Fiche-info 173, publiée en Juillet 2013: Les violents et tumultueux évènements qui ont suivi l’implantation du plan de partage de l’ONU en 1947 ont créé une certaine confusion quant à la nature véritable du plan. Cette fiche-info revient sur les motivations et intentions ayant conduit à son élaboration ainsi que sur la réaction de différents acteurs à ce dernier.

Le plan de partage de la Palestine de 1947 de l’ONU

Série Fiche-info N.173, créée: Juillet 2013, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 
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173a.pngY avait-il eu des propositions de plan de partage avant 1947?

Oui. Au lendemain de la Grande révolte arabe et des rébellions contre le Mandat britannique[1], le gouvernement britannique nomma, en 1936, Lord Robert Peel à la tête de la toute nouvelle Commission royale pour la Palestine qui devait proposer des changements au système de mandats. Selon la Commission Peel, la double obligation de ne pas compromettre l’autodétermination palestinienne et de créer la patrie juive promise par la Déclaration Balfour était irréconciliable à l’intérieur d’un État unique[2]. Étant donné l’impossibilité de concilier au sein d’un seul État les intérêts des Palestiniens et ceux de la population juive grandissante, Peel déclara : « Le partage semble offrir au moins une chance de paix ultime. Nous n’en voyons d’en aucun autre plan[3]. »

Le Haut Comité arabe, principale organisation politique représentant les Arabes en Palestine mandataire, ainsi que le Congrès sioniste, organe décisionnaire de l’Organisation sioniste mondiale européenne, acceptèrent le principe du partage, mais s’opposèrent aux frontières suggérées. Le Congrès sioniste s’opposa au plan de la Commission Peel en partie parce qu’il excluait la possibilité d’établir un État juif dans toute la Palestine. Le Haut Comité arabe, quant à lui, rejeta le plan parce qu’il empêchait les Palestiniens d’obtenir leur pleine indépendance en maintenant la subordination des autorités palestiniennes aux dirigeants britanniques[4].

Malgré ces objections, le plan de partage proposé par la Commission fut adopté par le gouvernement britannique en juillet 1937 et fut suivi en 1938 par la Commission Woodhead, créée pour évaluer la faisabilité du partage. La Commission Woodhead conclut, après plusieurs mois d’enquête, que le partage, tel que proposé par la Commission royale, était impraticable. Deux plans de partage modifiés furent alors proposés, cependant le gouvernement britannique les rejeta finalement tous les deux, car il estimait que les obstacles à l’accomplissement du partage seraient trop grands. Le mandat britannique demeura donc intact[5].

 

173b.pngPourquoi l’ONU proposa-t-elle le plan de partage de 1947?

Bien que les propositions de partage britanniques initiales aient échoué, les tensions continuaient de monter en Palestine au sujet de questions touchant la souveraineté, l’économie et l’immigration. Les membres de l’ONU craignaient que l’instabilité mène tout droit à la guerre, à la perte de nombreuses vies et ait des répercussions régionales et internationales. Au début de 1947, les Britanniques exprimèrent le désir de mettre fin à leur gouvernance en Palestine, et demandèrent à l’ONU de soumettre un plan pour l’avenir de la Palestine après le mandat. L’ONU créa alors l’UNESCOP (United Nations Special Committee On Palestine) pour émettre des recommandations. Les représentants des onze États membres du comité remirent leur proposition à l’ONU en septembre 1947[6].

 

Comment le plan de 1947 divisa-t-il la Palestine?

L’État arabe devait correspondre à 43 % du territoire palesti-nien, dont la ville côtière de Jaffa où résidait une grande majorité d’Arabes. L’État juif devait être créé sur les 56 % du territoire restants[7]. Jérusalem devait être gouvernée par un Régime international spécial. La carte ci-contre illustre, en rose et en vert, l’État arabe tel que proposé en 1947. Le vert représente les frontiè-res au lendemain de l’armistice de 1949[8].

 

Quel fut le résultat du vote de l’Assemblée générale de l’ONU?

Avant le vote, les délégués à l’ONU de nombreux pays subi-rent des pressions, et même, dans certains cas, du harcèlement, de la part de la délégation des États-Unis, de divers sénateurs américains et du président de l’Assemblée générale des Nations Unies (qui aurait dû rester neutre) afin de les inciter à voter pour le partage, ce qui amena le Haut Comité arabe à porter plainte pour « chantage politique »[9]. Au moment du vote, trente-trois des cinquante-six États membres de l’ONU votèrent pour le plan de partage et treize États votèrent contre; dix États s’abstinrent et un était absent. À quelques rares exceptions, l’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord et l’Amérique latine votèrent pour, tandis que les pays du Moyen-Orient votèrent en bloc contre le plan. Le gouvernement britannique accepta le résultat du vote, mais refusa d’user de la force pour mettre en œuvre le partage. Le 14 mai 1948, le mandat britannique prit fin et le Jewish People’s Council déclara la création de l’État d’Israël. Au bout de quelques heures, la guerre israélo-arabe éclatait, et les deux partis passaient complètement outre le plan de partage.

 

Quelle fut la réaction de la population palestinienne et des autorités arabes?

Le Haut Comité arabe pour la Palestine rejeta le plan de l’UNSCOP. Son argument, tel que rapporté par les archives de l’UNSCOP, se basait sur ce qu’il voyait comme l’absence de raisons légales ou morales fondées historiquement pour la création d’un État juif en Palestine[10]. La population arabe semblait d’accord avec la position du Comité, s’opposant généralement à ce qui était perçu comme une division injuste du territoire. Elle ne voyait pas pourquoi l’immigration anticipée de juifs européens déplacés devait être prise en compte par l’UNSCOP pour une division territoriale appropriée[11].

 

Quelle fut la réaction des autorités juives?

L’Agence juive, basée en Palestine et constituant la plus grande association d’organismes juifs et sionistes, accepta la majeure partie du plan de l’UNSCOP, mais exprima certaines réserves sur la division du territoire. Elle fut très déçue que la Transjordanie, aujourd’hui la Jordanie, ne soit pas comprise dans l’État juif, car cela allait à l’encontre de son interprétation de la Déclaration Balfour. L’Agence juive soutint par ailleurs que les régions juives entourant la ville de Jérusalem devaient être intégrées à l’État juif. Malgré ces doléances, l’Agence juive indiqua qu’elle était disposée à accepter ce compromis « si cela rendait possible le rétablissement immédiat de l’État juif et le contrôle souverain de son immigration »[12]. Quelques jours seulement après que le plan de l’UNSCOP ait été adopté à l’Assemblée générale de l’ONU, les forces juives et arabes débutèrent les confrontations. En quelques mois, avant même le retrait des Britanniques, les forces juives[13], bien entraînées et mieux équipées, avaient pris le contrôle d’une portion significative du territoire qui devait constituer l’État juif tel qu’approuvé par l’ONU[14].

 

Quelles furent l’implication et la position du Canada concernant le partage?

Le gouvernement de Mackenzie King, coincé entre les pressions contradictoires des États-Unis et du Royaume-Uni, esquiva le débat sur la question palestinienne aussi longtemps qu’il le put. Suivant les traces de la Grande-Bretagne, le gouvernement canadien mit tout en œuvre afin d’empêcher les navires canadiens d’être utilisés illégalement pour faire entrer des réfugiés et des immigrants juifs en Palestine[15]. Cependant, lorsque le Canada fut nommé parmi les onze États de l’UNSCOP, il ne put continuer d’éviter de prendre position. Le représentant canadien à l’UNSCOP Ivan Rand, Juge de la Cour suprême, d’abord indécis quant à la question du partage, fut persuadé de soutenir le plan après avoir discuté avec le Révérend William Hull, missionnaire canadien à Jérusalem[16]. Le vote de Rand aida finalement à établir le partage comme position majoritaire au sein de la Commission. C’est sans surprise que le 29 novembre 1947, grâce à l’implication de Rand, le Canada rejoignit la majorité à l’Assemblée générale de l’ONU pour approuver le partage de la Palestine en des États juif et arabe.



[1] En 1922, après la Seconde Guerre mondiale, la Société des Nations donna son aval au règne britannique sur la région de l’ancien Empire ottoman qui deviendrait plus tard la Palestine.

[2] « The Origins and Evolution of the Palestine Problem: 1917-1988 – VII. Mandated Palestine: The Partition Plans » Système d’information des Nations Unies sur la question de Palestine (UNISPAL). 29 juin 1978.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] « Official Records of the Second Session of the General Assembly: Supplement No. 11. » Système d’information des Nations Unies sur la question de Palestine (UNISPAL). 3 septembre 1947.

[7] « The United Nations Partition Plan ». Middle East Research and Information Project (MERIP). Janvier 2001.

[8] « The Status of Jerusalem – Annex II. » Système d’information des Nations Unies sur la question de Palestine (UNISPAL). 1er janvier 1981.

[9] « Statement of 6 February 1948 Communicated to the Secretary-General by Mr. Isa Nakhleh, Representative of the Arab Higher Committee ». Commission des Nations Unies pour la Palestine. 16 février 1948.

[10] « Yearbook of the United Nations: 1947-48 – The Question of Palestine. » Système d’information des Nations Unies sur la question de Palestine (UNISPAL). 31 décembre 1948.

[11] « The United Nations Partition Plan ». Middle East Research and Information Project (MERIP). Janvier  2001.

[12] « Yearbook of the United Nations: 1947-48 – The Question of Palestine. » Système d’information des Nations Unies sur la question de Palestine (UNISPAL). 31 décembre 1948.

[13] Les forces juives comprenaient des membres des milices Haganah et Irgoun.

[14] « The United Nations Partition Plan ». Middle East Research and Information Project (MERIP). Janvier2001.

[15] Ed. Taras, David. « Domestic Battleground: Canada and the Arab-Israeli Conflict ». McGill-Queen's Press, 1989. p. 28.

[16]Hull, William Lovell. « The fall and rise of Israel: The Story of the Jewish People during the Time of Their Dispersal and Regathering. ». Grand Rapids: Zondervan Pub. Co., 1954. Préface.

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