Fiche-info 120, publiée en mars 2011: Cette fiche-info fournit une vue d’ensemble sur la communauté des chrétiens coptes en Égype, qui représente 10% de la population. Étant donné qu’il n’existe aucune différence ethnique ou raciale entre les chrétiens et les musulmans d’Égypte, ce document revient sur l’origine des chrétiens coptes d’Égypte, leurs relations avec le gouvernement, le déroulement de la coexistence avec les musulmans et sur les discriminations existantes dans la société égyptienne. 

Les chrétiens coptes en Égypte

Série Fiche-info N.120, créée: Mai 2011, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 
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120.pngQui sont les chrétiens coptes d’Égypte?

Au VIIe siècle, l’Égypte fut envahie pour la première fois par les Arabes de la péninsule arabique. Ces derniers faisaient référence à la population indigène du pays comme les Coptes. À l’époque, la plupart des Égyptiens étaient chrétiens, suite à l’introduction du christianisme au premier siècle de notre ère et la fondation de l’Église copte d’Alexandrie, une des plus vieilles Églises de la chrétienté. Les Coptes avaient leur propre langue, laquelle était apparentée à une ancienne langue égyptienne. Après l’invasion arabe, le copte fut rapidement remplacé par l’arabe et, au Xe siècle, l’islam devint la religion dominante en Égypte[1]. Les Coptes croient en la nature divine unique du Christ, par opposition à la double nature – à la fois humaine et divine – professée dans la tradition chrétienne occidentale[2]. La majorité d’entre eux appartiennent à l’Église copte orthodoxe, qui élit son propre pape siégeant à Alexandrie, alors que d’autres font partie de l’Église copte catholique ou de l’Église copte protestante.

En raison des conversions religieuses et des mariages mixtes depuis le VIIe siècle, il n’existe aucune différence ethnique ou raciale en Égypte entre les chrétiens et les musulmans. De nos jours, les chrétiens coptes représentent 10 % de la population et sont principalement regroupés en Haute-Égypte (soit dans le sud du pays)[3], ainsi qu’à Alexandrie et au Caire, en particulier dans les districts de Shubra, Faggala et Daher[4].

 

Quels types de relations les Coptes et le gouvernement égyptien entretiennent-ils?

La communauté copte entretient des rapports prudents avec l’État, notamment parce que les activités politiques sous le régime de Moubarak étaient communément réprimées. Afin de défendre ses intérêts en tant que groupe minoritaire, la collectivité copte s’est vue forcée de dépendre des relations officielles établies entre l’Église copte orthodoxe et le gouvernement. Cette représentation exclusive des Coptes envers l’État a créé une relation de patron-client en vertu de laquelle les concessions à l’Église sont accordées en échange de la promesse du soutien politique de la communauté copte[5]. Par exemple, lors des élections de l’Assemblée du Peuple d’Égypte en 2005, le pape copte Chenouda III a pressé ses disciples de voter pour le Parti national démocratique composé de candidats musulmans uniquement, alors que d’autres partis soumettant des candidats chrétiens figuraient aussi dans la course aux élections[6]. Bien que de telles obligations envers l’État aient limité les libertés de la communauté copte, des bénéfices en ont été tirés. De fait, l’Église copte orthodoxe a obtenu la permission d’appliquer le droit canonique dans la prise de décisions juridiques statutaires en matières personnelle et civile. Ceci est valable notamment pour le mariage et le divorce des chrétiens[7], et ce, en dépit du fait que la constitution du pays décrète l’islam comme la religion de la nation et la loi islamique comme source principale de jurisprudence[8]. Dans la foulée de l’éviction de l’ancien président Hosni Moubarak au début de l’année 2011, certains Coptes ont fait part de la crainte que l’instabilité politique résultante puisse les rendre dangereusement vulnérables vis-à-vis d’un nouveau gouvernement qui tolèrerait davantage l’extrémisme islamique et qui serait moins enclin à l’égalité religieuse[9].

 

Comment se porte la coexistence entre les chrétiens et les musulmans en Égypte?

Règle générale, la cohabitation entre les chrétiens et les musulmans se fait bien. En regard à leur statut social, les Coptes occupent toutes les strates sociales, des plus riches aux plus pauvres, et tous les secteurs d’activité, de la paysannerie à la gestion des affaires; ils sont également bien représentés au sein de professions prestigieuses comme la médecine et l’ingénierie[10]. Ils ont aussi pris activement part aux causes nationalistes égyptiennes[11]. Les chrétiens se sont ainsi soulevés aux côtés de leurs confrères musulmans au cours de nombreuses protestations politiques comme la révolte d’Urabi en 1882, la révolution de 1919 et l’éviction politique du président Hosni Moubarak en février 2011. De fait, pendant les manifestations de la place Tahrir au Caire contre le régime de Moubarak, les Coptes ont formé un mur humain autour des musulmans pendant que ces derniers priaient. Également, à maintes reprises, on put apercevoir des bannières sur lesquelles était représenté le croissant musulman enlaçant la croix chrétienne pour exprimer l’unité nationale dans des luttes communes[12].

 

Est-ce que les Coptes subissent de la discrimination dans la société égyptienne?

Malgré une bonne cohabitation religieuse, il arrive que les Coptes subissent de la discrimination. Par exemple, en date de 2009, aucun chrétien n’a été président ou doyen d’une université publique égyptienne. D’ailleurs, des 700 postes de haut niveau qu’on retrouve dans le système universitaire public, un seul est occupé par un chrétien[13]. Dans la même veine, le gouvernement égyptien exclut les Coptes des services de sécurité et de renseignement[14].

Le gouvernement égyptien a recours à des pratiques qui violent le droit constitutionnel des minorités religieuses de pouvoir souscrire à la religion de leur choix. Selon la loi en vigueur, tous les citoyens doivent obtenir une carte d’identité qui indique l’appartenance religieuse de son détenteur. Un enfant de moins de seize ans dont le père se convertit à l’islam est cependant automatiquement considéré musulman et on lui refusera sûrement l’obtention d’une carte d’identité s’il insiste pour garder sa foi chrétienne. Dans le même sens, les personnes converties de l’islam au christianisme ne sont pas reconnues et on peut leur refuser une pièce d’identité indiquant leur nouvelle religion. Elles sont aussi victimes de harcèlement de la part des autorités égyptiennes. À l’opposé, ceux qui se convertissent du christianisme à l’islam ne subissent pas le même traitement. En 2004, un converti d’origine musulmane, accusé d’avoir aidé des pairs convertis à contrefaire leurs pièces d’identité, a été battu et torturé au poste de police El-Mosky du Caire[15]. En plus de violer les prohibitions internationales sur la torture, desquelles l’Égypte est signataire, de tels événements entrent en violation avec l’article 46 de la constitution égyptienne qui garantit la liberté de croyance et de pratique religieuse[16]. En date de 2011, Me Peter Ramses Al Nagar a représenté plus de 3000 chrétiens ayant été contraints de vivre avec une pièce d’identité les étiquetant comme musulmans[17].

De plus, les chrétiens égyptiens sont d’avis que leurs demandes pour construire des églises sont souvent ignorées ou intentionnellement repoussées dans le temps par la bureaucratie étatique, en comparaison aux demandes de construction de mosquées[18]. En effet, l’Égypte continue de recourir à des pratiques archaïques en ce qui concerne la construction de bâtiments à caractère religieux, ce qui cause une discrimination à l’encontre des chrétiens qui veulent construire ou agrandir de tels édifices[19].

Les Coptes ont été victimes de nombreuses attaques au cours des dernières années. La plus importante eut lieu en décembre 2010 à l’extérieur d’une église d’Alexandrie à la veille du Jour de l’An. Elle a causé la mort de 21 personnes[20]. Des actes de violence se sont produits plus tôt dans l’année à Marsa Matrouh, où un imam appela les musulmans à purger la ville de ses infidèles. Ces exhortations ont incité des musulmans locaux à assaillir des maisons, des commerces et des voitures appartenant à des chrétiens[21]. De même, à Naga Hamadi, une fusillade exécutée d’un véhicule en marche visant des chrétiens à la sortie de la messe s’est soldée par la mort de sept chrétiens[22]. Toutefois, l’évêque égyptien Ghais Malik a souligné que de telles attaques ne sont pas nécessairement sectaires mais peuvent être l’expression d’extrémistes politiques cherchant à déstabiliser le pays, bien plus que de persécuter les chrétiens[23]. Quoi qu’il en soit, même si ces agressions sont considérées d’emblée comme non discriminatoires, la tension se fait sentir et l’État est accusé de faire trop peu afin de prévenir tout méfait à l’endroit des chrétiens. En 2010, le président égyptien déchu Hosni Moubarak promit de renforcer la protection des églises « menacées par les forces du terrorisme et de l’extrémisme ». Malheureusement, cette annonce n’a pas empêché des attentats encore plus mortels d’être perpétrés contre des chrétiens à peine quelques mois plus tard[24].    



[1] Makari, Peter E. Christianity and Islam in 20th Century Egypt: Conflict and Cooperation. International Review of Mission, vol.89, no 352.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Hassan, Sanaa. Christians versus Muslims in modern Egypt: The century-long struggle for Coptic equality. Oxford: Oxford University Press, 2003.  p. 17-21.

[5] Tadros, Mariz. Vicissitudes in the Entente between the Coptic Orthodox Church and the State of Egypt. International Journal of Middle East Studies. vol. 41, no 2 (Avril 2009), p. 267-287.

[6] Ibid.

[7] Abdul Aziz, Manal. Differentiating between State and Church Authorities. The Egyptian Gazette. 14 juin 2010.

[8] Lire sous Information, « Laws and Constitution », www.egypt.gov.eg/english, consultée le 24 mars 2011

[9] L'Égypte élira un nouveau président fin 2011. La Presse. 30 mars 2011.

[10] Makari, Peter E., p. 90.

[11] Ibid.

[12] Alexander, Anne. Egypt's Muslims and Christians join hands in protest. BBC News. 10 février 2011.

[13] Coptic Christians. Global Security, janvier 2011.

[14] Moheb, Zaki. Egypt’s Prosecuted Christians. Wall Street Journal (Eastern edition), 18 mai, 2010. p. A15

[15] Jeff M. Sellers. Heightened Hostilities. Christianity Today. vol.48, no 1. janvier 2004, p. 30.

[16] Prohibited Identities: State Interference with Religious Freedom. Human Rights Watch. Novembre 2007.

[17] Fraser, Christian. Egypt’s Coptic Christians Battle for ID Cards. BBC News. 26 décembre 2009.

[18] Sectarian Violence in Egypt Diverting Attention from Political Opposition. Washington report on Middle East affairs, mai/juin 2009, vol. 28, no 4. p. 40-41

[19] Washington report on Middle East affairs, mai/juin 2009.

[20] Bayoumi, Alaa. Egypt: Understanding Copts’ Anger. Al Jazira anglais, 6 janvier 2011.

[21] Moheb, Zaki.

[22] Ibid.

[23] Muslim and Coptic Christians of Egypt: an Uneasy Peace. Washington Report on Middle East Affairs. avril 2000, vol.19, no.3.

[24] Deadly blast outside Egypt church. Al-Jazeera English. January 1, 2011.

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