Fiche-info 69, publiée en novembre 2009 : Durant la guerre d’Israël contre Gaza entre le 26 décembre 2008 et mi-janvier 2009, Israël a blessé et abattu plusieurs civils palestiniens qui agitaient le drapeau blanc et qui cherchaient à se déplacer vers un endroit plus sûr durant le conflit. Cette fiche info résume les découvertes d’HRW ainsi que les recommandations relatives à ces incidents.

Le rapport de Human Rights Watch au sujet des morts « sous drapeaux blancs » lors de l’assaut contre Gaza

Série Fiche-info N.69, créée: November 2009, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 

69.pngLe 27 décembre 2008, Israël lançait l’opération « Plomb durci », une offensive militaire de 22 jours contre la bande de Gaza. Plus de 1400 civils, dont plusieurs femmes et enfants, furent tués pendant l'assaut, l’infrastructure civile détruite, les services publics réduits à néant.[1] Un certain nombre d'organisations des droits de l'homme ont soulevé de graves questions concernant la conduite de l'armée israélienne au cours de cette période.[2] Un rapport de Human Rights Watch (HRW), intitulé White Flag Deaths; Killings of Palestinian Civilians during Operation Cast Lead, fait la lumière sur sept incidents dans lesquels des soldats israéliens ont ouvert le feu sur des civils qui agitaient des drapeaux blancs, entraînant la mort de onze personnes. Le rapport apporte des preuves solides à l’effet que les soldats israéliens auraient, dans le meilleur des cas, manqué à leur devoir de faire une distinction suffisante entre les civils et les combattants, et au pire, auraient délibérément pris des civils pour cible.[3]

 

Comment HRW a-t-il sélectionné les cas particuliers examinés dans son rapport?

Les cas examinés dans le rapport de Human Rights Watch se distinguent des autres parce que dans chacun d'entre eux, les victimes se trouvaient avec un groupe d’autres civils et avaient utilisé des drapeaux blancs pour exprimer leur statut de non-combattant. Des preuves sur les circonstances entourant ces incidents attestent également qu'aucun combat ne faisait rage sur les lieux au moment où les victimes furent abattues et aucun combattant palestinien n’était présent parmi les civils. Ces civils étaient également bien en vue et ne représentaient aucune menace de sécurité évidente. De plus, plusieurs témoins ont été en mesure de corroborer les détails entourant chacun de ces incidents. HRW a également utilisé des preuves balistiques et les dossiers médicaux pour appuyer chacun de ses comptes-rendus.

Dans l’un des cas décrits à l’intérieur du rapport datant du 4 janvier 2009, vers 11h30 du matin, des soldats israéliens ont tiré sur deux femmes à leur sortie de leur résidence de Beit Lahiya alors qu’elles brandissaient des drapeaux blancs. Une des femmes fut tuée sur le champ, apparemment par un tireur embusqué qui n’était qu’à environ 50 mètres d’elle.[4]

Un autre incident survint le 13 janvier, alors que Rawiya al-Najjar de Khuza’a menait un groupe d'environ 15 femmes vers le centre du village sous les ordres de soldats israéliens qui se tenaient non loin. Alors qu’elle marchait, tout en agitant un drapeau blanc, elle reçut une balle en pleine tête d’un tireur israélien embusqué. Cette histoire fut corroborée par des entrevues avec cinq témoins qui étaient présents lors des événements. L’emplacement probable tireur israélien fut également identifié: une maison toute proche qui était à ce moment occupée par des soldats israéliens et dont les murs étaient percés de trous pour permettre l'observation et les embuscades.[5] 

Dans un troisième incident près d’Atatra, une fillette de cinq ans, Nada al-Marrdi, fut tuée d’une balle en pleine tête alors qu'elle marchait avec son père, son frère et sa sœur, et alors que chacun d'entre eux était entrain d’agiter un drapeau blanc. Nada fut tuée en dépit des drapeaux blancs, en dépit du fait que les soldats israéliens locaux avaient dit qu'ils feraient part du déplacement de la famille aux autres soldats un peu plus loin et en dépit du fait que la famille s’était déplacée lentement, en ligne droite à travers les décombres, pendant des centaines de mètres.[6]

 

Quelles sont les conclusions du rapport White Flag Deaths de HRW?

Dans son rapport, HRW conclut que dans chacun des cas étudiés, il y avait des preuves substantielles à l’effet que les soldats israéliens aient délibérément attaqué des civils alors que ces derniers déployaient des drapeaux blancs.

 

Le droit international protège-t-il les civils qui brandissent des drapeaux blancs?

Selon le droit international, les parties engagées dans un conflit armé sont tenues de faire la distinction entre les combattants et les civils, et doivent prendre toutes les mesures possibles pour ne cibler que les combattants. Le droit international humanitaire associe le drapeau blanc à un signe de reddition; les civils sont toutefois à l'abri des attaques même lorsqu’ils ne déploient pas de drapeaux blancs. Cette protection contre les attaques ne se perd que si les individus participent directement aux hostilités. Il convient également de noter que si les combattants montrent des signes de capitulation, via l'affichage d'un drapeau blanc par exemple, eux aussi ne peuvent être attaqués. Les individus qui ordonnent à d’autres ou conduisent eux-mêmes des attaques délibérées contre des civils sont considérés comme violant les lois de la guerre et donc passibles de crimes de guerre.[7]

 

Comment Israël a-t-il répondu aux allégations de violations des lois de la guerre?

Bien que les lois de la guerre obligent les États à enquêter sur les allégations de crimes de guerre  provenant de rapports crédibles et que HRW ait fourni au gouvernement israélien les coordonnées GPS de même que tous les autres détails pertinents sur les sept cas étudiés dans une lettre du 24 février 2009, celui-ci n'a toujours pas produit les enquêtes sur ces rapports. En juillet dernier, l'ONG israélienne Breaking the Silence a publié un rapport présentant les témoignages de dizaines de soldats israéliens qui ont dénoncé des cas où des civils ont délibérément été pris pour cible lors de l'opération « Plomb durci ».[8] L'armée israélienne a fermement contesté les allégations de Breaking the Silence, mais a néanmoins annoncé le 29 juillet 2009 qu'il allait mener des enquêtes sur près de 100 plaintes, y compris certains des incidents documentés par le rapport White Flag Deaths de HRW. Malheureusement cependant, comme l’a soigneusement documenté HRW dans un rapport de 2005, Israël est systématiquement bien en deçà des normes internationales en ce qui a trait aux enquêtes sur les comportements criminels en vertu des lois de la guerre et de l'occupation.[9]

 

Quelles sont les recommandations du rapport White Flag Deaths de HRW?

Puisque le rapport de HRW a conclu que les attaques contre les civils avaient été délibérées, HRW a demandé à Israël de mener sans délai des enquêtes indépendantes sur la conduite de ses soldats dans les incidents en question. HRW a également recommandé qu’à la suite d'une telle enquête, Israël rende les résultats publics et poursuive les possibles coupables de violations des lois de la guerre. Enfin, HRW a également recommandé à Israël de fournir une compensation aux Palestiniens qui ont été touchés par les attaques illicites de même qu’à leurs familles.[10]

Quant à la communauté internationale, le rapport White Flag Deaths de HRW a recommandé ce qui suit: [11]

 

  • Utiliser tous les forums internationaux possibles incluant ceux des Nations unies pour s’assurer que Israël, le Hamas et les autres groupes armés palestiniens conduisent des enquêtes approfondies sur les accusations de violations des lois de la guerre durant l'attaque d’Israël contre Gaza et qu’ils poursuivent les responsables en justice.
  • Établir un mécanisme dans le cadre de l'ONU qui permettra de s'assurer que les procès pour crimes de guerre menés par Israël et le Hamas se conforment aux normes internationales (jugements en bonne et due forme).
  • Faire pression pour ouvrir des poursuites internationales si Israël et le Hamas ne sont pas disposés à mener leurs propres procès de manière crédible.

 

 

 

 

 



[1]    Voir la fiche-info de CJPMO, « La guerre d’Israël contre Gaza » (janvier 2009).

[2]    Voir B’Tselem, “Guidelines for Israel’s investigation into Operation Cast Lead”, et Amnistie Internationale, “Operation Cast Lead: 22 Days of Death and Destruction.”

[3]    Human Rights Watch, “White Flag Deaths: Killings of Palestinian Civilians during Operation Cast Lead,” août 2009.

[4]    Ibid., p. 59.

[5]    Ibid., p. 15-16.

[6]    Ibid., p. 26-28.

[7]    Ibid., p. 51-55.

[8]    Breaking the Silence, “Operation Cast Lead: Soldiers Testimony from Operation Cast Lead, Gaza 2009,” 15 juillet 2009.

[9]    Human Rights Watch, “Promoting Impunity: The Israeli Military’s Failure to Investigate Wrongdoing,”  21 juin 2005.

[10]  “White Flag Deaths: Killings of Palestinian Civilians during Operation Cast Lead,” p. 9.

[11]   Idem.

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