Fiche-info 95, publiée en août 2010: Cette fiche-info présente les caractéristiques politiques de l’Arabie Saoudite en traitant de sujet comme : le type de gouvernement (une monarchie), les formes de manifestation du fondamentalisme islamique dans le pays et le rôle joué par l’Arabie Saoudite dans le conflit israélo-palestinien ainsi que son attitude à l’égard de l’Iraq et de l’Iran et ses relations avec les États-Unis.
Les fondements politiques de l’Arabie saoudite
Sous quel régime politique l’Arabie saoudite est-elle gouvernée?
L’Arabie saoudite est une monarchie. L’État saoudien moderne, fondé en 1932 par Abd Al-Aziz bin Abd al-Rahman Al Saud, est gouverné aujourd’hui par le fils de celui-ci, Abdallah bin Abd al-Aziz. Le roi Abdallah a entrepris des réformes politiques prudentes et a tenu des élections à l’échelle du pays de février à avril 2005 pour la moitié des membres des 179 conseils municipaux. Il a nommé les autres membres, désignant des forces plus modérées au Cabinet et à la magistrature. L’Arabie saoudite a réalisé certains progrès sur le plan de la réforme politique. Ainsi, en février 2009, la première femme a été nommée au Cabinet, mais il reste encore beaucoup à faire au chapitre des réformes politiques et sociales.
Comment le fondamentalisme islamique se manifeste-t-il en Arabie saoudite?
L’Arabie saoudite est le berceau de l’Islam et le foyer de ses deux grands lieux saints : La Mecque et Médine. La présence continue de troupes américaines en Arabie saoudite – terre de La Mecque et de Médine – après la guerre du Golfe a suscité la colère de la population saoudienne et est considérée comme une provocation grave par les extrémistes musulmans, notamment par Oussama Ben Laden, le dirigeant d’al-Qaida[1]. Deux attaques terroristes menées en 1995 et 1996 contre les forces militaires américaines postées en Arabie saoudite ont fait 24 morts et des centaines de blessés.
L’Arabie saoudite est le foyer du wahhabisme, un mouvement très conservateur piétiste d’interprétation littérale de l’Islam dont les origines remontent à Mohammed ibn Abdel Wahhab au XVIIIe siècle. L’État saoudien s’efforce de maintenir un équilibre entre la nécessité de satisfaire l’extrême droite conservatrice de la société et la volonté de conserver le pouvoir politique sans céder aux pressions de l’establishment religieux. L’État maintient cet équilibre en reconnaissant au clergé un pouvoir sur les questions d’ordre moral et en conservant le pouvoir sur les questions d’ordre politique[2].
Le régime saoudien a publiquement soutenu certaines causes jihadistes par le passé, notamment l’envoi d’armes et de combattants en Afghanistan durant les années 1980, mais il a lutté activement contre l’idéologie jihadiste d’al-Qaida. La menace posée par al-Qaida pour le royaume saoudien s’est manifestée très clairement en 2003 lorsque ce groupe a lancé des attaques à la bombe meurtrières en Arabie saoudite.
Quel rôle l’Arabie saoudite a-t-elle joué dans le conflit israélo-palestinien?
L’Arabie saoudite a toujours appuyé le droit à un État palestinien et a systématiquement réclamé le retrait israélien des territoires palestiniens occupés par Israël en 1967. L’Arabie saoudite n’a pas joué de rôle militaire important dans les guerres arabo-israéliennes : des troupes peu nombreuses ont pris part à la guerre de 1948, et l’Arabie saoudite n’a participé à aucune des guerres subséquentes (1967, 1973, etc.). Toutefois, depuis la guerre de 1967, l’Arabie saoudite verse des fonds annuels à l’Égypte, à la Jordanie et à la Syrie pour soutenir ces économies affaiblies par l’effort de guerre[3]. Lors de la guerre arabo-israélienne de 1973, l’Arabie saoudite a participé à l’embargo pétrolier influent contre les États-Unis en réaction à l’appui américain accordé à Israël. L’Arabie saoudite, à l’instar de la plupart des pays arabes, a condamné la signature par l’Égypte d’un traité de paix avec Israël en 1978.
En 2002, la Ligue arabe a adopté l’initiative arabe de paix proposée par l’Arabie saoudite, laquelle prévoit la reconnaissance pleine et entière d’Israël et la normalisation des relations à condition qu’Israël se retire jusqu’à ses frontières de 1967, trouve une solution juste à la crise des réfugiés palestiniens et accepte l’établissement d’un État palestinien souverain[4]. Cette proposition a été réaffirmée par la Ligue arabe en 2007, mais ni Israël ni les États-Unis n’en ont fait grand cas[5].
L’Arabie saoudite a également tenté de rétablir des ponts entre le Hamas et le Fatah. En 2007, l’État saoudien a accueilli des représentants des deux factions à La Mecque, et les négociations ont mené à l’accord de La Mecque prévoyant la formation, par le Fatah et le Hamas, d’un gouvernement d’unité nationale[6]. Malgré l’échec rapide de l’accord, l’Arabie saoudite a maintenu son appui à la formation d’un gouvernement d’unité nationale.
Quelle est la position de l’Arabie saoudite à l’égard de l'Irak et de l’Iran?
L’Arabie saoudite n’est séparée de l’Iran que par le golfe Persique, et ces deux pays cherchent à s’imposer comme des puissances régionales. Les tensions entre sunnisme et chiisme séparent aussi ces États : l’Arabie saoudite est un pays musulman sunnite, tandis que l’Iran est à prédominance chiite. L’influence iranienne dans le golfe Persique, tout particulièrement en Irak, préoccupe l’Arabie saoudite. Les préoccupations actuelles de l’Arabie saoudite relativement à l’Irak sont de deux ordres. Premièrement, l’instabilité créée par l’invasion américaine de l’Irak est telle que plusieurs acteurs régionaux se demandent ce qui arrivera après le départ des forces américaines. Deuxièmement, l’Irak compte une majorité chiite qui n’a obtenu le pouvoir que depuis peu, lors des élections menées sous l’occupation américaine. L’Arabie saoudite s’inquiète donc de l’influence que l’Iran chiite pourrait exercer sur les nouveaux acteurs politiques chiites en Irak. Les tensions actuelles ne sont pas nouvelles : au cours de la guerre irano-irakienne (1980-1988), l’Arabie saoudite a offert son appui financier à l’Irak[7]. À l’époque, l’Irak était dirigé par sa minorité sunnite, et l’Arabie saoudite s’inquiétait de l’influence que l’Iran pourrait avoir sur les chiites irakiens advenant une défaite de l’Irak. L’Arabie saoudite considérait l’Iran révolutionnaire comme une menace pour la défense de ses intérêts dans la région. Le roi Fahd d’Arabie saoudite a joué un rôle de premier plan dans la conclusion du cessez-le-feu de 1988.
L’Arabie saoudite s’est opposée à l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, les ambitions irakiennes dans la région étant perçues comme une menace sérieuse à sa sécurité. L’État saoudien a demandé l’aide des États-Unis, qui ont envoyé des troupes en Arabie saoudite. Des forces occidentales et arabes ont été déployées en Arabie saoudite durant la première guerre du Golfe, et les troupes saoudiennes ont pris part aux combats. L’hostilité entre l’Arabie saoudite et l’Irak s’est intensifiée à tel point que l’Irak a lancé des missiles sur les cibles de la coalition en territoire saoudien. Malgré la montée des tensions, l’Arabie saoudite s’est opposée à l’invasion américaine de l’Irak en 2003, craignant que celle-ci ne mène à des violences confessionnelles et à une instabilité régionale.
En 2007, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, franchissant une étape résolument positive, a fait une visite en Arabie saoudite pour participer à des discussions sur des enjeux régionaux[8]. L’Arabie saoudite a exprimé des inquiétudes quant à la possibilité que l’Iran se dote d’un arsenal nucléaire, mais ne soutient pas une éventuelle intervention militaire contre l’Iran[9].
Quelles relations l’Arabie saoudite entretient-elle avec les États-Unis?
Depuis 1950, les États-Unis considèrent l’Arabie saoudite comme un allié dans la région. Malgré les différends touchant le conflit arabo-israélien, les administrations américaines à l’époque de la Guerre froide voyaient l’Arabie saoudite comme un rempart contre les régimes nationalistes et socialistes et contre la montée du communisme[10]. La révolution iranienne (1979) et l’invasion soviétique de l’Afghanistan (1979) ont constitué la toile de fond d’une décennie de collaboration en matière de politique étrangère. Au cours de la première guerre du Golfe (1990), l’Arabie saoudite a accepté le déploiement de troupes et de matériel militaire sur son territoire.
À la fin de la Guerre froide, l’Arabie saoudite et les États-Unis ont continué d’entretenir des relations étroites en raison de leur intérêt commun en faveur du maintien du statu quo dans le golfe Persique et de la distribution du pétrole saoudien sur les marchés internationaux.
Ce sont les attaques terroristes du 11 septembre, auxquelles ont directement participé 15 ressortissants saoudiens, qui ont posé la menace la plus sérieuse aux relations entre les deux États. Des milliers de militaires américains ont quitté l’Arabie saoudite en 2003, notamment pour apaiser les islamistes opposés à cette présence militaire étrangère en territoire saoudien[11]. Malgré les craintes persistantes quant au financement de source saoudienne du terrorisme, les relations entre l’Arabie saoudite et les États-Unis sont restées solides et les deux pays ont conclu des ententes visant à consolider les relations bilatérales dans divers secteurs clés, tels que la coopération nucléaire, l’affermissement des dispositifs de sécurité et la réciprocité des politiques en matière de visa[12].
Les États-Unis fournissent des armes à l’Arabie saoudite depuis longtemps. Entre 1950 et 2006, l’Arabie saoudite a acheté et reçu des États-Unis des armes, du matériel militaire et des services connexes d’une valeur supérieure à 62,7 milliards de dollars[13].
[1] Blanchard, Christopher M. « Saudi Arabia: Background and U.S. Relations », Congressional Research Service. 14 juin 2010.
[2] « Orthodoxy and Radicalism in Saudi Arabia », Center for Strategic and International Studies. 3 mars 2008.
[3] U.S. Department of State. « Background Note: Saudi Arabia », Bureau of Near Eastern Affairs. 5 avril 2010.
[4] « Text: Arab Peace Plan Background and U.S. Relations », Congressional Research Service. 14 juin 2010.
[4] « Orthodoxy and Radicalism in Saudi Arabia », Center 2002, BBC News, 22 mars 2005.
[5] Pour plus de renseignements sur le plan de paix saoudien, voir la fiche-info no 27 de CJPMO.
[6] « Muted response to Mecca agreement », BBC News, 9 février 2007.
[7] U.S. Department of State. « Background Note: Saudi Arabia », Bureau of Near Eastern Affairs. 5 avril 2010.
[8] « Ahmadinejad arrives in Saudi Arabia », Al Jazeera. 4 mars 2007.
[9] « Saudi Arabia: We will not give Israel air corridor for Iran strike », Haaretz. 12 juin 2010.
[10] Blanchard, Christopher M. « Saudi Arabia: Background and U.S. Relations », Congressional Research Service. 14 juin 2010.
[11] Hedges, Stephen J. « Military to leave Saudi Arabia », Chicago Tribune. 30 avril 2003.
[12] Blanchard, Christopher M. « Saudi Arabia: Background and U.S. Relations », Congressional Research Service. 14 juin 2010.
[13] Ibid.
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