Les Palestiniens et le Droit de Résister

Série Fiches d’information no 236, créé: Août 2023, Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient
 

La fiche d'information 236 de CJPMO, publiée en août 2023, présente des arguments en faveur du "droit de résister" des Palestiniens en vertu du droit international. Cette fiche donne une analyse approfondie des raisons pour lesquelles l'ONU a reconnu ce droit, pourquoi le "droit d'exister" est reconnu par le droit humanitaire international et quelles sont les limites de ce droit. La fiche d'information explore également la manière dont les Palestiniens résistent en permanence à l'occupation israélienne et la manière dont le Canada sape le droit de résistance des Palestiniens.

Les Palestiniens ont-ils le « droit de résister » selon les Nations unies ?

Oui, l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a explicitement affirmé le droit des Palestiniens à résister à l'occupation militaire israélienne, y compris par la lutte armée. Ce droit a été affirmé dans le contexte du droit à l'autodétermination de tous les peuples soumis à un régime étranger et colonial. Parmi les résolutions des Nations unies les plus pertinentes en la matière, on peut citer les suivantes :

  • La résolution 3314 (1974) de l'Assemblée générale des Nations unies affirme le droit à l'autodétermination, à la liberté et à l'indépendance de tous les « peuples soumis à des régimes coloniaux et racistes ou à d'autres formes de domination étrangère » et affirme le « droit de ces peuples de lutter à cette fin et de chercher et de recevoir un appui ». [i]
  • La résolution 37/43 (1982) de l'Assemblée générale des Nations unies a réaffirmé le « droit inaliénable » du peuple palestinien « et de tous les peuples soumis à une domination étrangère et coloniale » à l'autodétermination. Elle a également réaffirmé la légitimité de « la lutte des peuples pour [...] se libérer de la domination coloniale et étrangère et de l'occupation étrangère par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ». [ii]

Des principes similaires ont été répétés dans de nombreuses autres résolutions de l'AGNU. Bien que les résolutions de l'AGNU ne soient pas juridiquement contraignantes, elles « reflètent fidèlement l'opinion juridique internationale coutumière de la majorité des États souverains du monde ». [iii]

Pourquoi les Nations unies ont-elles reconnu ce droit ?

Les Nations unies ont reconnu le droit de résister à la domination étrangère dans le contexte des guerres d'indépendance contre les puissances coloniales dans la seconde moitié du XXe siècle, en particulier en Afrique australe. Les résolutions de l'ONU au cours de cette période ont souvent soutenu la lutte palestinienne aux côtés de mouvements de libération similaires dans d'autres contextes coloniaux, notamment la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud et en Namibie, qui ont également eu recours à la lutte armée pour atteindre leurs objectifs. Au cours de cette même période, les Nations unies ont accordé le statut d'observateur à l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) [iv], aux côtés de mouvements de libération africains tels que le Congrès national africain (ANC).

Le « droit de résister » est-il reconnu par le droit international humanitaire ?

Oui. Initialement, le droit international de la guerre, tel que défini par la quatrième convention de Genève (1949), n'avait pas grand-chose à dire sur le recours à la force contre une puissance occupante, mais ne l'interdisait pas. [v] Toutefois, les amendements supplémentaires apportés à la quatrième convention de Genève dans le cadre du protocole I (1977) ont élargi le champ d'application de la loi, affirmant explicitement qu'elle s'applique à des situations telles que « les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination ».[vi]  Cette mise à jour du droit international a donné une légitimité juridique au « recours aux armes par les mouvements de libération nationale, y compris l'OLP » [vii], conférant aux Palestiniens un « droit légal » d'utiliser la force contre l'occupation[viii] militaire, similaire à celui dont jouissent les nations souveraines.

Existe-t-il des limitations à l'exercice de ce droit ?

Oui. Comme l'écrit Noura Erakat, juriste palestino-américaine, le droit de recourir à la force « n'est pas illimité et est régi par les principes de distinction et de proportionnalité, ainsi que par les autres lois qui régissent les combats[ix] irréguliers ».   La « distinction » fait référence au mandat de distinguer les combattants de l'occupant des civils[x].   En tant que telle, la résistance armée palestinienne doit viser les soldats et les infrastructures de l'occupation, et jamais les civils.

C'est pourquoi des experts des Nations unies et des groupes de défense des droits de l'homme, dont Amnesty International, ont affirmé que les tirs aveugles de roquettes par les groupes militants palestiniens à Gaza étaient illégaux et pouvaient constituer un crime de guerre, car les roquettes ne peuvent être « dirigées avec précision vers une cible militaire » et ne peuvent donc pas faire la distinction entre les objets militaires et les civils[xi].  Ces actes font l'objet d'une enquête en cours de la Cour pénale internationale (CPI), au même titre que les crimes de guerre israéliens. [xii] [xiii]

D'autre part, la violence dirigée contre des cibles militaires, y compris les soldats de l'occupation israélienne et les points de contrôle militaires, peut être considérée comme relevant du droit de résistance d'un peuple occupé. Erakat affirme que « les Palestiniens ont le droit d'utiliser la force contre Israël et toutes les installations et cibles militaires pour mettre fin à leur domination injuste ». [xiv]

Comment les Palestiniens résistent-ils à l'occupation israélienne ?

Les Palestiniens ont historiquement résisté à la domination coloniale par différents moyens, déployant souvent des méthodes de résistance à la fois violentes et non violentes.

Pendant la première Intifada (1987-1993), les Palestiniens ont adopté une stratégie de désobéissance civile non violente. Par l'intermédiaire de comités populaires et de masse, les Palestiniens ont organisé des grèves, des boycotts et des projets autonomes, notamment des économies domestiques ou des « jardins de la victoire » et des « écoles révolutionnaires » [xv].  Le boycott économique est une tactique populaire qui se poursuit aujourd'hui, comme en témoigne l'appel palestinien au boycott, au désinvestissement et aux sanctions (BDS), qui constitue une forme de pression non violente sur Israël[xvi].  Parmi les autres formes de résistance non violente, citons les grèves de la faim des prisonniers politiques palestiniens, les arts et la littérature de résistance et l'éducation populaire.

Il existe également une longue histoire de résistance armée palestinienne qui remonte à la Grande Révolte arabe de 1936-1939 contre l'occupation britannique et les accaparements croissants de terres par les sionistes[xvii].  Après la création de l'OLP en 1964, la lutte armée a été considérée comme le principal moyen de parvenir à la libération[xviii].  Cette stratégie se poursuit aujourd'hui, de nombreux Palestiniens s'engageant dans diverses formes d'attaques armées contre l'occupation militaire israélienne[xix]. Des sondages ont régulièrement montré que les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza soutiennent massivement la lutte armée comme moyen de mettre fin à l'occupation.

Le Canada soutient-il le droit de résistance de Palestiniens?

Non. Bien que le Canada reconnaisse le droit des Palestiniens à « l'autodétermination et soutienne la création d'un État palestinien souverain, indépendant, viable, démocratique et d'un seul tenant » [xx], il condamne systématiquement la résistance palestinienne à l'occupation israélienne, qu'elle soit violente ou non.

L'opposition du Canada aux mouvements non violents qui soutiennent les droits des Palestiniens est paradoxale, mais malheureusement constante. En 2016, par exemple, le Parlement canadien a voté la condamnation du mouvement non violent BDS et de ses partisans canadiens[xxi], et a toujours bloqué toute mesure sérieuse visant à tenir Israël pour responsable des violations du droit international. De même, depuis des années, le Canada s'oppose aux efforts déployés par les Palestiniens pour obtenir justice auprès de la Cour pénale internationale (CPI), de la Cour internationale de justice (CIJ) et d'autres forums. Parallèlement, le Canada condamne toutes les formes de résistance armée palestinienne contre l'occupation israélienne, tout en soutenant ouvertement le droit d'Israël à recourir à la violence contre les Palestiniens.

[i] UNGA resolution 3314, “Definition of Aggression,” December 14, 1974.

[ii] UNGA resolution 37/43, “Importance of the universal realization of the right of peoples to self-determination and of the speedy granting of independence to colonial countries and peoples for the effective guarantee and observance of human rights,” December 3, 1982.

[iii] John Sigler, “Palestine: Legitimate Armed Resistance vs. Terrorism,” Electronic Intifada, May 17 2004.

[iv] UNGA resolution 3237, “Observer status for the Palestine Liberation Organization,” November 22, 1974.

[v] Eliav Lieblich and Eyal Benvenisti, Occupation in International Law, Oxford University Press, 2022, 170-1.

[vi] Protocol Additional to the Geneva Conventions of 12 August 1949, and relating to the Protection of Victims of International Armed Conflicts (Protocol I), June 8, 1977.

[vii] Noura Erakat, Justice for Some: Law and the Question of Palestine, Stanford University Press (2019), 111.

[viii] Noura Erakat interviewed by Alex Kane, “Unpacking Israel’s Legal Fictions,” Jewish Currents, July 14, 2023.

[ix] Noura Erakat interviewed by Alex Kane, “Unpacking Israel’s Legal Fictions,” Jewish Currents, July 14, 2023.

[x] “Principle of Distinction,” International Committee of the Red Cross, accessed Aug. 1, 2023 at https://casebook.icrc.org/law/principle-distinction.

[xi] Amnesty International, “Unlawful and deadly: Rocket and mortar attacks by Palestinian armed groups during the 2014 Gaza/Israel conflict,” March 26, 2015.

[xii] Peter Beaumont, “ICC opens investigation into war crimes in Palestinian territories,” The Guardian, March 3, 2021.

[xiii] In a contrary view, some argue that this position is untenable given the asymmetrical capacities of Palestinian militants and the Israeli military, which leaves Palestinians with “no other means to defend themselves or deter Israeli attacks …  In such a situation, the only effective means of defense and deterrence must be deemed lawful by necessity.” See Ali Abunimah, “Why Palestine is central to anti-imperialist resistance,” Electronic Intifada, August 22, 2022.

[xiv] Noura Erakat interviewed by Alex Kane, “Unpacking Israel’s Legal Fictions,” Jewish Currents, July 14, 2023.

[xv] “Palestinian Nonviolent Resistance to Occupation Since 1967,” AFSC Middle East Task Force, Fall 2005.

[xvi] “Palestinian Civil Society Calls for Boycott, Divestment and Sanctions against Israel Until it Complies with International Law and Universal Principles of Human Rights,” bdsmovement.net, July 9, 2005.

[xvii] “Great Arab Revolt, 1936-1939: A Popular Uprising Facing a Ruthless Repression,” Interactive Encyclopedia of the Palestine Question.

[xviii] “Palestine Liberation Organization (I): The Reemergence of the Palestinian National Movement,” Interactive Encyclopedia of the Palestine Question; Palestine National Council, “10 Point Program of the PLO,” June 8, 1974.

[xix] Palestine Center for Policy and Survey Research, “Public Opinion Poll No 87,” March 23, 2023.

[xx] Government of Canada, “Canadian policy on key issues in the Israeli-Palestinian conflict,” last modified January 20, 2023.

[xxi] Globe and Mail, “Parliament votes to reject Israel boycott campaign,” February 23, 2016.

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