Fiche d’information CJPMO, publiée le 28 janvier 2018 : Cette fiche d’information revient sur la détention d’Ahed Tamimi, une enfant palestinienne qui a été emprisonnée en décembre 2017 après avoir giflé un soldat israélien. Ce document montre en quoi la détention de Tamimi est illégale selon le droit international. Il explique également pourquoi sa détention est inappropriée et comment le cas de Tamimi reflète la situation des enfants palestiniens en Israël.

Ahed Tamimi & l’abus d’enfants par Israël

Factsheet Series No. 204, created: Jan 2018, Canadians for Justice and Peace in the Middle East
 

Ahed_Tamimi.pngQui est Ahed Tamimi?

Ahed Tamimi est une Palestinienne de 17 ans qui est née et a grandi à Nabi Saleh, un village proche de Ramallah. Récemment, elle est devenue le sujet d’un tollé international depuis son arrestation par des soldats israéliens en décembre 2017.

Bien que Tamimi ne soit certainement pas le premier enfant palestinien arrêté par les forces israéliennes, son cas a reçu une attention internationale sans précédent. L’attention portée à Tamimi est probablement due à deux choses : premièrement, son apparence saisissante, et deuxièmement, son comportement audacieux et provoquant. Tamimi a les yeux bleus et de longs cheveux blonds et bouclés qui ne correspondent pas à la perception occidentale biaisée des Palestiniens comme étant « bronzés et appauvris ». Parce que physiquement elle ressemble à un enfant européen ou américain, les médias occidentaux sont moins capables de la déshumaniser. Deuxièmement, aussi longtemps qu’elle a été filmée, et il y a des vidéos d’elle à onze ans, elle a bravé courageusement les soldats israéliens. Les spectateurs peuvent trouver des vidéos de Tamimi marchant en première ligne des manifestations de Nabi Saleh, agitant un drapeau palestinien, tout en chantant des slogans en arabe et en anglais. Les images d’elle dégagent une force profonde et une résolution qui inspirent la résistance palestinienne.

Les soldats israéliens ont arrêté Tamimi le 19 décembre, après la publication d’une vidéo d’elle entrain de gifler et de donner des coups de pieds à deux soldats israéliens ayant pénétré dans la maison familiale. [i] Ahed Tamimi a été inculpée sous 12 chefs d’accusation, incluant le jet de pierres. Elle pourrait être condamnée à 14 ans de prison si elle est reconnue coupable.

Pourquoi est ce que l’arrestation de Tamimi est controversée ?

De nombreux Israéliens ont exprimé leur indignation quant au fait que l’adolescente n’ait pas été arrêtée sur le coup, affirmant que les soldats n’auraient pas dû tolérer d’être giflés. Le ministre de l’éducation a déclaré qu’Ahed, son cousin et sa mère « devraient finir leurs jours en prison ».[ii] Les Palestiniens, d’autre part, ont salué sa bravoure face à deux soldats lourdement armés, embrassant l’adolescente comme le « symbole de la nouvelle génération qui se dresse contre la domination israélienne ». [iii] Ils ont fustigé la décision de la Cour et ont demandé que des accusations soient portées contre Israël devant la Cour pénale internationale.[iv]

Sur la scène internationale, seuls quelques responsables d’Etat ont ouvertement condamné le traitement d’Ahed Tamimi. Néanmoins, un grand nombre d’organisations de défense des droits de la personne comme Amnistie internationale,[v] le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme[vi] (HCDH) et Défense des Enfants International[vii] ont convoqué la communauté internationale pour dénoncer l'arrestation et les conditions de détention de Tamimi.

Comment le droit international juge-t-il le traitement de l’affaire Tamimi par Israël ?

En termes de droit international, l’arrestation de Tamimi et les conditions de détention de Tamimi sont illégales pour un certain nombre de raisons. Premièrement, « l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible »[viii] selon la Convention relative aux droits de l’enfant, dont Israël est un Etat partie. La Convention stipule que les enfants ne devraient être privés de leur liberté que s'ils constituent une menace imminente et importante pour eux-mêmes ou pour autrui. Néanmoins, Israël n’a pas respecté le droit international en envoyant des dizaines de soldats lourdement armés pour arrêter Tamimi au milieu de la nuit, et en l’interrogeant sans la présence d’un parent ou d’un avocat. [ix] Deuxièmement, l’avocat de Tamimi affirme que Tamimi a fait face à de longues et agressives séances d’interrogation, et que les interrogateurs ont menacé les membres de sa famille, des activistes connus dans le village de Nabi Saleh. Troisièmement, sa détention en dehors des territoires palestiniens occupés viole l’article 76 de la quatrième Convention de Genève, qui interdit à une puissance occupante de transférer des prisonniers en dehors d’un territoire occupé. [x]

Comment le cas de Tamimi symbolise-t-il les abus d'Israël contre les enfants palestiniens ?

Les organisations de défense des droits de la personne condamnent en permanence le traitement illégal par Israël des prisonniers palestiniens. Depuis 1967, Israël a opéré deux systèmes juridiques distincts dans les territoires occupés. Alors que les colons israéliens sont soumis à la loi civile israélienne, les Palestiniens sont soumis à la loi militaire, par laquelle un individu peut être détenu jusqu’à six mois, une période qui peut être prolongée pour des « périodes démesurément longues ».[xi] Dans la plupart des cas, les détenus administratifs ne sont pas informés des accusations portées contre eux. Un rapport datant de 2014 soulignent que les Palestiniens sont encore victimes de mauvais traitements et de torture durant les interrogations.[xii] Alors que le tribunal militaire est chargé de traiter les affaires criminelles et de sécurité, la grande majorité des arrestations sont à motivation politique. En janvier 2018, le nombre total de prisonniers politiques était 5003, incluant 11 membres du Conseil législatif palestinien, 59 femmes et pas moins de 330 enfants. [xiii]

Les tribunaux militaires israéliens font peu de distinction entre les adultes et les enfants palestiniens. À l'âge de 16 ans, les Palestiniens sont jugés comme des adultes.[xiv] En 2015, la loi « Youth bill » légalise l’emprisonnement d’enfants dès l’âge de 12 ans. [xv] Une fois arrêtés, les enfants palestiniens sont soumis à de mauvaises conditions de détention et maltraités par les autorités israéliennes. Dans la plupart des cas, les enfants se voient refuser la présence d’un parent durant l’interrogatoire. De nombreuses ONG ont déclaré que les services de sécurité « abusent, et torturent dans certains cas, pour forcer les confessions des mineurs. » [xvi]

En 2016, l’organisation Military Court Watch a rapporté que « 90% des enfants ont les mains attachées, 84% les yeux bandés, et 59% soumis à des violences physiques, et 91% ne sont pas autorisés à voir un avocat avant d’être interrogés » [xvii]. Les jets de pierres restent l'accusation la plus répandue contre les enfants palestiniens, un crime passible de 20 ans de prison.

Pourquoi le Canada devrait-il se préoccuper d'Ahed Tamimi ?

 

[i] “Israel: Release teenage Palestinian activist Ahed Tamimi.” Amnesty International. January 15, 2018. Accessed on February 1, 2018. https://www.amnesty.org/en/latest/news/2018/01/israel-release-teenage-palestinian-activist-ahed-tamimi/

[ii] Ibid. Amnesty International.

[iii] “Palestinian girl filmed slapping Israeli soldier is charged with assault.” The Guardian. January 1, 2018. Accessed February 7, 2018. https://www.theguardian.com/world/2018/jan/01/ahed-tamimi-palestinian-girl-filmed-slapping-israeli-soldier-is-charged-with-assault.

[iv] Ibid. The Jerusalem Post.

[v] Ibid. Amnesty International.

[vi] “OHCHR calls for the best interests of the child to be primary consideration in the Tamimi case.” Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights. January 16, 2018. Accessed February 7, 2018. http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22590&LangID=E

[vii] “Violations against Palestinian children spike amid protests over U.S. Jerusalem move.” Defense for Children International Palestine. December 22, 2017. Accessed February 19, 2018. http://www.dci-palestine.org/violations_against_palestinian_children_spike_amid_protests_over_u_s_jerusalem_move.

[viii] Ibid. Amnesty International.

[ix] Ibid. Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights.

[x] Ibid. Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights.

[xi] “Factsheet: Torture and Detention in Israel.” Canadians for Justice and Peace in the Middle-East. May, 2008. Accessed February 19, 2018. http://www.cjpme.org/fs_038.

[xii] Ibid. Canadians for Justice and Peace in the Middle-East.

[xiii] “Statistics: January 2018.” Addameer: Prisoner Support and Human Rights Association. January, 2018. Accessed February 7, 2018. http://www.addameer.org/statistics. http://www.addameer.org/israeli_military_judicial_system/military_courts

[xiv] “The Israeli Military Court system.” Addameer: Prisoner Support and Human Rights Association. July, 2017. Accessed February 21, 2018.

[xv] “Israel and the Occupied Territories, 2016 Human Rights Report.” US Department of State. Accessed February 1, 2018. https://www.state.gov/documents/organization/265712.pdf

[xvi] Ibid. US Department of State.

[xvii] Ibid. US Department of State.

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