Fiche-info 149, publiée en mars 2012 : Cette fiche d’information révèle les effets dévastateurs, à court et long terme, de la guerre sur les enfants de Gaza, et montre à quel point ces derniers sont exposés à la guerre. 

Les impacts psychologiques de la guerre sur les enfants de Gaza

Série Fiche-info N.149, créée: Mars 2012, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 
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149.pngComment les enfants ont-ils vécu la guerre?

Le 26 décembre 2008, Israël a lancé l’opération Plomb durci, une offensive de 22 jours qui a dévasté Gaza et l’a laissée aux prises avec une crise humanitaire[i]. Outre la destruction massive, des morts et des blessés, l’assaut a laissé des séquelles psychologiques profondes chez des milliers d’enfants. Tout événement qui bouleverse  la capacité d’un enfant de faire face émotionnellement peut avoir un impact très grave sur son développement psychologique[ii], mais des situations exceptionnellement violentes, terrifiantes ou prolongées ont des répercussions encore plus dévastatrices. 

Ces expériences sont particulièrement dommageables dans les régions comme Gaza, où des civils ont été directement exposés à des combats ou ont été forcés de se soumettre durant des décennies de conflits. Comme la majorité du territoire de Gaza est urbain et densément peuplé, l’opération Plomb durci a eu de vastes répercussions sur le bien-être physique et psychologique des Gazaouis. Les enfants étaient à la fois des victimes directes et des témoins des atrocités commises pendant l’assaut. Vingt-trois pour cent d’entre eux avaient vu au moins un proche parent ou un ami se faire tuer[iii]. Au moins 352 enfants ont été tués, sans inclure ceux qui sont décédés plus tard des suites de l’exposition aux vapeurs de phosphore blanc ou à cause du surpeuplement des hôpitaux[iv].

Les expériences au cours desquelles sont transgressés les lieux où les enfants s’étaient jusqu’alors considérés en sécurité sont parmi les plus dévastatrices sur le plan psychologique. Les soldats israéliens se sont introduits dans les demeures, ont séquestré les familles dans une seule pièce, et ont intimidé et brutalisé les parents, transformant la perception qu’ont les enfants de leur sécurité à la maison; eux qui jusqu’alors s’étaient sentis protégés par leurs parents se voient maintenant complètement vulnérables.

Être témoin de la démolition de sa maison par des bombardements ou par des bouldozeurs et devoir fuir pour assurer sa protection peut également être traumatisant. Durant l’opération Plomb durci, 69 pour cent des enfants de Gaza ont dû quitter leur domicile pour trouver refuge ailleurs[v]. L’organisation de défense des droits de la personne B’Tselem a rapporté que plus de 3 500 demeures avaient été détruites, ce qui a jeté quelque 20 000 personnes à la rue[vi].

Bien que les changements psychologiques chez les enfants soient souvent causés par un événement dramatique et traumatique en particulier, des situations moins stressantes, si elles durent longtemps, peuvent aussi laisser des séquelles persistantes. Vivre dans la pauvreté ou ressentir continuellement de la peur ou du stress peuvent nuire de manière irréversible au développement psychologique des enfants. Un nombre de 518 147 réfugiés enregistrés vivent toujours dans des conditions précaires dans des camps de l’UNWRA à Gaza[vii]. Les Israéliens continuent de mener des attaques aériennes, causant de nouveaux traumatismes à ceux déjà infligés par l’opération Plomb durci.

La poursuite du blocus de Gaza intensifie tant l’impact des événements traumatiques que la pauvreté en empêchant l’aide humanitaire et les denrées de parvenir aux enfants et en retardant le retour à la normale pour les Gazaouis.

 

Quels effets psychologiques la guerre a-t-elle provoqués chez les enfants gazaouis?

Une proportion élevée des enfants de Gaza ont développé des troubles psychologiques, dont le trouble de stress post-traumatique (TSPT), la dépression, et d’autres troubles qui cadrent avec les situations horribles vécues sur le territoire[viii],[ix]. Le TSPT est pratiquement universel à Gaza : 92 % des enfants du territoire en souffrent[x].

Pour un enfant, se sentir menacé dans un endroit qui jusqu’alors avait été considéré sécuritaire donne lieu à des sentiments de vulnérabilité et de désespoir. Lorsque les maisons, les écoles et les mosquées sont endommagées, les enfants concluent qu’ils ne sont plus à l’abri nulle part et que leurs parents ne peuvent plus les protéger. Une étude menée dans la foulée de l’opération Plomb durci a conclu que 99 pour cent des enfants ne se sentaient pas en sécurité, même à la maison, que 96 pour cent sentaient qu’ils ne pouvaient pas se protéger ou protéger leur famille, et que 94 pour cent croyaient que personne à l’extérieur de leur famille ne pouvait veiller à leur sécurité[xi].

Les enfants de Gaza ont aussi vécu une importante perte d’estime d’eux-mêmes. La plupart sont incapables d’éprouver de la fierté pour leur peuple ou eux-mêmes, et au contraire perdent tout espoir. Ceux qui sont capables d’imaginer le moindre avenir pensent uniquement à fuir Gaza, un rêve qui a peu de chances de se réaliser compte tenu du blocus israélien actuel[xii].

Ils ont souvent des cauchemars ou des insomnies au cours desquels ils revivent en boucle les mêmes événements horribles. Nombreux sont ceux qui régressent et qui deviennent plus dépendants de leurs parents à un moment où ces derniers ont peu d’énergie à leur consacrer. L’incontinence nocturne et la terreur à l’idée de quitter la maison ou de se retrouver seul sont répandues. En outre, ils sont susceptibles d’éprouver des engourdissements, de la peur, de la colère et de la culpabilité d’avoir survécu ou de ne pas avoir été blessés au cours de l’offensive[xiii].

 

Que se passe-t-il lorsque les enfants souffrant de traumatismes psychologiques atteignent l’âge adulte?

En raison du blocus de Gaza, il est à peu près impossible pour les personnes atteintes de traumatismes psychiques de recevoir un traitement adéquat. On peut s’attendre à ce que les enfants gazaouis souffrant de traumatismes psychologiques continuent d’éprouver divers problèmes à l’âge adulte.

Si le TSPT n’est pas soigné, ses symptômes peuvent s’aggraver et mener à d’autres problèmes. On rapporte des incidences élevées d’alcoolisme et de toxicomanie, de douleurs chroniques, d’automutilation, de phobie de la mort, de compulsions et de changements de personnalité[xiv]. Vivre un événement traumatique peut altérer de manière irréversible la structure et la chimie du cerveau, entraînant chez l’adulte des difficultés récurrentes à maîtriser sa peur et ses souvenirs[xv].

Durant les conflits violents, les enfants se sentent profondément impuissants; en tant que jeunes adultes, les Gazaouis sont plus susceptibles que d’autres de se joindre à des groupes militants pour tenter de surmonter ce sentiment d’impuissance[xvi].

Les problèmes psychologiques et comportementaux résultant d’un traumatisme seront répandus à Gaza tant et aussi longtemps que sa population civile sera soumise aux frappes militaires et à la violence.

 

Quels sont les moyens déployés pour venir en aide à ces enfants?

L’un des meilleurs moyens d’aider les enfants traumatisés à guérir est de conserver une routine normale, ce qui est  presque impossible à Gaza. La majorité des enfants ont dû à un moment ou à un autre quitter leur maison à la recherche d’un abri plus sûr, tandis que 55 % vivent actuellement dans des camps de réfugiés[xvii]. La stabilité émotionnelle et le soutien parental sont également essentiels à la guérison des enfants qui ont subi un traumatisme psychologique. De nombreux parents à Gaza ont eux-mêmes subi des blessures psychologiques et sont incapables de fournir les soins nécessaires à leurs enfants.

Malgré les difficultés associées à la reconstruction et au développement, de nombreuses organisations travaillent d’arrache-pied pour aider les enfants gazaouis à guérir. Le Programme communautaire de santé mentale  GCMHP, selon l’acronyme anglais) exploite trois centres destinés à offrir des services de santé mentale aux groupes vulnérables de la société, en particulier les femmes et les enfants et a t mis sur pied un programme de soutien téléphonique gratuit et un groupe dédié à l’émancipation des femmes[xviii].

Une autre organisation, la Gaza Mental Health Foundation, basée au États-Unis, amasse des fonds pour soutenir le GCMHP et ses programmes[xix]. Des agences des Nations Unies telles que l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’UNWRA subventionnent aussi des initiatives en matière de santé mentale à Gaza.

En dépit des efforts soutenus de ces groupes, les services de santé mentale demeurent rares à Gaza relativement au nombre de gens qui en ont besoin, faute de financement. Les professionnels de la santé mentale sont généralement incapables de sortir du territoire pour suivre des formations et Israël interdit l’entrée à Gaza de toute une gamme de médicaments et d’équipements[xx] nécessaires au traitement des problèmes de santé, ce qui prolonge encore les crises de santé mentale.



[i] Pour de plus amples informations, voir la fiche d’information no 53 de CJPMO,  Crise humanitaire à Gaza à la suite de l’assaut israélien, février 2009.

[ii] « Science Reference: Psychological Trauma ». Science Daily. Online.

[iii] « War on Gaza: Trauma, grief and PTSD in Palestinian children victims of War on Gaza ». Gaza Community Mental Health Programme, 2009.

[iv] « Operation Cast Lead: 352 children killed ». Défense des enfants international – section de la Palestine, avril 2010.

[v] « Trauma, grief, and PTSD in Palestinian children victims of War on Gaza ». Gaza Community Mental Health Programme.

[vi] « Gaza Strip: Operation Cast Lead, 27 Dec. '08 to 18 Jan. '09 ». BTselem.

[vii] « UNRWA Statistics – 2010 », novembre 2011, p. 5.

[viii] Nasir, Laeth S, and Arwa K. Abdul-Haq. Caring for Arab Patients: A Biopsychosocial Approach. Oxford: Radcliffe Publishing, 2008. « Chapter 13: Post-traumatic stress disorder ».

[ix]  « Trauma, grief, and PTSD in Palestinian children victims of War on Gaza ». Gaza Community Mental Health Programme, 2009.

[x]  « Trauma, grief, and PTSD in Palestinian children victims of War on Gaza ». Gaza Community Mental Health Programme, 2009.

[xi] « War on Gaza: Trauma, grief, and PTSD in Palestinian children victims of War on Gaza ». Gaza Community Mental Health Programme, 2009.

[xii] Hauslohner, Abigail. « Gaza’s Siege Mentality: Not Deprivation but Desperation ». TIME Magazine, 13 août 2010.

[xiii] Thabet, Abdel Aziz, Yehia Abed and Panos Vostanis. « Comorbidity of PTSD and depression among refugee children during war conflict ». Journal of Child Psychology and Psychiatry, 45:3 (2004), p. 537.

[xiv] « What is PTSD? » PTSD Association. Online.

[xv] Perry, B.D. « Traumatized children: How childhood trauma influences brain development ». Journal of the California Alliance for the Mentally Ill, Vol. 11:1. (2002), p. 48-51.

[xvi] Hauslohner, Abigail. « Gaza’s Siege Mentality: Not Deprivation but Desperation ». TIME Magazine, 13 août 2010.

[xvii] « Trauma, grief, and PTSD in Palestinian children victims of War on Gaza ». Gaza Community Mental Health Programme, 2009.

[xviii] « About: Gaza Community Mental Health Programme (GCMHP) ». Online.

[xix] « Home ». Gaza Mental Health Foundation. Online.

[xx] « The Closure of the Gaza strip puts at risk the health of people in Gaza and undermines the functioning of the health care system ». UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs and Association of International Development Agencies (AIDA), 20 janvier 2010.

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