Fiche-info 150, publiée en avril 2012 : Ce document fournit la chronologie des événements qui ont eu lieu entre février 2011 et avril 2012, et montre graduellement la fin de la stabilité civile et politique ainsi que les débuts de la guerre civile.
Principaux événements de la crise syrienne
Février 2011. Les protestations s’enclenchent timidement : Le 2 février dans le vieux Damas, 15 personnes participent à une veille en appui aux manifestants égyptiens, mais sont battues et dispersées par une vingtaine d’hommes habillés en civils, sous la surveillance des policiers. Par la suite, les autorités policières semoncent les activistes, leur interdisant de manifester. Le 17 février, 1500 personnes participent à une manifestation spontanée pour dénoncer l’assaut brutal des policiers contre un commerçant. Un député propose que soient réexaminées les lois d’urgences en vigueur depuis 1963; aucun des 249 autres députés syriens ne l’appuie.
Mars 2011. Les protestations s’intensifient : Le 6 mars, les forces de sécurité arrêtent 14 garçons de moins de 15 ans dans la ville de Deraa, dans le sud du pays, pour avoir écrit « le peuple veut renverser le régime » sur des murs de la ville. Ces mesures soulèvent l’ire du public. Les Syriens organisent une manifestation, le « vendredi de la dignité », à Damas pour exiger que soient relâchés des milliers de prisonniers politiques; 35 personnes sont arrêtées. Lors d’un ralliement à Deraa sous le thème de « journée de colère », les forces de sécurités tuent cinq personnes, soit les pires violences en Syrie depuis 2004, déclenchant des troubles à grande échelle. Le gouvernement envoie des chars d’assaut dans plusieurs villes pour réprimer les protestations et annonce des augmentations salariales pour les fonctionnaires ainsi que d’autres réformes. Quelques jours plus tard, Assad se contente de déclarer que la levée des lois serait « étudiée ». Il accuse également les protestataires d’être des conspirateurs étrangers ou des agents israéliens.
Avril 2011. Le gouvernement accorde certaines concessions, mais continue de réprimer les protestations : Recep Erdogan, premier ministre turc, exhorte Assad à instituer des réformes. Le gouvernement accorde des concessions aux Sunnites et aux Kurdes et passe un projet de loi qui lève l’état d’urgence ainsi que d’autres réformes. Toutefois, la répression violente des manifestations se poursuit. Le 22 avril, des dizaines de milliers de protestataires descendent dans les rues, et les forces de sécurité ouvrent le feu sur la foule; on estime le bilan des morts à une centaine. Le 25 avril, les chars d’assaut du gouvernement entrent dans la ville de Deraa; au cours des jours qui suivent, les soldats tuent des dizaines de civils, effectuent des descentes dans les maisons et arrêtent quelque 500 personnes. Le gouvernement américain ainsi que d’autres exercent des pressions pour l’imposition de sanctions internationales à la Syrie, mais la Russie et la Chine s’y refusent. Le 27 avril, 237 membres du parti Baas, y compris plusieurs députés, démissionnent en guise de protestation contre la violence. Le gouvernement clame qu’il est aux prises avec un soulèvement islamiste. Selon des rapports, plusieurs soldats refuseraient de tirer sur des protestataires non armés; certains seraient exécutés, d’autres feraient défection.
Mai 2011. Augmentation de la répression, sanctions internationales, 1100 morts : Les chars d’assaut pénètrent dans Deraa, Baniyas, Homs et les banlieues de Damas pour écraser les protestations. L’Union européenne impose un embargo sur les armes à la Syrie. Les États-Unis et l’Union européenne resserrent les sanctions. Le 28 mai, une vidéo apparaît sur YouTube dans laquelle on voit le corps mutilé d’un garçon de 13 ans qui, selon ses proches, a été arrêté un mois plus tôt lors d’une manifestation contre le gouvernement. La photo provoque des manifestations de masse à Hama, Derayaa et, pour la première fois, à Alep, la plus grande ville de Syrie. Des organisations de défense des droits de la personne et des activistes syriens affirment qu’au cours des 10 semaines précédentes, plus de 1100 personnes ont été tuées et des milliers d’autres arrêtées et torturées.
Juin 2011. Soulèvement de l’opposition armée, durcissement de la répression, condamnation de la Ligue Arabe : Le 1er juin, Human Rights Watch publie un rapport à glacer le sang qui documente l’assassinat de centaines de civils non armés, la torture et les exécutions extrajudiciaires aux mains des forces gouvernementales. Le 3 juin, l’accès internet d’environ les deux-tiers de la population syrienne est temporairement coupé. Les forces syriennes tuent des douzaines de personnes à Hama. Le gouvernement déclare que 120 membres des forces de sécurité ont été tués par des « groupes armés » dans la ville de Jisr al-Shughour, dans le sud-ouest du pays. Des troupes assiègent la ville; plus de 10 000 personnes trouvent refuge en Turquie. Le 14 juin, la Ligue arabe condamne pour la première fois la répression. Le 20, Assad promet d’entamer un « dialogue national » au sujet d’une réforme. Le gouvernement donne son aval à une rencontre d’un groupe de 150 intellectuels à Damas pour débattre des moyens de résoudre la crise. On estime que le gouvernement a tué 1350 personnes, et les autorités clament que 500 membres de son personnel de sécurité ont aussi été abattus.
Juillet 2011. Augmentation des manifestations et de la répression, montée de l’ « Armée syrienne libre » : Le 1er juillet, après des manifestations qui regroupent plus de 200 000 personnes dans la province de Hama, au nord du pays, Assad renvoie le gouverneur de Hama et envoie des troupes pour rétablir l’ordre, mesure qui fait de nombreux morts. En présence des ambassadeurs américain et français, quelque 500 000 personnes manifestent à Hama le 8 juillet. Le gouvernement offre d’entamer un « dialogue », main tendue que l’opposition rejette, la qualifiant de poudre aux yeux. Plus de 1,1 million de Syriens protestent le 22 juillet. Le 29, un colonel de l’armée annonce sa défection ainsi que celle de centaines d’autres militaires et la formation de l’ « Armée syrienne libre ».
Août 2011. Premier appel de l’Occident pour la démission d’Assad, formation du Conseil national syrien : Le 3 août, le Conseil de sécurité de l’ONU condamne pour la première fois la répression. Le lendemain, Assad émet un décret permettant l’existence de plusieurs partis et la mise en oeuvre de réformes électorales. Le 18 août, le Canada, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis demandent pour la première fois la démission d’Assad. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU vote pour la tenue d’une enquête en Syrie, en dépit des objections de la Russie et de la Chine. Le 23, à Istanbul, des dissidents syriens annoncent la formation du Conseil national syrien. Deux jours plus tard, le président iranien Mahmoud Ahmadinejab formule pour la première fois des critiques voilées à l’endroit du régime Assad.
Septembre 2011. Escalade de la répression et de l’opposition armée, 2700 morts estimés : Le procureur général de Hama démissionne, citant pour raison la brutalité du régime Assad, dont l’exécution présumée de 71 prisonniers dans la prison centrale de Hama le 31 juillet. L’Observatoire syrien des droits de l’homme affirme que 360 civils et 113 officiers de sécurité ont été tués au cours des opérations de répression ayant eu lieu en août. L’Union européenne bannit les importations de pétrole syrien. Quarante soldats de plus auraient fait défection à Homs, refusant de tirer sur les manifestants. Le secrétaire général de la Ligue arabe se rend à Damas et déclare : « Nous sommes parvenus à une entente au sujet des réformes. » Des membres éminents de la communauté religieuse à laquelle appartient Assad, les Alaouites, dénoncent la violence du régime. Des représentants de l’ONU estiment que les forces pro-Assad ont tué 2700 personnes. On rapporte également des affrontements entre les troupes loyales à Assad et les forces rebelles.
Octobre 2011. Le Conseil national syrien se consolide : Le Conseil national syrien annonce que les activistes de l’opposition exilés et sur le territoire feront front commun. Son assemblée générale de 190 membres inclut des représentants de sept factions de l’opposition, dont les Frères musulmans et les signataires de la Déclaration de Damas de 2005. La Russie et la Chine opposent leur veto à une résolution de l’ONU visant à condamner la Syrie.
Novembre 2011. Échec du plan de cessez-le-feu de la Ligue arabe, multiplication des condamnations internationales : La Ligue arabe suspend la Syrie, l’accusant de refuser de mettre en oeuvre le plan de paix arabe. Le roi de Jordanie exhorte Assad à démissionner. Le Conseil national syrien demande à l’ONU de déployer des casques bleus en Syrie. Des dissidents de l’armée attaquent une base militaire près de Damas, offensive la plus spectaculaire de l’Armée syrienne libre à ce jour. Les sympathisants du gouvernement s’en prennent aux ambassades étrangères. L’Angleterre, la France et l’Allemagne pressent l’ONU de passer une résolution condamnant la violence envers les protestataires. La Ligue arabe impose des sanctions économiques à la Syrie.
Décembre 2011. Relance du plan de paix de la Ligue arabe, entrée en Syrie d’observateurs de la Ligue arabe, bilan des morts maintenant estimé à 5000 : Un nombre croissant de soldats et de membres des services de renseignements font défection. La haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme estime que plus de 5000 personnes ont été tuées depuis le début des soulèvements. La Syrie accepte de laisser entrer des observateurs de la Ligue arabe sur son territoire. Des attentats-suicides commis à proximité d’édifices de services de sécurité à Damas font 44 morts; le gouvernement clame qu’Al Qaeda est derrière ceux-ci, mais l’opposition allègue que le gouvernement lui-même les a planifiés pour justifier ses mesures de répression devant les observateurs de la Ligue arabe. Les affrontements entre l’armée et les dissidents s’intensifient. Des milliers de manifestants se réunissent à Homs pour accueillir les délégués de la Ligue arabe. La télévision syrienne déclare que plus de 700 détenus ont été libérés. La plus grande manifestation anti-Assad a lieu le 30 décembre : 6 millions de Syriens descendent dans la rue à travers le pays.
Janvier 2012. Suspension de la mission de la Ligue arabe, escalade de la violence et de la répression : Le Conseil de sécurité de l’ONU est toujours face à une impasse en ce qui a trait à l’imposition de sanctions à la Syrie, étant donné l’opposition de la Russie et de la Chine. Un kamikaze tue 26 personnes à Damas le 6 janvier; le gouvernement promet des représailles sévères. La Ligue arabe suspend sa mission d’observations en raison de l’escalade de la violence.
Février 2012. Décuplement des manifestations, pilonnage de Homs, 7500 morts estimés : La Russie et la Chine bloquent un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Syrie. Des Syriens manifestent dans plus de 600 villes et villages, un nombre record depuis le début des soulèvements. Le 4 février, le gouvernement entreprend des bombardements d’artillerie intense contre Homs et d’autres villes, tuant plus de 400 personnes. Le Royaume-Uni rappelle son ambassadeur. Les États-Unis ferment leur ambassade. L’ONU affirme que 7500 personnes sont mortes depuis le début de la répression. La Russie appuie le plan de paix de la Ligue arabe.
Mars 2012. Intensification de la violence des forces de l’opposition, plan de paix de l’ONU de Kofi Annan : Les forces syriennes délogent les rebelles du quartier de Baba Amr, à Homs. Des réfugiés trouvent asile au Liban. L’ambassade du Canada en Syrie suspend ses opérations. Le Conseil de sécurité de l’ONU appuie le plan de paix non contraignant de l’envoyé de l’ONU Kofi Annan. La Chine et la Russie acceptent d’appuyer ledit plan après que des modifications ont été apportées à une version antérieure, plus rigoureuse. Le ministre russe des Affaires étrangères critique le régime Assad, mais déclare que les revendications de l’Occident pour sa démission sont irréalistes. Le 27 mars, Assad consent au plan de paix de la Ligue arabe négocié par Kofi Annan, mais les forces de son gouvernement continuent de pilonner Homs.
Avril 2012. Soutien et financement internationaux à l’opposition armée, tergiversations au sujet du plan de paix de l’ONU : Les « Amis de la Syrie », un group de plus de 70 pays, promet des millions de dollars et des équipements de télécommunication aux forces de l’opposition. Le Canada offre 1 million de dollars pour les programmes pro-démocratie, et 7,5 millions pour l’aide humanitaire. L’Arabie saoudite et d’autres États du Golfe créent un fonds pour l’Armée syrienne libre et les transfuges de l’armée. La Syrie s’engage à retirer ses troupes des villes et des villages avant le 12 avril en accord avec le plan de paix conjoint de l’ONU et de la Ligue arabe, mais entretemps intensifie ses attaques.
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