130.pngFiche-info 130, publiée en juillet 2011 : Cette fiche-info revient sur les prisonniers israéliens et palestiniens. Alors que le kidnapping du soldat Gilad Shalit a fait la une de tous les journaux internationaux, le monde reste silencieux lorsqu’il est question des 5383 prisonniers palestiniens détenus par le Service pénitentiaire d’Israël (SPI). Même le Canada, bien qu’ayant ratifié de nombreux traités concernant les droits de la personne lorsqu’il est question d’arrestation, d’emprisonnement, ou de torture, a gardé le silence face au sujet des prisonniers palestiniens et des conditions d’incarcération.

Les prisonniers israéliens et palestiniens

Série Fiche-info N.130, créée: juillet 2011, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 
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En juin 2006, le soldat israélien Gilad Shalit a été kidnappé par le Hamas près du poste-frontière de Kerem Shalom, en Israël, alors qu’il effectuait son service militaire obligatoire. Âgé de 19 ans à l’époque, il était le premier soldat israélien capturé par les Palestiniens depuis 1994[1]. Shalit est toujours détenu dans un lieu gardé secret à Gaza et a été entendu pour la dernière fois en octobre 2009 dans un message vidéo diffusé par le Hamas. Depuis l’enlèvement de Shalit, les efforts diplomatiques locaux et internationaux – parfois de haut niveau – se sont multipliés pour obtenir sa libération. Malheureusement, la communauté internationale a porté peu d’attention au sort des milliers de détenus palestiniens aux mains d’Israël soumis à des violations des droits de l’homme comparables à celles que subit Shalit.

 

Quels sont les nombres relatifs de prisonniers israéliens et palestiniens?

Selon l’organisation israélienne de défense des droits de la personne B’Tselem, en date du 6 juillet 2011, le Service pénitentiaire d’Israël (SPI) détenait 5383 Palestiniens[2]. Parmi ces derniers, 291 étaient en internement administratif, c’est-à-dire qu’ils étaient détenus sans procédure judiciaire[3]. Selon un rapport de 2011 d’ONU Femmes, 110 femmes palestiniennes sont actuellement détenues en Israël[4]. Le nombre de détenues palestiniennes a diminué en 2010 après que le Hamas a accepté d’échanger une vidéo de Shalit vivant contre la libération de 20 Palestiniennes[5]. Depuis 2000, l’organisme Défense des enfants international (DEI) a signalé qu’environ 6500 enfants palestiniens étaient ou avaient été détenus par l’armée israélienne[6]. Actuellement, Gilad Shalit est l’unique prisonnier israélien aux mains des Palestiniens. 

Dans quelles circonstances les prisonniers sont-ils détenus ?

Les prisonniers palestiniens placés en internement administratif en Israël sont généralement des activistes sociaux, des universitaires, des étudiants, des politiciens (membres du Conseil législatif palestinien), des enfants et des femmes[7]. En vertu de la Loi sur l’occupation israélienne, les Palestiniens peuvent être placés en internement administratif pendant tout au plus six mois, une période qui est parfois prolongée pour des « durées démesurément longues »[8]. Dans la plupart des cas, les prisonniers ne sont pas informés des charges qui pèsent contre eux, ce qui les empêche de préparer leur défense[9]. Ces mesures contreviennent à la Quatrième Convention de Genève (articles 70 et 71), qui « requiert qu’un procès équitable soit établi et que l’accusé soit clairement informé de ses inculpations[10]. » Après l’enlèvement de Shalit, des dizaines de Palestiniens travaillant pour l’Autorité palestinienne ont été placés en détention[11]. Le ministre de l’Éducation Nasser a-Din Sh’ar et le ministre des affaires concernant la Barrière et les colonies Wasfi Qaba sont parmi hauts-fonctionnaires palestiniens qui ont alors été détenus par l’armée israélienne[12]. D’autres prisonniers politiques ont ainsi été emprisonnés, dont les membres du Parlement du Hamas Khalil Al-Rabai and Hatem Qafisha[13].

Le droit militaire israélien autorise son armée à placer des enfants palestiniens en internement administratif dès l’âge de 12 ans. Selon l’armée israélienne, sont définis comme « enfants » les Palestiniens de moins de 16 ans. Ainsi, ceux ayant plus de 16 ans sont jugés et emprisonnés comme des adultes[14]. Environ 20 à 30 enfants palestiniens sont placés en internement administratif chaque année[15]. L’UNICEF soutient que des mineurs palestiniens sont ainsi détenus « au lieu d’être inculpés pour un crime quand on croit qu’il n’y a pas de preuves suffisantes pour poursuivre un enfant[16]. » Or, en vertu de la Quatrième Convention de Genève, l’internement administratif ne peut pas être utilisé pour remplacer une action en justice[17].

Des enfants palestiniens sont aussi détenus pour avoir lancé des pierres. En 2010, un total de 204 mineurs palestiniens ont été arrêtés pour un tel délit. Souvent ces arrestations ont lieu aux postes de contrôle militaires ou pendant la nuit[18]. Pendant l’interrogatoire, les mineurs palestiniens n’ont pas droit à la présence d’un parent[19]. Des prisonniers mineurs ont signalé avoir été victimes de violence physique et verbale en cours d’interrogatoire[20]. ONU Femmes a également signalé que dans certains cas des femmes étaient harcelées verbalement, psychologiquement, physiquement et sexuellement au cours de ces détentions[21].

 

Quelles sont les conditions d’incarcération des prisonniers en Israël et en Palestine ?

Israël a un système d’incarcération double, avec d’une part les prisons du SPI et, d’autre part, les camps de détention de l’armée israélienne. Ces derniers sont réservés en exclusivité aux Palestiniens des territoires occupés[22]. Selon Middle East Watch, Ketsiot est le plus inadéquat des camps de détention de l’armée israélienne, puisqu’il est situé en région étrangère, ce qui empêche la visite des familles et l’accès à un service fiable de courrier[23]. Le fait que Ketsiot soit situé en Israël enfreint le droit international puisque la Quatrième Convention de Genève interdit le transfert de personnes incarcérées de territoires occupés vers le territoire de la puissance occupante[24].

En général, les détenus des camps militaires israéliens vivent dans des tentes surpeuplées où ils ont tout au plus trois mètres carré d’espace[25]. Les Palestiniens en internement administratif sont aussi placés dans ces camps et sont dès lors soumis aux rudes conditions qui y sévissent telles que le surpeuplement, l’alimentation déficiente et un habillement et des mesures d’hygiène inadéquats[26]. Selon ce double système, les standards d’incarcération ne sont pas les mêmes pour les prisonniers palestiniens dans les camps militaires et les détenus israéliens dans les centres du SPI[27].

DEI-Palestine a reçu des plaintes qui abondent en ce sens au sujet des conditions de vie des enfants palestiniens en détention, qui souffrent notamment du surpeuplement, du manque de ventilation et d’accès à la lumière naturelle, de la nourriture de piètre qualité ou en trop petites quantités, de mauvais traitements par le personnel des prisons, et d’ennui[28]. La torture et le traitement inhumain des enfants détenus ont été signalés sous diverses formes : sacs sur la tête, coups, suspension par les bras ou les jambes[29].

 

Comment le Canada a-t-il réagi à la violation des droits de la personne?

Depuis la capture de Shalit en 2006, le Canada a émis plusieurs déclarations en termes très vifs exigeant sa libération immédiate et inconditionnelle. Par comparaison, le gouvernement canadien a gardé le silence quant aux détenus palestiniens en Israël et aux violations des droits de la personne entourant leur incarcération et ce, malgré le fait qu’il ait ratifié plusieurs traités en matière de droits humains de tels prisonniers : la Convention sur les droits de l’enfant (qui incorpore les droits fondamentaux des enfants détenus à travers le monde), la Convention contre la torture (qui protège les citoyens du monde contre les traitements inhumains et la torture)[30], ainsi que plusieurs autres. 

Bien que le gouvernement canadien ne se soit pas mobilisé pour la libération des prisonniers palestiniens placés en internement administratif, l’ONU n’a pas passé cet enjeu sous silence. Dans un communiqué du 7 mars 2011, Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, a soutenu que la libération des prisonniers palestiniens en Israël pouvait faire avancer les perspectives de paix[31]. Suite à cette déclaration, l’Assemblée générale a tenu une réunion sur la question de la Palestine et a « porté son attention sur la situation et les conditions de confinement lugubres des Palestiniens dans les prisons et les centres de détention israéliens[32]. »  



[1] « Israel, Gilad Shalit’s 1600th day of Captivity ». Digital Journal. 16 novembre 2010. < http://www.digitaljournal.com/article/300284>.

[2] « Statistics on Palestinians in custody of the Israeli security forces ». B’Tselem. Avril 2011.

[3] Pour plus d’informations, voir la fiche info de CJPMO no 38 « Torture et détention abusive en Israël », mai 2008.

[4]  « Suspended Lives: Palestinian female prisoners in Israeli prisons » (en anglais seulement). UN Women. 2011. p.4

[5] Ibid.

[6] « Palestinian Child Prisoner » (en anglais seulement). Defence for Children International/Palestine Section. Juin 2009. p.8

[7] Ramahi, Sawsan. « Administrative Detention: A Legal & Lethal Tool of Israeli Repression ». Middle East Monitor. Avril 2011. p.16 

[8] « Administrative detention of children: a global report » (en anglais seulement). United Nations International Children’s Emergency Fund (UNICEF). Février 2011, p.56

[9] « Administrative Detention ».  B’Tselem.  <http://www.btselem.org/administrative_detention>.

[10] « Administrative Detention: A Legal & Lethal Tool of Israeli Repression ». p.4 

[11] « Detainees & prisoners: 1 Aug. 2007: Detention of senior Palestinian officials-wrongful infringement of fundamental rights ». B’Tselem. 1er août 2007. <http://www.btselem.org/topic-page/1-aug-2007-detention-senior-palestinian-officials-wrongful-infringement-fundamental-right>.

[12] Ibid.

[13] « Administrative Detention: A Legal & Lethal Tool of Israeli Repression ». p.13

[14]« Palestinian Children and the Facts ». uruknet.info, 6 septembre 2007. <http://www.uruknet.de/?p=36029>.

[15] « Administrative detention of children: a global report » (en anglais seulement). p.31

[16] Ibid., p. 52-53

[17] « Administrative Detention: A Legal & Lethal Tool of Israeli Repression ». p. 10 

[18] Ibid., p.26

[19] « No Minor Matter: Violation of the Rights of Palestinian Minors Arrested by Israel on Suspicion of Stone-Throwing ». B’Tselem.  Juillet 2011. p.32

[20] Ibid., p.39

[21]  « Suspended Lives: Palestinian female prisoners in Israeli prisons » (en anglais seulement). p. 4

[22] « Prison Conditions in Israel and the Occupied Territories ». Middle East Watch. Avril 1991. p.8

[23] Ibid., p.24

[24] Ibid., p. 24

[25] Ibid., p.15

[26] « Administrative Detention: A Legal & Lethal Tool of Israeli Repression ». p.12

[27] « Prison Conditions in Israel and the Occupied Territories ». p. 26

[28] « Palestinian Child Prisoner » (en anglais seulement). Defence for Children International/Palestine Section. Juin 2009. p.18

[29] «Health conditions of Palestinian prisoners in Israeli jails ». Middle East Monitor, 8 février 2010 p.1.

[30] « Politique internationale du Canada relative aux droits de la personne ». Affaires étrangères et Commerce international Canada. <http://www.international.gc.ca/rights-droits/policy-politique.aspx?view=d>.

[31] « Israel’s release of Palestinian political prisoners could boost peace prospects-Ban » (en anglais seulement). UN News Center. Mars 2011.  

[32] « Israeli security pretext for arbitrary detention of Palestinian Political Prisoners ». United Nations Meeting on Question of Palestine Told. Site Web de l’ONU. 7 mars 2011. <http://www.un.org/News/Press/docs/2011/gapal1185.doc.htm>. 

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