Fiche-info 156, publiée en juillet 2012: Les chrétiens ont été présents en Palestine-Israël depuis la création de la religion. Néanmoins leur nombre est en baisse et ce pour différentes raisons, l’une des principales étant la discrimination systématique dont ils sont victimes en Israël.

Les chrétiens de Palestine

Série Fiche-info N.156, créée: Juillet 2012, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 
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156a.pngQui sont les chrétiens palestiniens et où vivent-ils?

Bon nombre de chrétiens de l’hémisphère Nord n’associent pas forcément les chrétiens au monde arabe. Et pourtant, les chrétiens ont de profondes racines au Moyen-Orient, particulièrement en Palestine; on affirme que Jésus serait né à Bethléem, petite ville de Cisjordanie. Jérusalem, où il est mort, se trouve à quelques kilomètres plus au nord. De nos jours, les chrétiens de Palestine ne constituent en aucun cas un groupe homogène; ils appartiennent à quinze confessions différentes qui comprennent notamment des grecs orthodoxes et des catholiques[1]. Les chrétiens qui vivent en Palestine et en Israël sont au nombre de 175 000; ils représentent 2,3 pour cent de la population arabe et juive dans son ensemble[2]. Les chrétiens forment 8,0[3] et 0,7[4] pour cent respectivement des quelques 3,9 millions de Palestiniens qui vivent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.  Environ 2 pour cent[5] des 1,4 million de Palestiniens qui vivent en Israël sont chrétiens. Les chrétiens palestiniens sont surtout concentrés dans les zones urbaines : Jérusalem, Bethléem, Beit Jala, Beit Sahour, Nazareth et Ramallah[6].

156b.pngÀ l’heure actuelle, leur population est faible si on la compare à celle de leurs voisins musulmans et juifs. En Israël, la population arabe non chrétienne a augmenté considérablement au cours des dernières années[7]. On estime que d’ici 2020, la population arabe chrétienne diminuera pour s’établir à 1,6 pour cent de la population totale d’Israël tandis que la population musulmane atteindra 19,34 pour cent[8]. La plupart des chrétiens palestiniens vivent maintenant dans des enclaves ethniques au Canada, au Chili, aux États-Unis, en Allemagne et en Australie[9].

 

Quelles sont les relations entre les chrétiens et les musulmans de Palestine?

 Durant les premières années de l’islam, les dirigeants musulmans ont appuyé les institutions chrétiennes et favorisé un sain dialogue entre les religions. Chaque gouvernement musulman ayant mis l’accent sur la coopération et la diversité, il n’est pas étonnant que les chrétiens palestiniens aient accueilli favorablement la gouvernance islamique. De nos jours, les chrétiens palestiniens qui vivent encore en Israël/Palestine ont, semble-t-il, davantage d’affinités avec leurs voisins musulmans qu’avec les chrétiens de l’Ouest[10]. Les chrétiens palestiniens entretiennent habituellement des relations chaleureuses avec leurs voisins musulmans et ont des liens plus étroits, sur le plan religieux, avec leurs voisins musulmans qu’avec leurs voisins juifs. Les chrétiens palestiniens s’étonnent souvent que, pour des motifs religieux, certains chrétiens de l’extérieur appuient énergiquement Israël—un État qui a poussé bon nombre d’entre eux à quitter les communautés où ils sont nés et qui exercé une discrimination à leur endroit.

Pourquoi la population chrétienne d’Israël diminue-t-elle graduellement? 

Il ne fait aucun doute que la population chrétienne de Palestine diminue graduellement depuis des décennies. Ce déclin est attribuable à de nombreux facteurs, notamment l’émigration. L’émigration a commencé avec l’exode—provoqué dans une large mesure par les troupes israéliennes—de près de 726 000 Palestiniens pendant la guerre israélo-arabe de 1948. Après la création de l’État d’Israël, Israël n’a pas autorisé les chrétiens ni les musulmans à réintégrer leurs maisons[11]. De plus, environ 35 pour cent de la population chrétienne palestinienne totale a émigré depuis la guerre des Six Jours de juin 1967[12], surtout pour profiter des possibilités économiques ou poursuivre des études à l’étranger. Au cours des dernières décennies, particulièrement au cours des années 1990, le nombre d’émigrants chrétiens provenant de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ont augmenté considérablement. Cette émigration croissante est attribuable à la discrimination et au harcèlement dont ils sont victimes en Israël, aux conditions de vie difficiles en raison de l’occupation militaire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza depuis 1967, au blocus de Gaza depuis 2007 et au projet sans cesse reporté de créer un État palestinien viable et souverain où les Palestiniens, tant chrétiens que musulmans, se sentiraient chez eux. Cette émigration est particulièrement évidente à Bethléem, à Jérusalem et à Ramallah[13].

Certains juifs israéliens et notamment l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis Michael Oren, attribuent l’exode des chrétiens palestiniens à l’ « extrémisme musulman »[14], ces derniers blâment plutôt les conditions économiques et sociales  qui n’ont cessé de se détériorer ainsi que l’occupation israélienne, avec les points de contrôle militaires et le mur de séparation[15]. Selon le Rapport de juillet-décembre 2010 sur la liberté religieuse dans le monde publié par le Département d’État américain, les leaders religieux palestiniens mentionnent également « les limites imposées à l’expansion des communautés chrétiennes en raison des restrictions relatives à la construction, les difficultés à obtenir les visas israéliens et les permis de résidence pour le clergé chrétien, les restrictions relatives à la réunification des familles imposées par le gouvernement israélien et les problèmes d’imposition entre autres raisons qui expliquent un accroissement de l’émigration . » Dans le cadre d’une entrevue pour l’émission 60 Minutes de CBS, l’homme d’affaires Zaki Khouri, propriétaire de la franchise de Coca Cola en Cisjordanie, a affirmé « J’ai sans doute 12 000 clients ici. J’ai n’ai jamais entendu dire que quelqu’un est parti en raison de la persécution des Islamistes. »[16]

Certains se demanderont pour quelle raison les chrétiens quittent la Palestine alors que tous les Palestiniens sont victimes d’une discrimination et d’une oppression comparables. Même si tant les chrétiens que les musulmans veulent échapper à des conditions difficiles, les chrétiens ont généralement de meilleurs contacts avec les personnes vivant à l’étranger et un niveau d’éducation plus élevé, ce qui facilite leur départ[17]. Cela s’explique en partie par le fait que les chrétiens palestiniens ont accès à une éducation de meilleure qualité dans des écoles financées par des institutions chrétiennes basées à l’étranger. Les musulmans palestiniens, en revanche, n’ont généralement accès qu’aux écoles publiques non financées. Les perspectives économiques sont meilleures dans les pays où le christianisme est prédominant et ces pays sont généralement plus enclins à accueillir des immigrants chrétiens que musulmans. Ces derniers sont moins désireux de déménager dans un pays où ils seront minoritaires.

D’autres raisons expliquent le déclin du nombre de chrétiens palestiniens, notamment les taux de natalité moins élevés que chez les musulmans et les juifs. De plus, les unions interreligieuses entre chrétiens et musulmans donnent lieu généralement à une augmentation de la population musulmane; lorsqu’un musulman épouse une chrétienne, en vertu de la loi islamique, leurs enfants sont considérés comme musulmans tandis que les musulmanes ne sont pas autorisées à épouser des non-musulmans.

Quelles sont les autres difficultés auxquelles se heurtent les chrétiens palestiniens?

Les musulmans et les chrétiens palestiniens partagent le même sort; ces communautés souffrent toutes d’eux en raison de l’occupation israélienne. En fait tous les Palestiniens s’entendent pour qualifier la création de l’État d’Israël de « catastrophe »  (Al Nakba), en faisant référence à l’expulsion des Palestiniens et à la confiscation de la terre des Arabes[18]. Les chrétiens palestiniens se sont exprimés collectivement dans un document publié par Kairos Palestine, une organisation œcuménique chrétienne. Ils soulignent que la vie dans certaines régions d’Israël/Palestine est devenue très difficile en raison du Mur érigé par Israël sur les terres palestiniennes, transformant ainsi le territoire en « petites prisons » et séparant les villes et les villages les uns des autres[19]. Le document souligne aussi « L’humiliation à laquelle [ils] [sont] soumis chaque jour aux points de contrôle militaires, pour [se] rendre à [leur] travail, à [leurs] écoles ou à [leurs] hôpitaux. » et ajoute que « Les lieux saints de Jérusalem sont inaccessibles à un grand nombre de chrétiens et de musulmans de la Cisjordanie et de Gaza. »

Les points de contrôle militaires, les obstacles, le couvre-feu, les fermetures arbitraires et l’occupation militaire des zones chrétiennes en Cisjordanie imposés par Israël—particulièrement à Bethléem, Beit Jala, Beit Sahour et dans les villages chrétiens à l’ouest de Ramallah—restreignent sévèrement la liberté de mouvement des Palestiniens[20]. Les chrétiens palestiniens se heurtent de plus en plus au refus arbitraire de leur accorder un visa pour se rendre dans leurs églises, même pendant les fêtes religieuses[21].



[1] “Palestinian Christians: Challenges and Hopes,” Al-Bushra, consulté le 1er juin 2012, voir en ligne.

[2]“Palestinian Christians: Challenges and Hopes,” Al-Bushra, accessed on June 1, 2012, voir en ligne.

[3] CIA World Factbook- West Bank, consulté le 7 juin 2012, voir en ligne.

[4] CIA World Factbook- Gaza, consulté le 7 juin 2012, voir en ligne.

[5]CIA World Factbook- Israel, consulté le 7 juin  2012, voir en ligne.

[6] “Palestine – June 2010.” Catholic Near East Welfare Association (CNEWA), consulté le 1er juin 2012.

[7] CNEWA Canada

[8] CNEWA Canada

[9] Hijazeen, Faysal. “The Plight of Palestinian Christians.” The Jerusalem Post. 4 avril 2012.

[10] Plis, Ivan. “Christianity in Palestine: A Fading Identity.” The Institute for Global Engagement, 8 décembre 2010.

[11] Mozgovaya, Natasha. “'60 Minutes' chides Israeli envoy for interfering in segment.” Haaretz, 14 avril 2012.

[12] CNEWA Canada

[13] CNEWA Canada

[14] CBS. "Christians of the Holy Land,” diffuse le 22 avril 2012.

[15] Sarsar, Saliba. “Christians are disappearing.” The Daily Star, 14 mai 2012.

[16] CBS. "Christians of the Holy Land,” diffusé le 22 avril 2012.

[17] Sharp, Heather. “Bethlehem Christians cling to hope.” BBC News, 22 décembre 2005.

[18] Hishmeh, George. “The lesson from Iqrit and Kafr Birim.” Gulf News, 14 mai 2008.

[19] Kairos Palestine, consulté le 1er juin  2012, voir en ligne

[20] CNEWA Canada

[21] Hishmeh, George. “The lesson from Iqrit and Kafr Birim.”  Gulf News, 14 mai 2008.

 

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