Fiche-info 141, publiée en novembre 2011 : L’adhésion de la Palestine au sein de l’UNESCO est un évènement très significatif, qui a été à la fois acclamé et critiqué. Ce document expose les raisons pour lesquelles la Palestine a cherché à être membre de l’UNESCO, et comment la communauté internationale a répondu à une telle requête.

L’adhésion de la Palestine à l’UNESCO

Série Fiche-info N.141, créée: Novembre 2011, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 
Voir la fiche-info en version PDF

141.pngQu’est-ce que l’UNESCO?

Depuis sa création, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a été intimement liée aux efforts internationaux pour prévenir la guerre et promouvoir la paix. Elle a été fondée le 16 novembre 1945 – peu après la fin de la Deuxième Guerre mondiale – par 37 des 44 membres de l’ONU qui s’étaient réunis à cet effet du 1er au 16 novembre à Londres, en Angleterre[1]. Ces membres aspiraient à créer une organisation qui symboliserait une culture authentique de la paix et établirait « une solidarité intellectuelle et morale de l’humanité » afin d’éviter l’éclatement d’une nouvelle guerre mondiale. La constitution de l’UNESCO est entrée en vigueur le 4 novembre 1946, après avoir été ratifiée par 20 pays, dont le Canada[2],[3]. L’UNESCO compte actuellement 195 membres, dont la Palestine, admise le 31 octobre 2011.

La mission de l’UNESCO est de « contribuer à l’édification de la paix, à l’élimination de la pauvreté, au développement durable et au dialogue interculturel par l’éducation, les sciences, la culture, la communication et l’information[4] ». L’UNESCO fournit du financement pour un vaste éventail de programmes et d’activités éducationnelles, scientifiques et culturelles, dont un grand nombre sont destinés à des pays en développement. Son travail est financé grâce aux cotisations et aux contributions volontaires de ses membres.

La Conférence générale de l’UNESCO – l’assemblée de tous les membres de l’UNESCO – détermine l’orientation et la ligne de conduite générale de l’organisation, de même qu’elle établit ses programmes et son budget. Elle élit aussi les membres du Conseil exécutif de l’UNESCO et en désigne le directeur général à tous les quatre ans. Le Conseil exécutif, formé de 58 membres qui se rencontrent deux fois par année, est responsable de la gestion globale de l’UNESCO et s’assure que les décisions de la Conférence générale sont exécutées. L’admission de nouveaux membres au sein de l’UNESCO requiert l’appui des deux-tiers des membres de la Conférence générale.

 

Comment la Palestine est-elle devenue membre à part entière de l’UNESCO?

Le 31 octobre 2011, la Conférence générale de l’UNESCO a procédé au vote pour l’admission de la Palestine comme membre à part entière. La résolution pour l’admission de la Palestine a été approuvée par 107 voix contre 14, avec 52 abstentions. Les États-Unis, le Canada, Israël, la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne sont parmi les pays ayant voté contre[5], alors que la France, la Norvège, la Chine, la Russie, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et 100 autres nations ont voté pour. Le Royaume-Uni, l’Italie, le Japon, le Mexique et 48 autres pays se sont abstenus.  

Comment les États-Unis et le Canada ont-ils réagi à la décision de l’UNESCO d’admettre la Palestine?

Quelques heures  après l’admission de la Palestine, les États-Unis ont annoncé, tel qu’attendu, l’annulation de leur financement à l’UNESCO, en accord avec des lois américaines promulguées en 1990 et en 1994. Les médias internationaux ont rapporté que le président américain Barack Obama était personnellement réticent à supprimer le financement à l’UNESCO, mais qu’il n’avait pas le pouvoir d’abroger les lois qui l’y obligent. Le financement des États-Unis s’élevait à 80 millions de dollars par an, dont 60 millions devaient être versés en novembre 2011. La contribution des États-Unis constituait 22 pour cent du budget total actuel de l’UNESCO.

Le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, a immédiatement critiqué la décision de la Conférence générale d’admettre la Palestine. Il a plus tard annoncé que le Canada suspendrait ses contributions volontaires à l’UNESCO, mais qu’il maintiendrait son financement de base à l’organisation, qui s’élève à 10 millions de dollars par an. M. Baird a également précisé que le Canada ne considèrerait pas d’augmenter sa contribution pour combler le manque à gagner engendré par le retrait du financement des États-Unis.

 

Pourquoi les Palestiniens accordent-ils tant d’importance à l’adhésion à l’UNESCO?

Plusieurs raisons expliquent la grande importance qu’accordent les Palestiniens à cette adhésion :

L’appartenance à l’UNESCO fait progresser le statut de la Palestine à l’ONU, une institution multilatérale, et permet aux Palestiniens de défier certaines contraintes auxquelles ils sont confrontés en tant que partie faible dans leur relation asymétrique avec Israël, cinquième puissance militaire au monde[6]. L’admission à l’ONU réduira la vulnérabilité des Palestiniens aux actions unilatérales d’Israël.

L’adhésion à l’UNESCO permettra aux autorités palestiniennes de déposer une demande pour que le centre historique de Bethléem soit désigné come « site du patrimoine mondial ». Elle placera aussi la Palestine dans une meilleure position pour requérir un soutien moral et des mesures concrètes de l’UNESCO et de ses États membres afin de protéger le centre historique et les murs de Jérusalem – inscrits au patrimoine mondial depuis 1982 – des tentatives répétées d’Israël de les accaparer pour son usage exclusif. Plusieurs sites de Jérusalem-Est sont sacrés pour les musulmans, les juifs et les chrétiens, ou pour les trois, et ont une importance marquée en particulier pour les chrétiens et les musulmans. En outre, la population de Jérusalem-Est, qui vit sous occupation militaire depuis 1967, est en majorité palestinienne et ce, en dépit des décennies d’efforts israéliens pour y transférer ses civils, en violation du droit international.

Israël a tenté de faire valoir ses droits sur l’ensemble de Jérusalem, désignée comme « capitale indivisible d’Israël », malgré le fait que la communauté internationale ne reconnaisse pas l’annexion de facto de Jérusalem-Est depuis 1967, et qu’au contraire elle anticipe que celle-ci deviendra la capitale d’un État palestinien trop longtemps attendu.

En tant que membre de l’UNESCO, la Palestine pourra demander du financement à l’UNESCO et l’utiliser pour protéger ses sites patrimoniaux. Elle pourra également demander aux membres de l’UNESCO un soutien moral, financier et logistique dans ses efforts pour presser Israël  de rendre les antiquités palestiniennes volées par ses troupes lors de la guerre de 1967 ou subtilisées par les autorités israéliennes qui ont, depuis la fin de cette guerre, tiré avantage de leur occupation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie.

 

L’UNESCO peut-elle atténuer l’impact du conflit israélo-palestinien?

Oui. L’UNESCO – un organisme international impartial – a à l’occasion pris position lorsque des actions israéliennes ont endommagé des sites du patrimoine palestinien. En 1974, Israël s’est vu retirer son statut de membre à l’UNESCO à cause de dommages encourus lors d’excavations archéologiques sur le Mont du Temple, site de la mosquée Al-Aqsa. (L’UNESCO a ensuite renouvelé l’adhésion d’Israël en 1977 parce que les États-Unis avaient menacé de retenir une contribution de 40 millions de dollars.)  

En février 2010, Israël a désigné le Tombeau des patriarches (à Hébron) et le Tombeau de Rachel (à Bethléem) comme des sites du patrimoine national israélien, en dépit du fait que ces sites se trouvent en Cisjordanie, et non en Israël. Ce dernier a annoncé des plans de travaux de restauration pour ces sites, s’attirant les critiques des États-Unis et soulevant les protestations des Palestiniens. Au mois d’octobre suivant, le Conseil exécutif de l’UNESCO a exprimé de vives inquiétudes au sujet d’excavations et de travaux archéologiques menés par Israël sur l’Esplanade des mosquées dans la vieille ville de Jérusalem, où se trouve la mosquée Al-Aqsa. Le Conseil a également déclaré que les sites d’al-Haram al-Ibrahimi (le Tombeau des patriarches) et de la mosquée Bilal bin Rabah (le Tombeau de Rachel) faisaient « partie intégrale des territoires palestiniens occupés », et a souligné que toute action israélienne en ces lieux serait considérée comme une violation du droit international.

 

Pourquoi le financement de l’UNESCO et l’admission de la Palestine en son sein sont-ils des enjeux cruciaux de l’orientation politique canadienne?

Tous les principaux partis canadiens ont des politiques de longue date appuyant une solution à deux États au conflit israélo-palestinien. Le Canada est parmi les pays membres de l’ONU qui ont, depuis 1948, promis à maintes reprises aux Palestiniens un État indépendant et souverain. L’adhésion de la Palestine à l’ONU et à ses agences, telles que l’UNESCO, est donc souhaitable depuis longtemps. L’admission de la Palestine à l’UNESCO reflète la frustration de la communauté internationale face au refus d’Israël de cesser l’expansion de ses colonies en Cisjordanie. Elle s’ajoute également aux autres efforts internationaux pour encourager la reprise de négociations de paix bilatérales entre Israël et les Palestiniens dans le but de parvenir à un accord final juste et de parachever la solution à deux États.

Aux yeux de la communauté internationale, la réduction du soutien du Canada à l’UNESCO 1) démontrerait que le gouvernement canadien actuel accorde la priorité au soutien politique d’Israël et ce, au-delà de toute autre préoccupation et 2) transfèrerait aux membres moins aisés de l’UNESCO la charge du manque à gagner financier dû au retrait abrupt du financement des États-Unis.



[1] La réunion de 1945 était elle-même issue d’efforts de ministres européens de l’éducation qui avaient commencé à se rencontrer en 1942 pour planifier la reconstruction de leurs systèmes éducatifs.

[2] UNESCO. Qui sommes-nous? Histoire http://www.unesco.org/new/fr/unesco/about-us/who-we-are/history/

Consulté le 10 novembre 2011.

[3] Les pays qui l’avaient à l’origine ratifiée étaient : l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la Tchécoslovaquie, le Danemark, la République Dominicaine, l’Égypte, la France, la Grèce, l’Inde, le Liban, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis.

[4] UNESCO. Qui sommes-nous? À propos de l’UNESCO http://www.unesco.org/new/fr/unesco/about-us/who-we-are/introducing-unesco/

[5] Les autres pays ayant voté contre sont : l’Australie, la République Tchèque, la Lituanie,  les Palaos, le Panama, Samoa, les Îles Salomon et le Vanuatu. Pour une liste complète de la répartition des votes, voir The Guardian. « How Unesco countries voted on Palestinian membership », 1er novembre 2011 (en anglais seulement).

[6] Pour de plus amples informations sur les raisons pour lesquelles les Palestiniens considèrent importante leur adhésion à l’ONU, voir la fiche d’informations de CJPMO Le statut d’État palestinien.

 

Cliquez sur le(s) tag(s) rouge ci-dessous pour voir les articles reliés de CJPMO