Fiche-info 52, publiée en février 2009 : Cette fiche-info revient sur la manière dont Israël a failli à toutes ses obligations sous la loi internationale durant la guerre contre Gaza du 27 décembre au 17 janvier 2009. En effet, Israël est accusée de ne pas avoir autorisé l’entrée d’aide suffisante dans le territoire, d’avoir détenu des Palestiniens dans des conditions inhumaines durant la guerre, et d’avoir utilisé des armes de non-précision et très dispersées entre autres. Cette fiche-info fournit également des recommandations sur la manière de poursuivre Israël pour ses crimes.

Non respect de la loi durant la guerre israélienne à Gaza

Série Fiche-info N.52, créée: Fevrier 2009, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 

52.pngEn droit international humanitaire, ce sont les Conventions de Genève qui traitent des soins aux malades et blessés, des prisonniers de guerre, et de la protection des civils en temps de guerre. En vertu du droit international, au cours de la guerre d'Israël à Gaza, du 27 décembre 2008 au 17 janvier 2009, Israël avait la responsabilité de veiller à ce que les civils aient accès aux services médicaux, que les civils ne soient pas victimes d’actions militaires; et que l'infrastructure civile ne soit pas attaquée. Israël a failli à ses obligations en vertu du droit international humanitaire.

 

Israël a-t-il permis un accès humanitaire adéquat durant la guerre?

Les organisations internationales ont accusé Israël tout au long du conflit de ne pas autoriser l’entrée d’une aide suffisante dans le territoire. Après une semaine de combats, Israël a permis un « couloir humanitaire » de trois heures par jour, pour faciliter la circulation de l'aide et permettre l'évacuation des blessés. 1  Un temps totalement insuffisant pour secourir ceux dans le besoin ou pour un approvisionnement en denrées d'urgence. L'armée israélienne a continué, durant le « couloir humanitaire » de bloquer l'accès à des quartiers touchés et l'ONU a dû suspendre temporairement l’approvisionnement le 8 janvier, après que deux travailleurs de l’UNRWA aient été tués par les Israéliens ciblant un convoi des Nations Unies. 2  Selon le droit international, les civils doivent être protégés et avoir accès à des soins médicaux en tout temps, non pas durant quelques heures par jour. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les ambulanciers se sont plaints que l'armée israélienne ne leur permettait pas de faire leur travail. Dans un cas particulièrement choquant, des travailleurs médicaux ont trouvé plusieurs enfants affaiblis, accrochés aux cadavres de leurs mères, dans des maisons détruites par des obus israéliens, à moins de 100 mètres d’une position israélienne. La Croix-Rouge a essayé d'obtenir la permission d’accès au quartier durant quatre jours. Le CICR a déclaré que « l’armée israélienne a manqué à son obligation en vertu du droit international humanitaire de s’occuper de et d’évacuer les blessés. » 3  Les travailleurs médicaux d'urgence ont à maintes reprises été pris sous le feu des forces israéliennes dans la bande de Gaza, alors qu’ils transportaient ou tentaient d'atteindre des blessés ou des morts. Au moins treize d’entre eux ont été tués et vingt- deux blessés dans l'exercice de leurs fonctions. 4

 

Le traitement des prisonniers par Israël a-t-il été conforme au droit international?

En vertu du droit international, les prisonniers de guerre doivent être mis hors de danger, doivent être traités d’une manière humaine et doivent avoir accès à des soins médicaux, de la nourriture et de l’eau. Des groupes israéliens de défense des droits humains ont accusé Israël de détenir des Palestiniens durant la guerre de Gaza dans des conditions inhumaines. Dans une déclaration commune, sept groupes israéliens des droits de l'homme ont déclaré que : « Les rapports indiquent, entre autres choses, que de nombreux prisonniers – des mineurs comme des adultes - ont été détenus pendant plusieurs heures - parfois pendant des jours - dans des fosses creusées dans le sol, exposés à des froids et des intempéries terribles, menottés et les yeux bandés. [...] Certains prisonniers ont été détenus à proximité des chars et dans les zones de combat, en violation flagrante du droit international humanitaire, qui interdit la détention des prisonniers et des captifs dans des zones exposées à un danger. [...] Des incidents de violence extrême et d'humiliation par les soldats et les interrogateurs se sont également produits. ». 5

 

L’utilisation des armes était-elle acceptable, en vertu du droit international?

Selon le droit international, il est illégal d'utiliser des armes de non-précision ou très dispersées dans et autour des centres de population. Le risque de tuer des civils, avec l'utilisation de telles armes dans des zones densément peuplées, est bien évident. Néanmoins, Amnesty International a déclaré que sa mission d’information a trouvé « la preuve indiscutable » que le phosphore blanc a été utilisé dans des zones résidentielles et densément peuplées de la bande de Gaza. Le phosphore blanc est très incendiaire. Les obus couvrent une grande surface avec des petites boules imprégnées d’une substance qui s'enflamme au contact de l'oxygène. La recherchiste d'Amnesty International pour Israël et les Territoires palestiniens occupés, Donatella Rovera, a déclaré que l'utilisation de cette arme dans des zones civiles a une action aveugle et que « son utilisation répétée de cette manière, malgré la preuve de ses effets sans discernement et néfastes sur les civils, est un crime de guerre ». 6

Le Hamas a également ciblé des zones civiles israéliennes avec des roquettes qui n’ont pas de précision pendant les trois semaines de combats. Plus de 700 roquettes ont été tirées, entraînant la mort de trois civils.7,8

 

Israël a-t-il pris des précautions pour protéger les non-combattants?

Israël a endommagé ou détruit 53 installations utilisées par l'Organisation des Nations Unies pour les refugiés palestiniens (UNRWA), la branche de l'ONU chargée de fournir des services de base et de l'aide à plus d'un million des 1,5 millions de personnes vivant à Gaza. 37 des installations étaient des écoles, dont six utilisées comme abris d'urgence; six autres étaient des centres de santé et deux autres, des entrepôts. 9  Israël a tenté de

justifier certaines de ces attaques en affirmant que des militants du Hamas s’étaient abrités dans des installations des Nations Unies, mais l'ONU a démenti ces allégations. 10,11 Même si les combattants du Hamas avaient été dans le voisinage immédiat, Israël est tenu, en vertu du droit international, de protéger les civils, et si, comme le prétend Israël, le Hamas a utilisé des civils comme boucliers humains, cela n’annule pas cette obligation.

 

Comment Israël peut-il être poursuivi pour crimes de guerre?

D'autres investigations doivent être faites concernant les crimes de guerre israéliens. Néanmoins, il ne fait aucun doute qu'Israël a violé le principe de proportionnalité et n'a pas protégé la population civile, en tant que belligérant et occupant de Gaza. Il y a quatre options principales de poursuite et condamnation des responsables de violations du droit international humanitaire et de crimes de guerre:

Première option: les cas individuels de crimes de guerre sont soumis à la Cour pénale internationale (CPI). Il est important de noter toutefois que la CPI n'a pas de juridiction sur Israël dans ce conflit, car Israël n'a pas signé le Statut de Rome, le traité qui a créé la CPI. La CPI n'a pas juridiction sur les États qui ne sont pas signataires du traité, à moins que le Conseil de sécurité des Nations Unies réfère des cas à la Cour, ce qui est peu probable.

Deuxième option: L'Assemblée générale peut demander un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) basée à La Haye. La CIJ a statué en 2004 que le mur de séparation, construit essentiellement sur des terres occupées, est illégal en vertu du droit international, mais Tel-Aviv a ignoré la décision. Si la CIJ décidait de revenir sur ce cas, il serait toujours difficile d’imposer une décision, la CIJ n'ayant pas de pouvoir exécutif.

Troisième option: Les Conventions de Genève statuent que les pays peuvent poursuivre leurs propres citoyens ou soldats pour crimes de guerre. Israël a clairement fait savoir qu'il n’envisage pas une telle option. En fait, comme le souligne B'Tselem, historiquement Israël a ignoré les crimes commis par ses soldats et ses officiers.

Quatrième option: Le concept de « juridiction universelle » permet à tout État de lancer une procédure judiciaire contre toute personne, partout dans le monde, soupçonnée d'avoir commis des crimes liés à des violations graves du droit international. Les États ont été réticents à le faire, mais un juge espagnol a ouvert une enquête le 29 janvier 2009, sur un bombardement israélien de 2002 dans la bande de Gaza, qui a tué un militant du Hamas et quatorze autres personnes, dont neuf enfants. 12,13 Les suspects de cas de « juridiction universelle » peuvent être détenus ou arrêtés lorsqu’ ils voyagent à l'étranger.

 

 


 

1 “Israel to halt attacks for three hours a day.” Reuters. January 7, 2009.

2 “Major UN agency suspends Gaza relief operations after Israeli strike kills two drivers” United Nations News Service. January 8,

2009.

3   “Gaza: ICRC demands urgent access to wounded as Israeli army fails to assist wounded Palestinians.” ICRC News Release. January 8, 2009.

4 “Ban urges unilateral Israeli ceasefire in Gaza meets with Palestinian leaders.” UN News Center. January 16, 2009.

5 “Israel held many Gaza prisoners in harsh and humiliating conditions and threatened their lives and their health.” Public committee against Torture in Israel. January 28, 2009.

6 “Israel used white phosphorous in Gaza civilian areas.” Amnesty International. January 19, 2009.

7 “Shin Bet: 565 rockets, 200 mortar shells fired at Israel since start of Gaza op.” Haaretz. January 14, 2009.

8 “Developments in Gaza fighting.” Reuters. January 17, 2009.

9 UN to probe Gaza compound attack.” Al Jazeera English. January 30, 2009.

10 “UN: No fighters in targeted school.” Al Jazeera English. January 08, 2009.

11   “Senior official gives eyewitness account of Israeli shelling of UN Gaza compound.” United Nations News Service. January 15,

2009.

12 Rice, Anita. “War crimes convictions after Gaza?” Al Jazeera English. January 22, 2009.

13 “Livni says Spain to drop universal jurisdiction.” International Herald Tribune. January 30, 2009.

 

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