Fiche-info 106, publiée en novembre 2010 : le Canada s’est progressivement isolé suite à d’innombrables votes partisans lors de consultations internationales. Ce faisant, Ottawa est loin d’appartenir à une « majorité éthique » lorsqu’il s’agit de prendre part à ces votes cruciaux. Cette fiche donne le détail des prises de position du Canada lors de ces réunions internationales tout en rappelant le caractère pro‑israélien de la politique canadienne au Moyen‑Orient.

Les réactions internationales sur le changement de politique étrangère du Canada

Série Fiche-info N.106, créée: November 2010, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 

1-Bibi-Harper-Hall-of-Honour-a-e1331067956127.pngLe Canada appartient-il à une « majorité morale » dans les forums internationaux?

Non. Au contraire, le Canada s’est de plus en plus isolé du côté de la minorité par d’innombrables votes partiaux. Voici quelques exemples parmi des douzaines qui se produisent tous les ans dans les forums internationaux :

  • Mars 2006.  Conseil économique et social, Commission de la condition de la Femme, résolution (E/CN.6/2006/L.4) sur la situation et l’assistance aux femmes palestiniennes. Seuls le Canada et les États-Unis s’y opposent; 41 pays (dont la Belgique, l’Allemagne, l’Islande, le Japon, les Pays Bas, la Russie, le Royaume Uni) la soutiennent.
  • Septembre 2006. Le Canada a posé son véto sur la résolution soutenue par tous les 55 autres membres au Sommet de la Francophonie qui condamne l’assaut d’Israël contre le Liban un mois auparavant. [1]
  • Janvier 2009. Résolution du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies condamnant l’assaut violent de 22 jours d’Israël contre Gaza. Le Canada est le seul à se prononcer contre; 45 membres votent pour et un s’abstient. [2]
  • Décembre 2009. Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies (64/94, 2009) relative aux pratiques d’Israël affectant les droits de l’homme du peuple palestinien dans les territoires occupés, incluant Jérusalem-Est. Le Canada et 8 autres États votent contre; 162 votent pour. Ceux qui se sont joints au Canada sont les Îles Marshall, les États fédérés de Micronésie, Nauru, Palau, Panama, Israël, les États-Unis et l’Australie.
  • Décembre 2009. Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies (64/195, 2009) demandant à Israël de fournir une compensation au Liban pour la marée noire causée par le bombardement israélien de réservoirs de pétrole en 2006. Le Canada est parmi les 8 États qui s’y opposent; 164 votent pour.
  • Décembre 2009. Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies (64/150, 2009) appelant au droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Le Canada s’abstient; seulement 6 pays s’opposent; 176 la soutiennent.
  • Février 2010. Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies (64/10, 2010) appelant Israël et le Hamas à investiguer les crimes de guerre allégués dans le rapport Goldstone. Le Canada et 6 autres États s’y opposent (Israël, Micronésie, Nauru, Panama, Macédoine et les États-Unis); 98 votent pour.

 

Quels sont les exemples de la politique pro-israélienne du Canada au Moyen-Orient?

Voici quelques exemples montrant différentes manières par lesquelles le Canada a été manifestement déséquilibré dans son approche vis-à-vis d’Israël et le Moyen-Orient ces dernières années.

  • Juillet-août 2006. Pendant toute la durée de la guerre d’Israël contre le Liban, le Canada a refusé d’appeler au cessez-le-feu, malgré le vote d’urgence du Comité des affaires étrangères lui demandant de le faire.
  • Janvier 2008. « En refusant de condamner la construction [de colonies illégales à Jérusalem-Est] à Harhoma, M. Bernier semble avoir rendu la politique étrangère du Canada la plus pro-israélienne dans le monde. La semaine dernière, même les États-Unis, habituellement l’allié le plus loyal d’Israël, ont critiqué les nouvelles constructions ici. » [3]
  • Février 2008. Le Canada refuse de tenir Israël responsable pour la mort d’un casque bleu canadien malgré les conclusions d’une enquête menée par les Forces canadiennes en ce sens.[4]
  • Juillet 2009. Le Canada refuse de protester contre la nouvelle politique discriminatoire d’Israël sur l’émission de visa aux Canadiens d’origine moyen-orientale et aux juifs canadiens faisant du travail humanitaire en Cisjordanie. Les États-Unis et d’autres États ont vigoureusement protesté contre un traitement similaire de leurs nationaux.[5] [6]
  • Janvier 2009. Le Canada refuse de faire pression pour un cessez-le feu pendant la guerre d’Israël contre Gaza.
  • Septembre 2009. Le Canada tente de bloquer un vote à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour une résolution demandant une inspection des installations nucléaires israéliennes.

 

Quels sont les exemples de réactions internationales à la politique pro-israélienne du Canada ?

Les actions sur la scène internationale – que ce soit des déclarations, des votes, des résolutions, des engagements, etc. – sont observées de près. Voici quelques réactions internationales au changement dans la position internationale du Canada.

  • « Il est difficile de trouver un pays plus amical envers Israël que le Canada ces jours-ci. Des membres aussi bien de la coalition que de l’opposition sont des amis loyaux […]. Le Canada est si amical qu’il n’a pas été nécessaire de convaincre ou d’expliquer quoi que ce soit à personne. » - Le ministre des Affaires étrangères d’Israël, Avigdor Lieberman, suite à une rencontre avec des dirigeants libéraux et conservateurs en juillet 2009.[7]
  • « Lorsque le Canada dit que la position de la grande majorité des nations n’aide pas, et bien, il dit qu’il n’accepte pas la volonté de la majorité, et qu’il n’accepte pas le rôle des Nations Unies pour faire respecter le droit international. » - Riyad Mansour, observateur palestinien aux Nations Unies. [8]
  • « Du côté des Émirats, il y a un sentiment qu’il est en bons termes avec les pays occidentaux dans le cadre d’accords judiciaires signés avec eux. Mais lorsqu’il demande quelque chose aux États occidentaux dans le cadre de ces accords, leur relation avec Israël est prioritaire. » - Ibrahim Khayat, expert en affaires stratégiques basé aux EAU suite à un incident où le Canada a arrêté un suspect dans un assassinat orchestré par Israël aux EAU. [9]
  • « Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour la [francophonie]. C’est dommage que le sommet de Bucarest ne ce soit pas terminé sur note plus constructive. » - Ministre de la culture du Liban, Tarek Mitri, suite au véto du Canada lors du vote sur une résolution de la Francophonie condamnant l’attaque d’Israël contre le Liban en 2006. [10]
  • « La paix et les armes nucléaires sont des ennemis – il n’y a pas de cohabitation possible. » - Ramzy Ramzy, chef de la délégation égyptienne à une réunion de l’AIEA en 2006, suite à une motion de « non-action » par le Canada pour bloquer une résolution déclarant la capacité nucléaire d’Israël une menace régionale et appelant Israël à adhérer au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Comment le Canada justifie-t-il officiellement sa position isolée?

Au cours des dernières années, le Canada a choisi de s’éloigner d’une politique étrangère de principes au profit de prises de position fondées sur la rhétorique. Alors que la rhétorique peut parfois être convaincante, il s’agit souvent d’un mécanisme utilisé pour justifier l’inaction ou pour justifier un parti pris. Quelques exemples :

  • « Le représentant du Canada a réitéré sa préoccupation du fait de l’accent disproportionné mis sur une situation et sur une partie dans ladite situation. L’accent, dit-il, devrait plutôt être mis sur la création d’un environnement propice à une solution à deux États. »[11]
  • « Selon le Canada, toute action au sein de l’Assemblée générale sur la question de la barrière [c’est-à-dire le mur érigé par Israël] devrait contribuer à l’avancement d’une résolution juste, durable et négociée du conflit israélo-palestinien. » (A/ES-10/PV.31, Déc. 15, 2006)
  • « M. MEYER (Canada), expliquant le vote […] a affirmé que l’Assemblée générale, et non pas le Conseil des droits de l’homme, est le forum approprié pour aborder la question des colonies israéliennes. »[12]
  • « Le représentant du Canada a dit qu’il a systématiquement soutenu l’octroi d’une plus grande attention internationale à la situation des femmes dans les conflits armés, y compris les femmes palestiniennes. […] Toutefois, il avait voté contre la résolution […] car il avait systématiquement fait appel pour plus d’équilibre dans les résolutions relatives à la question israélo-palestinienne. »[13]

Aussi longtemps que sa politique sera fondée sur des prétextes subjectifs (tels que « l’équilibre », « l’utilité », « l’emphase », etc.) et non sur des principes (notamment le droit international), le Canada continuera à être marginalisé sur la scène internationale.



[1] “Harper blocks Lebanon resolution,” Canwest News Service, 29 septembre, 2006

[2]Session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme adopte une resolution sur les graves violations des droits de l’homme dans la bande de Gaza,” Conseil des droits de l’homme, 12 janvier 2009

[3] MacKinnon, Mark, “Bernier’s silence raises questions,” The Globe and Mail, 14 janvier 2008

[4] “Commission d’enquête, Procès-verbal,” Commandement de la force expéditionnaire du Canada / Forces canadiennes, 13 septembre 2006, date de publication: 1er février 2008, p. 20

[5]Why is Israel Limiting Movement of Palestinian-Canadian Businessman?” 19 août 2009. Hass, Haaretz.com

[6]Israel Bars Some Foreign Academics Who Teach in the West Bank” 13 septembre 2009. Kalman, The Chronicle of Higher Education.

[7] “Did Canada's support for Israel cost it a seat on UN Security Council?,” Haaretz, 17 octobre 2010

[8] “Canada issues blunt message to UN over Mideast peace,” Canwest News Service, 1er décembre 2006

[9] Keyrouz, Wissam, “UAE-Canada relations hit recent rocky patches,” Middle East Online, 20 octobre 2010

[10] “Harper blocks Lebanon resolution,” Canwest News Service, 29 septembre 2006

[11] “Concluant son travail de session, la quatrième commission adopte 11 projets…,” Assemblée générale, DI, 19 novembre 2009 

[12] “Deuxième session, Résumé des debars de la 32e reunion” Conseil des droits de l’homme, 27 novembre 2009 

[13] “UN Women’s Commission adopts texts addressing HIV/AIDS, Women Hostages, Situation of Palestinian Women, as it suspends Fiftieth Session,” Economic and Social Council, Commission on the Status of Women, DPI, 10 mars 2006  

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