Fiche-info 27, publiée en mai 2007 : À la suite du Sommet de la Ligue arabe à Riyad à la fin mars 2007, les nations arabes ont réaffirmé et relancé leur plan de paix avec Israël. Sous la direction de l'Arabie Saoudite, la proposition (inchangée depuis la plan original de Beyrouth en 2002) dresse le « statut final » de tous les problèmes entre Israël et la Palestine. Cette proposition a obtenu le soutien de 21 des 22 membres de la Ligue arabe.
Le plan de paix saoudien
Quels sont les termes et les paramètres du plan de paix saoudien?
Le plan saoudien appelle Israël à se retirer de tous les territoires occupés depuis 1967, y compris la Cisjordanie, la bande de Gaza, Jérusalem-Est et le Golan syrien, et à accepter une solution juste à la situation des réfugiés palestiniens, basée sur la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le plan appelle aussi à l'établissement d'un État palestinien dans les limites des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Si Israël respecte ces paramètres, la Ligue arabe promet de « considérer le conflit Israélo-arabe comme étant terminé » et d’entamer des « relations normales » avec Israël dans le cadre d’une paix régionale où tous les États auraient droit à la sécurité. Le plan saoudien, qui présente une solution globale fondée sur des « relations normales » et la paix régionale, est à la fois unique et très important. Les relations normales pourraient s’enclencher dès qu’Israël aurait finalisé les accords de paix avec la Palestine, la Syrie et le Liban. Fondé sur le principe d’« échange de territoire contre la paix », le plan définit clairement les objectifs relatifs aux enjeux suivants : le statut des réfugiés, la division de Jérusalem, la sécurité et les frontières. Les représentants de la Ligue arabe ont présenté le plan comme un cadre pour l’ensemble des négociations, et non comme un point de départ sujet à des conditions préalables d’Israël pour l’ouverture des négociations.
En ce qui a trait aux négociations, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saud al-Faisal, a déclaré « nous accepterons ce que les Palestiniens accepteront ». En d'autres termes, le plan constitue un cadre de départ pour les négociations, mais la Ligue arabe respectera l’issue des négociations telle qu’acceptée par les parties concernées .
Quels sont les éléments stratégiques en cause dans le cadre du plan?
L’Arabie Saoudite, jouissant de relations de longue date tant avec les États-Unis qu’avec la Palestine, était dans une position idéale pour faire progresser le plan. Au cours de l'hiver et du printemps, les porte-parole saoudiens ont fortement fait valoir leur stratégie de paix auprès des États-Unis, et ont ainsi réussi à gagner d’avance une certaine ouverture vis-à-vis du cadre proposé lors de la rencontre de Riyad . Par la suite, le président palestinien Mahmoud Abbas a voté en faveur de l'accord, sans opposition de la part de son partenaire dans le gouvernement d’unité, le Hamas, néanmoins connu pour sa « la politique d'ambiguïté » vis-à-vis du plan Cependant, des questions encore plus importantes sont en jeu pour plusieurs des parties concernées. En effet, plusieurs États du Moyen-Orient cherchent à renforcer l’unité arabe face à l'émergence de l'Iran comme puissance régionale. L’aide des Saoudiens à la formation d’un gouvernement d'unité en Palestine, de même que le soutien de la Ligue arabe au plan saoudien constituent deux éléments importants de ce processus. Le pessimisme exprimé face à l’inaptitude des États-Unis à apporter une stabilité en Irak a aussi incité les pays arabes à tenter ardemment d’y instaurer la paix de même qu’en Israël-Palestine. Par ailleurs, la crainte que l’Iran tente de pallier la débâcle en Irak a incité l’Arabie Saoudite et d’autres États à chercher d’autres solutions pour instaurer une stabilité dans la région. À cet effet, les Saoudiens ont intensifié leurs efforts diplomatiques auprès de l’Iran au début de 2007, surtout dans le but de calmer les tensions au Liban.
Il importe également de souligner que les États-Unis et le gouvernement israélien, grandement affaiblis depuis un an par les critiques dénonçant les bavures militaires et les scandales locaux récents, pourraient se servir du processus de paix pour détourner l’attention de ces crises internes.
Comment Israël a-t-il réagi au plan de paix saoudien?
Le plan place Israël dans une situation difficile. Bien qu’il souhaite depuis longtemps normaliser ses relations avec les États arabes voisins, ses répercussions en ce qui concerne les réfugiés palestiniens et les frontières – généralement alignées sur le droit international – posent un obstacle majeur aux objectifs politiques internes du pays. Israël doit également éviter de rejeter ouvertement l'offre proposée pour ne pas ternir son image médiatique. Par conséquent, en dépit de ses intentions présumées, la réaction d’Israël a été à la fois engagée et évasive. Le premier ministre israélien Ehud Olmert et d’autres dirigeants israéliens ont affirmé que le plan comportait des « éléments intéressants », mais ont aussi conclu qu’il devait être modifié avant d’être accepté comme cadre des négociations . En guise de manœuvre vraisemblablement évasive, Olmert a aussi suggéré de tenir une rencontre avec les dirigeants arabes afin de « clarifier » certains points du Plan. Les dirigeants arabes ont cependant vu dans cette demande la volonté de normaliser les relations avant de finaliser un accord de paix avec les Palestiniens .
Certains croient que les principales difficultés que pose le plan pour les Israéliens sont : 1) la résolution de la question des réfugiés palestiniens et 2) l’enjeu des frontières. (Encore une fois, le plan saoudien est aligné sur le droit international relativement à ces deux questions. Voir les fiches info de CJPMO suivantes : « La situation des réfugiés palestiniens » et « Le ‘droit de retour’ des Palestiniens », qui résument les droits des réfugiés palestiniens, et « Résolution 242 – interprétation et explications », qui présente le statut juridique des frontières de 1967.) Olmert lui-même s’est présenté comme un « partisan de la ligne dure » et a rejeté toute responsabilité israélienne relativement à la situation des réfugiés palestiniens . Cependant, tant la Ligue arabe que les Palestiniens (à Camp David II et après) ont démontré une flexibilité considérable par rapport à la résolution de la situation des réfugiés. En ce qui concerne la question des frontières, Olmert a été élu en 2006 sur la base d’une plate-forme d' « unilatéralisme » – une approche selon laquelle le parti puissant dicte une solution au parti plus faible. Encore une fois, les Palestiniens ont fait preuve de flexibilité et d’ouverture concernant les échanges de terre proposés dans le cadre de négociations de paix antérieures. Finalement, les Israéliens semblent être plus à l’aise avec le statu quo, qui leur assure une position de force dans les négociations. Leur réaction aux propositions de pourparlers demeure invariablement la suivante : pour l’heure, ils ne négocieront qu’avec la Palestine, dans le cadre de négociations bilatérales.
Comment les joueurs internationaux ont-ils réagi?
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui a dirigé le sommet de Riyad, a vivement appuyé le plan saoudien, qu’il a décrit comme un « pilier » dans la quête de la paix de Moyen-Orient .
Les États-Unis ont quant à eux réagi de manière mitigée. En avril, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Sean McCormack, a formulé la déclaration suivante : « Le secrétariat d'État […] a favorablement accueilli la réaffirmation de la Ligue arabe pour le [plan] […]. Nous voyons cette proposition d’un œil très positif . » Il a ajouté que les États-Unis ne ressentaient pas le besoin de modifier les termes du plan : « Nous n’allons pas le modifier et n’avons pas demandé de le faire […] ». En mars dernier, il semble que la secrétaire d'État Condoleezza Rice ait essayé de renforcer les échanges entre Israël, les Palestiniens et la Ligue arabe. Cependant, après plusieurs visites, la « navette diplomatique » déployée par Mme Rice n’a abouti qu’à des rencontres bihebdomadaires entre Olmert et Abbas. Par conséquent, le plan ne semble pas avoir suscité un grand intérêt de la part de l'administration Bush, et a vraisemblablement perdu du terrain depuis la réaction initiale de Mme Rice.
Finalement, l’approche des États-Unis ne semble pas s’aligner avec l'intention première de l’Arabie saoudite. L'administration Bush semble préconiser les ententes négociées avec ajournement des questions épineuses, et les Saoudiens – et la Ligue arabe – sont mécontents de cette approche qui perpétue un statu quo improductif entre les Israéliens et les Palestiniens. Par exemple, Mme Rice a récemment proposé l'idée d'un « horizon politique » pour les Palestiniens, assorti de la promesse d’un éventuel État palestinien, mais comportant certaines conditions fondamentales qui ne sont pas viables pour ces derniers. Comme l’a rapporté un analyste des médias saoudien, les Saoudiens ont déclaré aux Américains que c'est « leur propre processus qui tue la paix ». L'Union européenne, en revanche, a soutenu le plan saoudien, tout en faisant preuve d’un optimisme réservé .
[1] Saleh Ambah, Faiza. « Arabs call on Israel to take Peace Offer ». Washington Post Foreign Service, 30 mars 2007
[1] Guttman, Nathan. « Saudis push Bush Team on Peace Plan ». Forward, 19 janvier 2007
[1] « Opportunity Knocks: The Arab League Renews its Peace Plan Offer ». Jewish Voice for Peace, avril 2007
[1] Ibid.
[1] « Israel: Saudi plan not enough », The Associated Press, 20 avril 2007
[1] Siegman, Henry. « Cutting through a misreading of the Arab Peace Plan ». Herald News Daily, 30 avril 2007
[1] Fein, Leonard. « Saudi Arab League Initiative ». APN, 11 avril 2007.
[1] « Israel: Saudi plan not enough », The Associated Press, 20 avril 2007
[1] « Ban Ki-moon praises Saudi peace plan, criticizes Palestinian government », Asia News, 19 mars 2007
[1] Hornik, David. « The Saudi Surrender Plan ». Frontpage Magazine, 6 avril 2007
[1] Guttman, Nathan. « Saudis push Bush Team on Peace Plan ». Forward, 19 janvier 2007
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