CJPME Factsheet, published June, 2021.
Fiche d’information CJPME No. 224, publiée en juin 2021 : Cette fiche d’information présente une analyse de la campagne de vaccination contre la COVID-19 en Palestine et de la responsabilité légale d’Israël de protéger les Palestiniens de cette maladie.
L’État d’Israël refuse-t-il de vacciner les Palestiniens ?
Oui, mais pas tous. Israël a exclu environ cinq millions de Palestiniens de Cisjordanie occupée et de Gaza de son programme de vaccination contre la COVID-19. Les citoyens palestiniens d'Israël, ainsi que les Palestiniens de Jérusalem-Est occupée, y ont cependant accès. De plus, Israël a proposé de vacciner les Palestiniens de Cisjordanie qui travaillent en Israël ou dans des colonies illégales, et qui peuvent donc entrer en contact étroit avec des Israéliens.
En juin 2021, Israël a annoncé un accord pour prêter environ 1 million de vaccins presque périmés à l'Autorité palestinienne, en échange d'une future livraison de nouveaux vaccins qui avaient déjà été achetés par l'Autorité palestinienne.[1] Malgré les suggestions de certains selon lesquelles il s’agissait d’un don ou d’un acte de bienveillance d’Israël, l’accord n’aurait pas amélioré l’accès global aux vaccins et n’aurait servi l’intérêt personnel que d’Israël. Les Palestiniens ont considéré cela comme un étant un geste cynique qui ne répondait pas à leurs besoins essentiels en matière de soins de santé.[2]
Est-il discriminatoire pour Israël d'exclure les Palestiniens sous occupation ?
Oui. Le refus d'Israël de vacciner les Palestiniens sous occupation est clairement un acte d'apartheid. Cela n'est nulle part plus évident qu'en Cisjordanie, où les colons israéliens peuvent accéder aux vaccins israéliens, mais les Palestiniens vivant sur le même territoire n’y ont pas accès. Comme Human Rights Watch l’a noté, en Cisjordanie, « les gens d’un côté de la rue reçoivent des vaccins, tandis que ceux de l’autre n’en reçoivent pas, dépendamment de s’ils sont juifs ou palestiniens ».[3]
L'inclusion des colons israéliens dans le programme de vaccination d'Israël prouve qu'il n'y a pas de contraintes logistiques qui empêcheraient Israël de fournir des vaccins aux Palestiniens - au lieu de cela, les fonctionnaires ont délibérément fait le choix de les laisser « sans protection ».[4]
Les deux populations sont sous le contrôle du gouvernement israélien, et pourtant leurs systèmes de santé sont divisés et inégaux. Cet accès inégal aux soins de santé fondé sur la discrimination ethnique est ce qu'Amnistie Internationale a qualifié de « discrimination institutionnelle »[5] et que beaucoup appellent « apartheid médical ».[6]
Qui est responsable de la vaccination des Palestiniens ?
L’État d’Israël prétend qu'en vertu des Accords d'Oslo, il n'est pas responsable de la vaccination des Palestiniens dans les territoires occupés. Ceci n'est pas vrai. Alors que les Accords d'Oslo (signés en 1993) ont donné à l'Autorité palestinienne une autonomie limitée pour gérer les soins de santé, le droit international est clair sur le fait qu'une puissance occupante est ultimement responsable de la santé publique des personnes occupées. L'article 56 de la IVe Convention de Genève stipule qu'une puissance occupante a la responsabilité légale de maintenir « les établissements et services médicaux et hospitaliers, la santé publique et l'hygiène sur le territoire occupé, notamment en ce qui concerne l'adoption et l'application des mesures nécessaires pour lutter contre la propagation des maladies contagieuses et des épidémies. »[7] La IVe Convention de Genève prévaut sur toutes les autres lois et accords, y compris les Accords d'Oslo.
Des experts de l'ONU et des groupes de défense des droits de l'Homme ont insisté sur le fait que « les Accords d'Oslo n'exemptent pas Israël de ses devoirs en tant que puissance occupante ».[8] Plus de 31 organisations de défense des droits de l’Homme et de soins de santé, dont beaucoup sont israéliennes, ont signé une lettre ouverte exigeant au gouvernement israélien qu'ils exécutent leurs obligations légales en vertu du droit international et fournissent des vaccins aux Palestiniens dans les territoires occupés.[9] Cette position a également été réitérée par des groupes internationaux de défense des droits humains, dont Amnistie Internationale et Human Rights Watch. En mars 2021, six organisations israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l’Homme ont tenté de demander à la Cour Suprême de justice israélienne de s'assurer qu'Israël fournisse régulièrement des vaccins aux Palestiniens, soulignant les « obligations légales, morales et éthiques » d'Israël en tant que puissance occupante.[10]
Comment la Cisjordanie et Gaza ont-elles vécu la pandémie de Covid-19 ?
La Cisjordanie occupée et Gaza ont été durement touchés par la pandémie de COVID-19 et sont en état d'urgence depuis mars 2020. Avant la pandémie, les autorités palestiniennes étaient déjà confrontées à de sérieux obstacles les empêchant de répondre aux besoins de santé et de sécurité de la population, en partie en raison des restrictions imposées par l'occupation israélienne (voir ci-dessous). Le journal médical The Lancet a rapporté que la capacité des autorités sanitaires de Cisjordanie et de Gaza « à contenir la propagation de la COVID-19 est limitée par les pénuries actuelles et préexistantes d'équipements de santé, y compris les médicaments et les équipements jetables ».[11]
En Cisjordanie, l'Autorité palestinienne a pu éviter de graves taux d'infection au cours des premiers mois de la pandémie grâce à des restrictions et mesures de quarantaine strictes. À Gaza, le blocus et le manque de mobilité ont initialement contribué à un faible nombre de cas de COVID-19. L'assouplissement des restrictions en 2021 a entraîné une augmentation des cas,[12] qui a été gravement exacerbée par l'escalade de la violence israélienne contre la population de Gaza en mai. Au cours de ce moi, la violence israélienne a tué 278 Palestiniens, en a blessé 9 000, a créé 77 000 déplacés internes et a endommagé 30 établissements de santé.[13] Les frappes aériennes israéliennes ont également endommagé le seul laboratoire de test de COVID-19 de Gaza[14] et ont tué les meilleurs médecins qui supervisaient la réponse de Gaza face à la pandémie.[15]
Selon l'OMS, il y a 3544 cas actifs dans les territoires palestiniens occupés, 267 cas en Cisjordanie et 3 277 cas à Gaza, à compter du 17 juin 2021.
Les Palestiniens ne peuvent-ils pas simplement se procurer des vaccins ?
Les autorités sanitaires palestiniennes sont confrontées à des obstacles importants qui limitent leur capacité à se procurer et à distribuer des doses de vaccin, en raison des réglementations et initiatives israéliennes oppressives. Il est important de garder en tête que les autorités palestiniennes de Cisjordanie et de Gaza n'ont pas les mêmes droits qu'un État. Israël a un contrôle total sur chaque frontière et doit donner son approbation officielle chaque fois que l'Autorité palestinienne veut importer des vaccins de l'étranger. En février 2021, le Knesset israélien a débattu d'une proposition visant à interdire à tout vaccin d'atteindre Gaza sans d'abord obtenir des concessions politiques du Hamas.[16]
Gaza est soumise à un blocus terrestre, aérien et maritime israélien depuis 2007,[17] ce qui limite les déplacements des Palestiniens vivant à Gaza et compromet l'accès aux produits de première nécessité tels que l'eau, la nourriture et les soins de santé. B’Tselem rapporte que « le système de santé de Gaza est dans un état d’effondrement depuis des années » en raison de telles politiques;[18] avant la pandémie, les autorités sanitaires palestiniennes à Gaza ne pouvaient pas « répondre aux besoins de la population en raison d'une pénurie de médicaments, d'équipements, de médecins et de formation professionnelle ».[19]
En plus de la détérioration des infrastructures, l'Autorité palestinienne affirme qu’elle « ne dispose pas de capacités et de fonds suffisants pour acheter les vaccins nécessaires ».[20] Selon Reuters, « le plan de vaccination des Palestiniens contre la COVID-19 fait face à un déficit de financement de 30 millions de dollars », même en tenant compte des dons internationaux via le programme COVAX, qui devait fournir jusqu'à 25% des vaccins palestiniens.[21] Le programme COVAX lui-même est cependant sur le point de s'effondrer faute de fonds.[22]
[1] Al Jazeera, “Palestinian Authority calls off vaccine exchange with Israel,” June 2021.
[2] IBID
[3] Human Rights Watch, “Israel: Provide Vaccines to Occupied Palestinians,” January 17, 2021.
[4] Ibid; Hazem Balousha and Oliver Holmes, “Palestinians excluded from Israeli Covid vaccine rollout as jabs go to settlers,” Al Jazeera. January 3, 2021.
[5] Amnesty International, “Denying COVID-19 vaccines to Palestinians exposes Israel’s institutionalized discrimination,” January 2021.
[6] State of Palestine, “COVID-19 Vaccines and Israel's Obligations as an Occupying Power,” accessed June 21, 2021.
[7] United Nations, “Geneva Convention Relative to The Protection of Civilian Persons in Time of War Of 12 August 1949,” August 1949.
[8] Medical Aid for Palestine, “Equal Access to Covid-19 Vaccines: Who Is Responsible in The Occupied Palestinian Territory?” February 2021.
[9] Physicians for Human Rights, “31 Organizations: Israel Must Provide Necessary Vaccines to Palestinian Health Care Systems,” December 23, 2020.
[10] Gisha, “Six human rights organizations submit High Court petition demanding that Israel provide vaccines to Palestinians in the West Bank and Gaza,” March 25, 2021.
[11] Ghada Majadle and Dana Moss, “Battling COVID-19 in the occupied Palestinian territory,” The Lancet, vol. 8, no. 9, September 2020
[12] .Faras Akram, “Coronavirus: Virus surge in crowded Gaza threatens to overwhelm hospitals,” CTV News, April 26, 2021.
[13] World Health Organization, “Staggering health needs emerge in the occupied Palestinian territory in the wake of recent escalations,” June 1, 2021.
[14] New York Times, “An Israeli airstrike damaged Gaza’s only lab for processing coronavirus tests, officials said,” May 18, 2021.
[15] Lina Shaikhouni, “'His death is a catastrophe': Gaza doctors mourn specialist killed in air strike,” BBC News, May 20, 2021.
[16] Aaron Boxerman, “Knesset debates Palestinian request to allow COVID vaccines into Gaza,” Times of Israel, February 15, 2021. “Gaza Strip: A beginner’s guide to an enclave under blockade,” Al Jazeera, March 14, 2021.
[17] . “Gaza Strip: A beginner’s guide to an enclave under blockade,” Al Jazeera, March 14, 2021.
[18] B'Tselem, “Since pandemic, has Israel allowed almost no Palestinians out of Gaza for medical treatment,” accessed June 21, 2021.
[19] IBID
[20] B'Tselem, “Israel Must Provide Necessary Vaccines to Palestinian Health Care Systems,” accessed June 21, 2021.
[21] Rami Ayyub, “Palestinian COVID vaccine plan faces large funding gap, World Bank says,” Reuters, February 2021.
[22] IBID.