Fiche d'information CJPMO n° 227, publiée en juillet 2022 : Cette fiche d'information traite le schéma du racisme anti-palestinien qui a été récemment introduit par l'Association des juristes arabo-canadiens (ACLA). Elle couvre l'importance de définir le racisme anti-palestinien et fournit des exemples concrets de Palestiniens et de partisans de la Palestine qui sont soumis à cette forme de racisme. Enfin, il explique qui sont les principales cibles du racisme anti-palestinien et fait le lien avec le racisme anti-arabe et l'islamophobie.
En avril 2022, l'Association des juristes arabo-canadiens (ACLA) a publié un rapport intitulé Racisme anti-palestinien : Sa nomenclature, son encadrement et ses manifestations - publiant la première définition officielle connue du racisme anti-palestinien. Le rapport et la définition ont été élaborés après des années de consultations avec la communauté palestinienne et ses alliés au Canada, ainsi qu'avec des universitaires et des militants antiracistes.
Qu'est-ce que le racisme anti-palestinien ?
Le rapport de l'ACLA propose la « description » suivante du racisme anti-palestinien :
Le racisme anti-palestinien est une forme de racisme anti-arabe qui réduit au silence, exclut, efface, stéréotype, diffame ou déshumanise les Palestiniens ou leurs discours. Le racisme anti-palestinien prend diverses formes, notamment :
- nier la Nakba et justifier la violence contre les Palestiniens ;
- ne pas reconnaître les Palestiniens comme un peuple autochtone ayant une identité, une appartenance et des droits collectifs par rapport à la Palestine occupée et historique ;
- effacer les droits de l'homme et l'égale dignité et valeur des Palestiniens ;
- exclure ou faire pression sur d'autres pour exclure les perspectives palestiniennes, les Palestiniens et leurs allies ;
- diffamation des Palestiniens et de leurs alliés avec des calomnies telles que le fait d'être foncièrement antisémite, une menace/sympathisant terroriste ou opposé aux valeurs démocratiques.[1]
En pratique, la plupart des gens utiliseront ce qui précède comme une « définition » du racisme anti-palestinien, même si l'ACLA a d'importantes raisons de ne le considérer que comme une « description » ou un « schéma ».[2]
Pourquoi est-il important de définir le racisme anti-palestinien ?
Une définition du racisme anti-palestinien fournit un outil utile pour décrire avec précision la discrimination et les luttes que subissent les Palestiniens et leurs alliés. En l'utilisant, les Palestiniens et leurs alliés peuvent plus facilement identifier les expériences injustes, déshumanisantes, excluantes et discriminatoires qu'ils peuvent rencontrer, ainsi que valider le préjudice causé par celles-ci.[3]
Le racisme anti-palestinien affecte la capacité d'avoir des discussions ouvertes sur les droits des Palestiniens car il positionne la solidarité palestinienne comme étant quelque chose qui n’est pas acceptable dans des situations sociales.[4] Par exemple, les gens peuvent hésiter à participer à des événements de solidarité avec la Palestine par crainte d'être ciblés pour cette implication. La peur des représailles contribue à la suppression des récits palestiniens en dissuadant les gens de s'exprimer pour défendre les droits des Palestiniens.[5]
Un autre impact majeur du racisme anti-palestinien est le préjudice et le traumatisme causés par le ciblage d'une identité raciale. Le racisme anti-palestinien intensifie l'anxiété d'être Palestinien et peut conduire les Palestiniens à cacher leur identité par crainte d'être persécutés.[6] Cela peut avoir de graves conséquences, pouvant mener à l'isolement, à la dépression et à d'autres problèmes de santé mentale.[7]
La définition du racisme anti-palestinien a pour but de lutter contre la censure et les préjudices personnels qu'il cause, et non d'empêcher les discussions sur la Palestine-Israël.[8] La définition fournit un modèle que les Palestiniens et leurs alliés peuvent utiliser pour répondre aux incidents de racisme anti-palestinien, permettant des discussions plus productives sur la question de la Palestine-Israël, et évitant les attaques sur l'identité des personnes impliquées.[9]
Quels sont les exemples de racisme anti-palestinien ?
L'ACLA donne une liste non exhaustive d'exemples dans son rapport, notamment : La négation de la Nakba, la justification de la violence contre les Palestiniens, le manque de reconnaissance des Palestiniens comme étant un peuple autochtone, l'effacement de la dignité humaine des Palestiniens, l'exclusion des Palestiniens et de leurs alliés, et essayer de les diffamer.[10] Souvent, un seul incident réel de racisme anti-palestinien touchera plusieurs des exemples énumérés en raison de leurs intersections.
Des exemples concrets de racisme anti-palestinien comprennent : la CBC a réprimandé des journalistes après qu'ils aient signé une lettre ouverte demandant un meilleur reportage sur la Palestine,[11] un livre pour enfants a été retiré des étagères chez Indigo Books parce qu'il comportait une carte qui a mentionné « Palestine » au lieu d'« Israël »,[12] Postmedia a présenté ses excuses après avoir diffusé une publicité d'Amnesty International qui avait montré une journaliste palestinienne de 15 ans,[13] et la censure d'un article sur les perspectives palestiniennes dans un journal étudiant de Saskatoon.[14]
Qui est affecté par le racisme anti-palestinien ?
Les principales cibles du racisme anti-palestinien sont les Palestiniens et, au Canada, les Canadiens d'origine palestinienne. Pourtant, le racisme anti-palestinien touche bien d'autres personnes en plus de ce noyau. Il touche ceux qui sont perçus comme des Palestiniens, peut-être en raison de la couleur de leur peau, de leur ethnie ou de leur religion.[15] Il a également un impact sur ceux qui expriment simplement leur soutien aux droits des Palestiniens. Dans l'exemple ci-dessus, la CBC a réprimandé des journalistes de diverses origines ethniques pour leur décision de signer la lettre ouverte, démontrant ainsi que bien que l'identité palestinienne soit toujours au cœur du racisme anti-palestinien, celui-ci ne touche pas seulement les Palestiniens.
Même si des non-Palestiniens peuvent être visés par le racisme anti-palestinien, l'attaque vise toujours l'identité et l'expérience palestiniennes, et non l'identité de l'allié. Que ce soit un Palestinien ou un allié qui soit visé, chaque cas de racisme anti-palestinien cible en fin de compte les Palestiniens. En fin de compte, ce racisme consacre l'oppression systémique des Palestiniens en tant que peuple autochtone dont les terres ont été prises et occupées par des colons.[16]
Il faut noter que le racisme anti-palestinien n'affecte pas toujours tout le monde de la même manière. Le rapport de l'ACLA reconnaît que les activistes et les Palestiniens qui sont affectés par d'autres formes distinctes d'oppression systémique sont touchés par le racisme anti-palestinien de différentes manières, en fonction de leur identité.[17] Par exemple, le racisme anti-palestinien dirigé contre une femme peut évoquer des éléments de discriminations sexistes spécifiques aux femmes, en plus de ce à quoi l'individu peut également être confronté en tant que palestinienne.
Comment le racisme anti-palestinien est-il lié au racisme anti-arabe et à l'islamophobie ?
Le racisme anti-palestinien est distinct du racisme anti-arabe et de l'islamophobie, bien que les individus puissent être simultanément la cible d'une ou de plusieurs de ces formes de discrimination.
Les Palestiniens sont des Arabes. Ils sont donc souvent victimes de discrimination au Canada parce qu'ils sont Arabes, par exemple s'ils ont un nom avec une consonance arabe, s'ils ont un accent arabe en anglais ou en français, s'ils portent des vêtements ethniques, etc. Mais en plus de cela, ils subissent également une discrimination anti-palestinienne. Par exemple, ils peuvent être « mis à l'écart » lorsqu'ils parlent du lieu d'origine de leur famille ou de leurs opinions en faveur des droits des Palestiniens - comme le décrit la définition du racisme anti-palestinien.[18]
Sur le plan religieux, les Palestiniens peuvent être musulmans, chrétiens ou druzes. Bien qu'une forte majorité de Palestiniens soient musulmans, un nombre disproportionné de Palestiniens au Canada sont chrétiens.[19] Néanmoins, de nombreux Canadiens supposent par erreur que tous les Palestiniens sont musulmans. Ainsi, les Palestiniens du Canada - même ceux qui sont chrétiens et druzes - sont fréquemment visés par l'islamophobie, que ce soit en raison de leur nom, de leur lieu d'origine, de leurs habitudes culturelles, etc. Mais encore une fois, les Palestiniens seront confrontés au racisme anti-palestinien en plus du racisme qu'ils subissent parce qu'ils sont musulmans ou perçus comme tels.
L'utilisation de l'islamophobie comme indicateur du racisme anti-palestinien est extrêmement malavisée et inutile.[20] Tout d'abord, cette stratégie suppose que la seule discrimination à laquelle les Palestiniens sont confrontés est l'islamophobie, alors que, bien sûr, les Palestiniens sont confrontés à d'autres formes insidieuses de discrimination en tant que Palestiniens.[21] Deuxièmement, cette approche suggère que la lutte palestinienne est une lutte mondiale, fondée sur la religion, entre les musulmans et les juifs, plutôt qu'une lutte palestinienne régionale contre l'oppression et le colonialisme.[22] Ces deux défauts déforment ou ignorent les impacts destructifs du racisme anti-palestinien, et contribuent à la suppression plus large de l'identité et des témoignages palestiniens.[23]
[1] L’association des jurists arabo-canadiens, « Racisme anti-palestinien : Sa nomenclature, son encadrement et ses manifestations », avril 2022, p. 14
[2] Ibid, p. 7-9, 14-20
[3] Ibid, p. 8, 20
[4] Ibid, p. 18
[5] Ibid, p. 17, 18
[6] Ibid, p. 18
[7] Ibid, p. 18
[8] Ibid, p. 20
[9] Ibid, p. 20
[10] Ibid, p. 18-19
[11] Manisha Krishnan, « Les journalistes de la CBC sont interdit de couvrir l'Israël-Palestine après avoir demandé une couverture plus équitable », Vice, 21 mai 2021
[12] CJPME, @cjpmeofficial, « Honte à Indigo Books », Instagram, 14 décembre 2021
[13] CJPME, @cjpmeofficial, « Censure scandaleuse ! », Instagram, 8 décembre 2021
[14] Zak Vescera, « Le conseil d'administration du Sheaf vote pour retirer l'article sur la Palestine après la plainte d'un groupe de pression », Saskatoon StarPheonix, 11 juin 2021
[15] L’association des jurists arabo-canadiens, « Racisme anti-palestinien : Sa nomenclature, son encadrement et ses manifestations », avril 2022, p. 15
[16] Ibid, p. 16
[17] Ibid, p. 18
[18] Ibid, p. 17-19
[19] Jayson Casper, « Pourquoi de nombreux chrétiens veulent quitter la Palestine. Et pourquoi la plupart ne le feront pas », Christianity Today, 4 août 2020
[20] L’association des jurists arabo-canadiens, « Racisme anti-palestinien : Sa nomenclature, son encadrement et ses manifestations », avril 2022, p. 20-22
[21] Ibid, p. 20
[22] Ibid, p. 21
[23] Ibid, p. 21-22