Fiche-info 25, publiée en mai 2007 : Suite aux  observations et aux commentaires faits lors du sommet de Camp David II en juillet 2000, il y a eu un regain d'intérêt et de médiatisation au sujet des droits et des réparations octroyés aux émigrants et aux réfugiés juifs ayant fui les pays arabes dans les années 1940, 1950 et 1960 (voir la fiche CJPMO « L'émergence de la question des réfugiés juifs », publiée en avril 2007). Tant les réfugiés palestiniens que juifs sont protégés par le droit international; il est néanmoins important de comprendre les différences fondamentales entre les récits historiques rapportés par chacun de ces peuples.

Comparaison des récits historiques des réfugiés juifs et palestiniens

Série Fiche-info N.25, créée: Mai 2007, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 

25.pngSuite aux  observations et aux commentaires faits lors du sommet de Camp David II en juillet 2000, il y a eu un regain d'intérêt et de médiatisation au sujet des droits et des réparations octroyés aux émigrants et aux réfugiés juifs ayant fui les pays arabes dans les années 1940, 1950 et 1960 (voir la fiche CJPMO « L'émergence de la question des réfugiés juifs », publiée en avril 2007). Tant les réfugiés palestiniens que juifs sont protégés par le droit international; il est néanmoins important de comprendre les différences fondamentales entre les récits historiques rapportés par chacun de ces peuples.

 

Comment définit-on un réfugié et quels sont ses droits?

Selon la Convention relative au statut des réfugiés produite par le UNHCR en 1951, un réfugié est une personne qui, « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays [...] ».
Les personnes qui deviennent des réfugiés jouissent des protections spécifiées par un certain nombre d'instruments du droit, dont :

  • la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), article 13 (2): « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays »;
  • la Quatrième Convention de Genève (1950), article 49 (1): « Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu'en soit le motif. [...] La population ainsi évacuée sera ramenée vers ses foyers aussitôt que les hostilités dans ce secteur auront pris fin ».

La propriété des individus qui deviennent des réfugiés est également protégée par la loi par des instruments du droit dont :

  • la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), article 17 : « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ».
  • la Quatrième Convention de Genève (1950), article 33 : « Le pillage est interdit. Les mesures de représailles à l’égard des personnes protégées et leurs biens sont interdites ». Article 53 : « Il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées [...], sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires ».

  • Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (1954), article 1: « Toute personne physique ou morale a droit à la jouissance paisible de ses biens ».

Pourquoi les juifs et les Palestiniens ont-ils quitté leur pays d'origine?

Quatre-vingts pour cent des Palestiniens – soit environ 750 000 – qui vivaient dans ce qui est finalement devenu Israël sont devenus des réfugiés. La grande majorité d'entre eux ont fui en raison des pressions militaires  directes ou indirectes exercées par les forces juives ou sionistes. L’historien israélien Benny Morris[1] identifie cinq vagues de réfugiés palestiniens ayant fui la Palestine, entre l’adoption du Plan de partage de l'ONU, en novembre 1947, et le nettoyage ethnique des villages palestiniens aux mains des Israéliens, en 1949. Morris estime que les Palestiniens auront évacué un minimum de 369 villages palestiniens, et classe les motifs d'évacuation comme suit[2]:

  1. Expulsion par les forces juives ou sionistes : 122 localités, dont un grand nombre avant mai 1948;
  2. Agressions militaires par les forces juives ou sionistes : 270 localités;
  3. Crainte d’une attaque des forces juives ou sionistes ou d'être pris dans un combat, influencée par la chute d’un village voisin et par la guerre psychologique: 12 localités;
  4. Abandon sur ordre d’Arabes: 6 localités;
  1. Inconnu: 34 localités.

Alors qu’un certain nombre de juifs ont fui les pays arabes parce qu’ils craignaient pour leur vie, les spécialistes[3] attribuent plutôt l'émigration juive en provenance des pays arabes aux facteurs suivants:

  1. Le changement du statut économique et culturel des juifs sous la colonisation britannique et française, en particulier française (en Algérie, au Maroc et en Tunisie, par exemple);
  2. Les relations politiques des juifs – religieux ou sionistes, bourgeois, nationalistes, gauchistes, communistes – avec les mouvements nationalistes arabes (en Égypte, en Irak, en Algérie et en Tunisie, par exemple);
  3. L'influence du sionisme parmi les juifs, avant et après 1948, et l'ampleur du désir messianique d'émigrer en Israël (au Maroc et au Yémen, par exemple);
  4. Les contrecoups de la pression et de la provocation sionistes, qui avaient pour but précis de promouvoir l'émigration (en Irak et au Maroc, par exemple);
  5. Les suites du conflit continuel opposant les États arabes et Israël de 1948 à 1967 (en Égypte, en Tunisie et en Irak, par exemple);
  6. Les conséquences de la fin de la colonisation française (par exemple au Maroc, en Tunisie et en Algérie);
  7. La conjoncture économique générale et les conditions sociales dans lesquelles vivaient les juifs (au Maroc, en Égypte et en Syrie, par exemple);
  8. Le processus « d’auto-liquidation », soit l’effet cumulatif d’une émigration prolongée (au Maroc, par exemple).

En quoi les récits historiques des réfugiés juifs et palestiniens diffèrent-ils?

Voici quelques façons parmi d’autres de faire ressortir les divergences entre les récits historiques de chacun des deux groupes:

  • Les Palestiniens sont devenus des réfugiés de manière violente. Tel que suggéré plus haut, la grande majorité des réfugiés palestiniens  sont devenus tels involontairement, sous la menace des armes à feu ou dans des conditions de guerre. À l’opposé, la plupart des personnes juives évacuées ont eu des semaines, des mois, voire même des années pour planifier leur émigration.
  • Dans la plupart des cas, les réfugiés palestiniens n'ont pas été  accueillis à titre de  citoyens dans leur pays d'accueil. Les juifs des pays arabes ont émigré principalement vers Israël, où ils ont été admis sans délai et sans condition, ainsi qu’en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs.
  • Nombre de Palestiniens sont encore des réfugiés. En 2005, l'UNRWA – l'agence des Nations Unies affectée aux soins des réfugiés palestiniens – pourvoyait aux besoins de plus de 4,3 millions de Palestiniens. Parmi ceux-ci, 1,3 million vivent dans la pauvreté dans 59 camps de fortune, dans des logements dits « temporaires »[4]. Parce qu'ils sont apatrides, ces réfugiés sont privés de protection juridique et sociale. Aujourd'hui, il n’existe aucune communauté juive de réfugiés.
  • Les réfugiés palestiniens souhaitent toujours retourner à leur pays d'origine. Bien que d'innombrables rapports contradictoires aient été émis, Qumsiyeh[5] cite des sondages crédibles effectués auprès de l’ensemble de la diaspora palestinienne, qui indiquent que le retour en Palestine est au cœur des préoccupations des réfugiés palestiniens.
  • Les réfugiés palestiniens se sont toujours perçus comme tels. Les réfugiés palestiniens n'ont jamais tenté de faire valoir qu'ils n’étaient pas une population de réfugiés et ont toujours cherché la reconnaissance et la réparation de ce fait. Un grand nombre d'émigrants juifs en provenance des pays arabes ont nié avec véhémence qu'ils étaient des réfugiés, voyant en cela une position antisioniste[6].
  • Les Palestiniens n'ont jamais eu la chance de retourner à leurs foyers en Palestine. Bien qu’ils aient souhaité le contraire, les Palestiniens ont été empêchés par Israël de regagner leurs foyers en Palestine, alors que les Juifs ont eu l'occasion de retourner dans leur pays d'origine après qu’ils ont été déplacés[7].


[1]   Benny Morris a écrit trois livres importants (1987, 1993, 2000) qui traitent de la dépossession des Palestiniens et qui sont basés sur des documents récemment déclassifiés des archives du gouvernement israélien et des sources militaires. Mazen Qusimeh résume certaines des conclusions de Morris dans son livre, Sharing the Land of Canaan: Human Rights and the Israeli-Palestinian Struggle.

[2]   Bien que les chercheurs s’entendent au sujet des communautés palestiniennes affectées, les chiffres cités par Morris sont inférieurs à ceux d’autres chercheurs en raison de la façon dont il définit et répartit les différentes localités.

[3]   Par exemple, voir: Beinin, Joel, The Dispersion of Egyptian Jewry: Culture, Politics, and the Formation of a Modern Diaspora, Berkeley: University of California Press, 1998.  Mendes, Philip, “The Forgotten Refugees: The Causes of the Post-1948 Jewish Exodus from Arab Countries”, 10 novembre 2003.  Laskier, Michael M., “Developments in the Jewish Communities of Morocco, 1956-76”, Middle Eastern Studies, 26.4 (octobre 1990): 465-505.  Segev, Tom. 1949: The First Israelis, New York: The Free Press, 1986.  Shohat, Ella, “Zionism from the Standpoint of its Jewish Victims”, Social Text 19-20 (1988): 1-35. 

[4]   Statistiques UNRWA, 31 mars, 2006.

[5]   Qumsiyeh, Mazen, Sharing the Land of Canaan: Human Rights and the Israeli-Palestinian Struggle.

[6]   Voir: Shenhave, Yehouda, “Hitching a ride on the Magic Carpet,” 15 août 2003, Haaretz.

[7]   Le 11 décembre 1975, l’Irak a placé des annonces pleine page dans plusieurs journaux à travers le monde (par exemple, le New York Times, le Toronto Star, Le Monde) invitant les 140 000 juifs nés en Irak mais vivant en Israël et ailleurs dans le monde à rentrer en Irak. En septembre 1977, quelques semaines avant son voyage historique en Israël, le président égyptien Sadat a invité les Égyptiens juifs à revenir en Égypte (voir le Chicago Daily News, septembre, 10-11).

 

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