Fiche-info 107, publiée en décembre 2010 : en juin 2010, suite à une forte pression internationale, Israël a annoncé l’assouplissement du blocus illégal exercé sur la bande de Gaza; mais ce changement est imperceptible pour les Gazaouis. Aujourd’hui encore, les observateurs internationaux constatent qu’Israël interdit l’entrée de nombreux produits à Gaza tels que les matières premières, les matériaux de construction ou encore les équipements et machines industriels. Israël entrave également la liberté de mouvement des personnes et bloque les exportations, perpétuant ainsi la crise humanitaire.
Israël a-t-il relâché son blocus illégal de Gaza?
En juin 2010, d’intenses pressions internationales ont obligé Israël à annoncer des mesures d’assouplissement de son blocus illégal de la bande de Gaza. Malheureusement, peu de choses ont changé pour les Gazaouis depuis.
Israël a-t-il vraiment assoupli le blocus de Gaza depuis juin 2010?
Oui et non. Israël a allégé les restrictions sur les épices, les vêtements, les produits cosmétiques, les réfrigérateurs et d’autres biens de consommation, ce qui a eu pour effet d’accroître le flux de ces articles aux points de passage contrôlés par Israël et de le réduire dans les tunnels sous la frontière égyptienne. Par ailleurs, des matériaux de construction destinés aux projets autorisés par Israël commencent à entrer à Gaza. Cependant, comme le signale une étude conjointe publiée le 30 novembre 2010 par 21 organisations internationales clés[1], Israël maintien les principaux éléments du blocus illégal en vigueur depuis 2007 : si les biens de consommation sont plus accessibles qu’avant, Israël interdit toujours à Gaza les échanges commerciaux nécessaires à un authentique rétablissement économique et social. Ces restrictions (décrites ci-après) perpétuent la crise à Gaza, comme l’indiquent les chiffres suivants[2] :
- 39 % de chômage;
- 65 % d’entreprises industrielles fermées, le reste ne fonctionnant que partiellement
- 60 % de la population n’a l’eau courante que tous les quatre ou cinq jours pendant six à huit heures;
- de 50 à 80 millions de litres d’eaux usées non traitées ou partiellement traitées sont déversés dans la mer tous les jours, ce qui contamine les zones de pêche où de nombreux Gazaouis s’approvisionnent et gagnent leur vie;
- environ 90 % de l’eau fournie aux résidents de Gaza est non potable et contaminée par le sel et les nitrates;
- les coupures de courant quotidiennes durent de quatre à six heures et souvent davantage;
- 78 % des maisons ayant subi des dommages importants pendant l’assaut israélien de 2009 n’ont pas été reconstruites.
Quelles restrictions à l’entrée des marchandises demeurent et quel est leur impact?
Matériaux de construction :
- Pour les maisons : certains organismes des Nations Unies estiment qu’il faudrait 670 000 camions de matériaux de construction pour construire les 86 000 nouvelles unités d’habitation nécessaires pour répondre à la croissance de la population et remplacer ou réparer les maisons détruites ou gravement endommagées par les opérations militaires israéliennes. Toutefois, à la fin de novembre 2010, on ne dénombrait que 715 camions de matériaux de construction par mois pour tous ces usages (11 % du nombre d’avant le blocus)[3]. Il est toujours interdit au secteur privé d’importer des matériaux de construction. Résultat : seulement 22 % des maisons gravement endommagées au cours de l’opération Plomb durci ont été réparées, au moyen de gravats recyclés et de ciment passé en contrebande par les tunnels. Le coût exorbitant des matériaux de contrebande est hors de la portée du Palestinien moyen.
-
Pour les projets internationaux : Israël s’est engagé en juin 2010 à augmenter et accélérer l’entrée des matériaux de construction destinés aux projets internationaux. Cependant, en date du 25 novembre 2010, Israël n’avait approuvé en principe que 7 % (25 projets) des plans de construction de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) à Gaza, et seule une fraction des camions de matériaux nécessaires à la réalisation de ces projets avaient été autorisés à entrer[4]. À cause de cela, le traitement des eaux usées et l’approvisionnement en eau et en électricité, entre autres services publics, sont inadéquats (voir les chiffres donnés dans la section précédente).
- Pour les écoles : plus de 90 % des écoles de l’UNRWA ont un double horaire et utilisent parfois des conteneurs et d’autres endroits inappropriés en guise de salles de classe. La moitié de la population de Gaza se compose d’enfants. Jusqu’à présent, Israël n’a approuvé en principe que la construction de six écoles sur les 100 dont l’UNRWA a besoin. Il a donc fallu refuser 40 000 enfants admissibles à l’automne 2010[5].
Machinerie industrielle et matières premières :
Une étude des entreprises de Gaza effectuée par l’UNRWA de juillet à septembre 2010 indique que seulement 18 % d’entre elles recevaient toutes les matières premières requises, que 44 % en recevaient une partie et que 38 % n’en recevaient pas du tout, ce qui, compte tenu de l’interdiction d’exporter, avait obligé 65 % des entreprises industrielles à fermer leur portes et forçait le reste à fonctionner en-dessous de leur capacité, en conséquence de quoi ce secteur n’emploie plus que 6 000 personnes, contre 35 000 avant le blocus[6].
Autres marchandises[7] :
Depuis l’allègement du blocus, l’importation de certaines marchandises à Gaza est en hausse. Cependant, les marchandises admises ne totalisent que 35 % de la quantité enregistrée avant le blocus et il s’agit surtout de biens de consommation (p. ex. de la nourriture). La liste publiée des articles interdits contient beaucoup plus d’articles que ceux que la communauté internationale considère comme étant à « double usage ». Du matériel indispensable au traitement des eaux se voit refuser l’entrée bien qu’il ne soit pas sur la liste. De nombreux appareils médicaux essentiels, comme les appareils à rayonnement pour le traitement du cancer, les appareils d’endoscopie et de laparoscopie pour la chirurgie, les microscopes et d’autres instruments optiques, sont toujours bloqués. En outre, le carburant destiné à la centrale électrique est toujours restreint à 68 % de la capacité.
Israël a-t-il augmenté la circulation aux points de passage comme promis en juin 2010?
Israël a accepté d’augmenter la circulation aux points de passage et d’en ouvrir d’autres. Il a accepté d’accroître l’utilisation du tapis roulant au point de passage de Karni, qui sert à transporter des matériaux de construction, du blé et des aliments pour animaux, en portant à 360 par semaine le nombre total de camions. Toutefois, le tapis roulant ne transporte que 160 camions par semaine au maximum. Qui plus est, en raison des pannes fréquentes, le nombre moyen de camions plafonne à 137 par semaine, soit 38 % de ce qui était promis, et moins que les 158 camions admis avant l’« allègement ». Le nombre de camions admis au point de passage de Karem Shalom a plus que doublé, mais les points de passage de Sufa et de Nahal Oz sont toujours fermés[8].
Israël a-t-il relâché les entraves à la liberté de mouvement?
Non. Le nombre de permis de sortie approuvés par Israël s’établit à moins de 1 % de ce qu’il était en 2000[9].
- Le nombre de permis de sortie pour traitement médical en Israël n’a pas augmenté de façon significative, ce qui a notamment pour conséquence de retarder les soins, même pour les enfants, et cause souvent des décès[10].
- Le taux d’approbation des permis d’entrée et de sortie du personnel d’aide des agences de l’ONU a connu une baisse : en septembre et octobre 2010, seulement 47 et 45 %, respectivement, des demandes présentées par ces organismes ont été aprouvées; ce taux s’établissait à 76 % en moyenne pendant le 1er semestre de 2010[11].
- Les entraves à la liberté de mouvement des militants des droits de la personne ont augmenté. Ces personnes se voient refuser l’accès au point de passage d’Erez. Les militants qui se trouvent déjà à Gaza ne peuvent pas sortir par ce point de passage, ce qui les empêche de rejoindre leurs collègues en Israël et en Cisjordanie[12]. Ces pratiques sentent la censure et le blocage de l’accès à l’information.
- Israël interdit aux Gazaouis (dont les étudiants) de se rendre en Cisjordanie depuis 2000. Seuls les étudiants bénéfiants de bourse d’études dans certais pays « amis » ont le droit de sortir. Ceux qui n’ont pas de bourse ou qui sont inscrits dans d’autres pays n’obtiennent pas de permis de sortie[13].
Israël a-t-il assoupli les restrictions aux exportations depuis Gaza?
Non. En raison de la relative petitesse de son marché interne, Gaza dépend de l’exportation. En vertu de l’accord sur le mouvement et l’accès de 2005, Israël doit laisser passer tous les jours 400 camions de marchandises destinées à l’exportation. Depuis l’instauration du blocus, cependant, seuls 224 camions au total ont été autorisés à sortir (cargaisons occasionnelles de fraises et d’œillets). Depuis l’allègement, aucun camion transportant des marchandises destinées à l’exportation n’a quitté Gaza, hormis dans le cadre d’activités humanitaires d’exportion de fraises à petite échelle, ce qui a entraîné la fermeture d’entreprises et la perte d’emplois[14].
[1] Dashed Hopes: Continuation of the Gaza Blockade, Amnesty International UK et coll., p. 3.
[2] Ibid., p. 6.
[3] Ibid., p. 7.
[4] UNRWA, cité dans Dashed Hopes, p. 5 et 7. L’avancement des projets « approuvés en principe » a également été freiné par les exigences draconiennes d’Israël en matière d’approbation, de supervision et de vérification (notamment plusieurs photographies) de l’utilisation de chaque camion de matériaux.
[5] UNRWA, cité dans Dashed Hopes, p. 7; Nations Unies - Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH), territoire palestinien occupé, The Humanitarian Monitor, septembre 2010.
[6] Dashed Hopes, p. 6.
[7] Dashed Hopes, p. 4, 5, 6, 8.
[8] Ibid., p. 7.
[9] Ibid., p. 8.
[10] « Delayed exit of a toddler from Gaza results in death », Physicians for Human Rights—Israel, 20 octobre 2010.
[11] The Humanitarian Monitor, Nations Unies - Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH), territoire palestinien occupé, septembre et octobre 2010.
[12] Dashed Hopes, p. 8
[13] Dashed Hopes. p. 8
[14] Dashed Hopes. p. 4 à 6.
Cliquez sur le(s) tag(s) rouge ci-dessous pour voir les articles reliés de CJPMO