui explosent à forte vitesse et, comme les munitions DIME, décélèrent vite en raison de leur poids relativement élevé[15]. Ils peuvent déchiqueter quiconque se trouve dans une zone de souffle de quelque 20 mètres de diamètre. Comme dans le cas des fléchettes, l’utilisation de bombes au tungstène dans les zones urbaines est proscrite par le droit international humanitaire.

Autres armes.  Le rapport de l’enquête de l’ONU dirigée par Richard Goldstone mentionne brièvement l’utilisation présumée, par l’armée israélienne, d’uranium appauvri durant l’attaque contre Gaza de même que d’uranium non appauvri et de niobium. Si la Commission n’a pas écarté la possibilité que ces substances aient été utilisées, elle n’a pas poussé l’enquête plus loin[16].

Un mortier guidé par GPS a raté sa cible de 30 mètres et s’est abattu sur une école de l’UNWRA, faisant 30 victimes sur le coup et d’autres, mortes plus tard des suites de leurs blessures. Mis au point par l’industrie de l’armement israélienne et Aliant, une entreprise américaine, le mortier aurait, dit-on, une marge d’erreur de 3 mètres[17].

 

Comment le droit international s’applique-t-il en période de conflit armé?

Les civils ne doivent pas être assujettis « aux actes ou aux menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile » et doivent être à l’abri des attaques sans discrimination. Les forces militaires doivent restreindre leurs attaques à des « objets » ou des biens qui ont un objectif militaire précis. Les habitations, les lieux de culte, les champs de culture, les usines de traitement de l’eau et d’autres installations qui assurent la subsistance des non-combattants ne doivent pas être endommagés pour les fins d’une opération militaire[18].De plus, les combattants doivent « […] faire tout ce qui est pratiquement possible pour vérifier que les objectifs à attaquer ne sont ni des personnes civiles, ni des biens de caractère civil, et ne bénéficient pas d'une protection spéciale […] », « pour éviter […] ou réduire au minimum les pertes en vies humaines, les blessures aux personnes civiles et les dommages » en s'abstenant de lancer une attaque susceptible de produire de tels résultats[19].



[1] « L’opération ‘Plomb durci’ : vingt-deux jours de mort et de destruction ».  Amnesty International, MDE 15/015/2009, juillet 2009, p. 1

[2] Ibid.  Amnesty affirme : « Ces attaques constituent une violation de dispositions fondamentales du droit international humanitaire, et notamment l’interdiction des attaques directes contre des civils et des biens civils (principe de distinction), des attaques sans discrimination ou disproportionnées, et des sanctions collectives. »

[3]  « Israël a utilisé du phosphore blanc dans des zones civiles de Gaza ».  Amnesty International. 19 janvier 2009.

[4]   Roth, Kenneth. « The Incendiary IDF ».  Human Rights Watch. 22 janvier 2009.

[5]   Garlasco, Marc. « Rain of Fire » Human Rights Watch. 25 mars 2009.

[6]   “Israël a utilisé du phosphore blanc dans des zones civiles de Gaza ».  Amnesty International. 19 janvier 2009.

[7]   Hass, Amira. « Gaza Burn Victims Exhibit Signs of Possible Phosphorous Wounds ». Ha’aretz. 15 février 2009.

[8]   « L’opération ‘Plomb durci’ : vingt-deux jours de mort et de destruction ».  Amnesty International, MDE 15/015/2009, juillet 2009, p. 31

[9]   « Precisely Wrong: Gaza civilians killed by Israeli Drone-Launched Missiles ». Human Rights Watch.. 30 juin 2009, p.4.

[10]   Ibid.

[11]   Ibid.

[12]   Garlasco, Marc. Conversation téléphonique. 18 juin 2009.

[13]   Whitaker, Raymond. « Tungsten Bombs Leave Israel’s Victims with Mystery Wounds ».  The Independent. 18 janvier 2009

[14]   « Outcry Over Weapons Used in Gaza ». Al Jazeera. 19 janvier 2009

[15]   Garlasco, Marc. Conversation téléphonique. 18 juin 2009.

[16]   « Human Rights in Palestine and Other Occupied Territories: Report of the United Nations Fact Finding Mission on the Gaza Conflict ». ONU. 15 septembre 2009, p. 253.

[17]   Hass, Amira. « Is Israel Using Illegal Weapons in Its Offensive in Gaza? ». Ha’aretz, 11 mars 2009.

[18]   Protocole additionnel aux Conventions de Genève (Protocole I). Articles 51-54.

[19]   Ibid., Article 57 1, 2 (a. i-iii, b.).

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