Fiche-info 119, publiée en avril 2011 : Cette fiche-info fournit un bref résumé sur la situation de la communauté LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres) au Moyen-Orient. Alors que la collectivité LGBT gagne peu à peu la reconnaissance des gouvernements et des sociétés à l’échelle internationale, leur situation au Moyen-Orient reste lugubre. Ce document s’interroge sur la manière dont les homosexuels sont perçus au Moyen-Orient, s’ils bénéficient de protections légales, et si les mentalités sont prêtes ou non à changer. 

La communauté LGBT au Moyen-Orient

Série Fiche-info N.118, créée: Avril 2011, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 

LGBT.pngQu’est-ce que la communauté LGBT et est-elle présente au Moyen-Orient?

L’acronyme LGBT, parfois écrit LGBTIQ pour inclure les gens s’identifiant comme intersexués ou queer[1], est reconnu à l’échelle internationale pour désigner les lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres. Historiquement, ces groupes ont été victimes de discrimination, mais aujourd’hui la collectivité LGBT gagne peu à peu la reconnaissance des gouvernements et des sociétés. Au Moyen-Orient, la situation pour cette communauté demeure toutefois très sombre. Effectivement, les pays moyen-orientaux, à l’exception d’Israël, condamnent ouvertement la communauté LGBT[2]. Par conséquent, la communauté LGBT du Moyen-Orient ne peut exister que clandestinement et ses membres vivent souvent dans la peur d’être découverts. Une personne dont l’homosexualité est révélée ou pressentie risque l’ostracisme de la société, y compris de sa propre famille[3].

 

Comment les homosexuels sont-ils perçus au Moyen-Orient?

Dans les sociétés moyen-orientales, la norme est de dénoncer tout acte homosexuel, qu’il soit réel ou  pressenti. Cette situation s’applique autant à la majorité musulmane qu’aux minorités telles que les chrétiens coptes d’Égypte ou  maronites du Liban[4]. À l’intérieur des communautés et groupes familiaux, l’homosexualité est considérée comme une cause de déshonneur jetant la honte sur la personne touchée ainsi que sur l’ensemble de sa famille, et se répercutant sur tout ami ou membre de la famille. Parmi ces répercussions, on note entre autres la difficulté qu’ont les femmes de la famille à se marier faute de prétendants, le risque que les proches masculins ne soient congédiés et la possibilité, pour la famille entière, de voir son statut social compromis[5]. Par conséquent, de nombreux crimes d’honneur sont commis à l’encontre de membres de la famille homosexuels dans plusieurs régions du Moyen-Orient afin de rétablir la dignité de la famille[6].

Plusieurs pays du Moyen-Orient sont des États islamiques qui, dans leur essence, condamnent l’homosexualité[7]. Les érudits musulmans contemporains considèrent l’homosexualité comme une déviation honteuse et dépravée des normes hétérosexuelles[8], ce qui n’a pas empêché les différentes variantes de l’islam de prescrire des réponses divergentes au « péché » de l’homosexualité.  Par exemple, l’école hanafite, qui est prépondérante dans le sud et le sud-est de l’Asie, enseigne qu’aucun châtiment physique ne devrait être infligé aux homosexuels, alors que les hanbalites et les shaféites, largement répandus au Moyen-Orient, prescrivent des punitions physiques sévères à ceux trouvés coupables d’homosexualité[9].

Bien que la situation pour les communautés LGBT au Moyen-Orient soit sombre, certaines sociétés font preuve d’une tolérance grandissante vis-à-vis de celles-ci. Israël est le pays le plus progressiste du Moyen-Orient en ce qui a trait à la protection des droits des LGBT. L’État reconnait ainsi formellement les droits des LGBT et ces derniers peuvent recourir à l’union civile en bénéficiant pratiquement des mêmes avantages que les couples hétérosexuels[10]. D’autres pays ou régions dignes de mention incluent l’Irak, la Jordanie et la Palestine, où les relations sexuelles entre partenaires du même sexe ne sont pas considérées comme étant  illégales[11]. Cependant, bien que l’homosexualité ne soit pas formellement illégale dans ces pays, on y rapporte de nombreux cas de torture et d’exécutions extrajudiciaires des LGBT[12]. Au Liban, malgré que l’homosexualité demeure illégale, la communauté grandissante des LGBT est de plus en plus visible. À Beyrouth en particulier, les LBGT ont établit une communauté solide, quoique toujours clandestine[13].   

 

Les communautés LGBT sont-elles protégées légalement au Moyen-Orient?

En général, non. L’homosexualité est illégale dans la plupart des pays du Moyen-Orient et constitue un crime passible d’amende, d’emprisonnement ou même, dans certaines régions, de la peine de mort. Les quelques mesures de protection existantes ne sont guère plus que des failles du système juridique. En Iran, par exemple, l’homosexualité est passible de la peine de mort, mais des dispositions moins sévères s’appliquent pour qui n’est pas « sain d’esprit » ou lorsque des actes homosexuels sont commis par des mineurs. La peine générale fixée pour le péché moins grave de Tafhiz (le frottement des parties génitales ou des fesses) est de 100 coups de fouet, bien que la sentence puisse être levée si la personne se repent à Dieu avant que les témoins n’attestent devant la cour[14].

Israël est le seul pays du Moyen-Orient qui ait adopté des mesures de protection élevées des LGBT[15]. Les juifs israéliens de cette communauté bénéficient de lois antidiscriminatoires similaires à celles en vigueur au Canada, dont la reconnaissance légale du mariage entre conjoints du même sexe et l’accès à l’adoption pour les couples homosexuels.

L’absence de protection légale des LGBT qui sévit dans la majorité des pays du Moyen-Orient déroge à de nombreux instruments du droit international, dont la Charte internationale des droits de l’homme et la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies[16].Tel que détaillé aux articles 1 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », et « tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une protection égale de la loi[17]. » Bien que la plupart des déclarations des droits de l’homme les plus largement reconnues ne mentionnent pas explicitement l’orientation sexuelle comme facteur de désignation d’un groupe minoritaire, elles comprennent toutes des dispositions prônant le respect des droits fondamentaux de tout individu et interdisant la discrimination à l’endroit de tout groupe de personnes pour quelque motif que ce soit[18]. Ainsi, la violence extrajudiciaire et la discrimination – en droit ou en pratique – que l’on autorise envers des membres de la communauté LGBT au Moyen-Orient constituent une infraction sévère au droit international.

 

Les mentalités au Moyen-Orient face aux LGBT sont-elles en voie de changer?

Alors qu’autour du monde les mentalités face à la communauté LGBT se sont récemment faites plus tolérantes, le Moyen-Orient demeure l’une des régions les plus résistantes au changement. En plusieurs endroits, on évite même l’homosexualité comme sujet de discussion, ce qui entrave la formation de groupes de revendication LGBT et ferme d’emblée la porte au changement[19]. Sans compter Israël, le Liban est considéré comme le pays le plus tolérant aux modes de vie sexuels alternatifs. Il abrite notamment l’organisme de défense des droits des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres  le plus important du monde arabe, HELEM (acronyme arabe pour « protection libanaise des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres »).  Le HELEM bénéficie d’une approbation assez grande au Liban pour tenir régulièrement des événements sur des questions liées aux LGBT et il est même descendu dans les rues pour dénoncer la violence faite aux membres de la communauté LGBT libanaise. Cependant, malgré que Beyrouth se montre beaucoup plus libérale que les villes et pays voisins, elle l’est beaucoup moins que ne le sont les sociétés occidentales[20].

En dépit des obstacles qui s’y interposent, des rencontres clandestines des LGBT ont tout de même lieu dans les pays les plus sévères du Moyen-Orient. Cependant, celles-ci sont souvent soutenues d’une quelconque manière par des gens de l’extérieur[21]. Ainsi, alors que localement l’opinion populaire, les normes culturelles et les institutions religieuses continuent de décourager les communautés LGBT de faire valoir leurs droits, une pression croissante s’exerce de l’extérieur (organisations internationales de défense des droits de la personne, gouvernements étrangers, expatriés et communauté LGBT internationale) pour que ceux-ci soient reconnus à travers le Moyen-Orient[22].    



[1] "LGBT Resources -- Definition of Terms." Gender Equity Resource Center. 2011.

[2] Meehan, Sumayyah. "Homosexuality in the Middle East : The Muslim Observer." Muslimmedianetwork.com. 8 novembre 2007.

[3] Gorani, Hala. "Struggle for Gay Rights in the Middle East - CNN." Featured Articles from CNN. 2 juin 2006.

[4] "Maronite Church Elects a Homophobe as Its Patriarch." Gay Middle East. 2011.; "The Coptic Orthodox Church and Homosexuality." ReligiousTolerance.org by the Ontario Consultants on Religious Tolerance. 1999.

[5] Jimenez, Marina. "Gay Jordanian Now ‘Gloriously Free’ in Canada." Gay Middle East. 20 mai 2004.

[6] Jimenez, Marina. "Gay Jordanian Now ‘Gloriously Free’ in Canada." Gay Middle East. 20 mai 2004.

[7]Meehan, Sumayyah. "Homosexuality in the Middle East : The Muslim Observer." Muslimmedianetwork.com. 8 novembre 2007.

[8] "Islam and Homosexuality." Mission Islam.  Février  2011.

[9] Ibid

[10] ILGA the International LGBTI Assoc. "Lesbian and Gay Rights in the World." IGLA. Mai 2010.

[11] Ibid

[12] Ottosson, Daniel. "State Sponsored Homophobia." ILGA. 2010.; Schmitt, Arno, and Jehoeda Sofer. Sexuality and Eroticism among Males in Moslem Societies. Binghamton, NY: Harrington Park, 1992. Print.; Asylum Documentation Program. "Status of Sexual Minorties." International Gay and Lesbian Human Rights Commision. 2000.; "Iraq | Human Rights Watch Report." Human Rights Watch. Janvier 2009.; "Jordan." IGLHRC: International Gay and Lesbian Human Rights Commission. 2010.

[13] Zoepf, Katherine. "What Happened to Gay Beirut?" The New York Observer. 16 août 2007.            

[14] Ottosson, Daniel. "State Sponsored Homophobia." ILGA. 2010.

[15] "Profiles: Israel's LGBT Pioneers." Gay Rights in Israel. 5 mai 2008.

[16] United Nations. "Universal Declaration of Human Rights." Un.org. 10 déc.1948.; Council of Europe. "European Convention on Human Rights and Its Five Protocols." HR-Net Home Page. 1950-1966.; OHCHR. "Fact Sheet No.2 (Rev.1), The International Bill of Human Rights." United Nations Human Rights. 10 décembre 1948.

[17] Nations. "Universal Declaration of Human Rights." Un.org. 10 décembre 1948.

[18] "Sexual Orientation and Human Rights." Human Rights Education Associates. 2011.

[19] Whitaker, Brian. Unspeakable Love: Gay and Lesbian Life in the Middle East. Berkeley: University of California, 2006.

[20] “Leave or be killed,” The Sydney Morning Herald, 6 juillet  2010.

[21] "Beirut’s Underground Gay Community Congregates Discreetly." Worldfocus. 30 avril  2009.; Whitaker, Brian. "Pride and Prejudice: The Targeting of Gay Men in Iraq." Near East Quarterly. 2011.; Muir, Jim. "Iraqi Gay Men Face 'lives of Hell'" BBC News. 18 avril  2009.

[22] "GME - Gay Middle East." Gay Middle East. 2011.; "Amnesty International; Canada." Amnesty International. 2011.

Cliquez sur le(s) tag(s) rouge ci-dessous pour voir les articles reliés de CJPMO