Fiche-info 78, publiée en septembre 2012: Cette fiche-info définit le statut et l’importance de Jérusalem-Est. Après la guerre de juin 1967, Israël a annoncé son intention d’annexer 6.5 km² de Jérusalem-Est, qui devait être la capitale du futur État palestinien. Jusqu’à ce jour, la communauté internationale refuse de reconnaître la politique d’annexion et de colonisation menée par Israël à Jérusalem Est, politique qui est non seulement illégale sous la loi internationale mais également néfaste aux négociations.

La colonisation israélienne de Jérusalem-est

Série Fiche-info N.78, créée: Septembre 2012, Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient
 
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fs78.pngQuel est le statut et l’importance de Jérusalem-Est?

Le Plan de partage de la Palestine adopté par l’ONU en 1947 prévoyait que Jérusalem soit placée sous juridiction internationale. Ceci n’eut jamais lieu puisque la ville fut divisée en deux parties par l’accord d’armistice de 1949 entre Israël et la Jordanie au lendemain de la première guerre israélo-arabe (1948-1949). Dans cet accord d’armis-tice, la partie occidentale tomba sous contrôle israélien, tandis que la partie orientale, à prédominance musulmane et chrétienne, passa sous occupation jordanienne. Suite à la guerre de juin 1967, la partie orientale de la ville est conquise et occupée par Israël, à l’instar de la Cisjordanie, de Gaza, du Golan et du Sinaï. Israël procède alors à l’annexion des 6,5 km2 que recouvrait la ville de Jérusalem-Est ainsi que 64 km2 de terrains adjacents de la Cisjordanie, comprenant de nombreux villages palestiniens voisins. La communauté internationale, dont le Canada et les États-Unis, n’a jamais reconnu cette annexion et considère que Jérusalem-Est est sous occupation israélienne.

Jérusalem-Est est source de vives tensions. Son statut consti-tue une des pierres d’achoppement des négociations israélo-palestiniennes en raison de l’importance qu’elle revêt tant pour les Palestiniens – qui souhaitent en faire la capitale de leur futur État – que pour les Israéliens – qui refusent de partager la juridiction de la ville. Véritable carrefour reli-gieux, symbolique et historique, la question du contrôle des lieux saints de la vieille ville est très sensible. S’y trouvent le Mont du Temple et le Mur des Lamentations pour les juifs, le Dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa pour les musulmans, le Saint-Sépulcre et le Cénacle pour les chrétiens.

 

Les colonies situées à Jérusalem-Est diffèrent-elles de celles de Cisjordanie?

Non. Selon le droit international, les colonies israéliennes dans les territoires occupés sont toutes illégales, y compris celles se trouvant à Jérusalem-Est. La communauté internationale refusera d’ailleurs de reconnaître la politique d’annexion et de colonisation menée par Israël à Jérusalem-Est et demandera, dès 1967, le retrait d’Israël « des territoires occupés lors du récent conflit »[i] par l’entremise de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité de l’ONU. Nonobstant cette résolution, Israël adopta la Loi fondamentale de 1980 déclarant que Jérusalem « complète et unifiée est la capitale d’Israël »[ii]. Cette clause fut toutefois déclarée « nulle et non avenue » et en « violation du droit international » par la résolution 478 (1980) du Conseil de sécurité, lequel considère Jérusalem-Est comme un « territoire palestinien occupé » et ses résidents palestiniens sous la protection du droit international humanitaire[iii].

La Cour internationale de justice s’est aussi prononcée sur les colonies israéliennes dans son avis du 9 juillet 2004 : « […] les colonies de peuplement israéliennes dans le terri-toire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, sont illégales et constituent un obstacle à la paix et au développe-ment économique et social, […] les mesures prises par Israël, puissance occupante, pour modifier le statut et la com-position démographique de Jérusalem-Est occupée n’ont aucun fondement juridique et sont nulles et non avenues »[iv].

 

En quoi la croissance des colonies à Jérusalem-Est est-elle alarmante?

La colonisation de Jérusalem-Est et l’expansion des colonies toujours plus loin en Cisjordanie, vers le Jourdain, est très problématique. La Cisjordanie se trouve ainsi coupée en deux et Jérusalem-Est de plus en plus isolée, mettant en péril la création d’un État palestinien viable. On ne saurait exagérer le danger que cela représente. Dans une décla-ration sévère faite le 14 mai 2012, le Conseil des affaires étrangères de l’UE a émis une mise en garde : l’accélération de la construction de nouvelles colonies, les expulsions de domicile et la destruction de maisons à Jérusalem-Est, la violence et les provocations des colons, et la dégradation des conditions de vie en Cisjordanie rendent la perspective d’une solution à deux États de moins en moins probable[v]

 

La colonisation à Jérusalem-Est s’est-elle intensifiée ces dernières années?

Oui. Sous l’administration Netanyahou, Israël a réguliè-rement annoncé des plans d’expansion de colonies à Jérusalem-Est. Par exemple, en décembre 2009, un appel d’offres était lancé pour la construction de logements à Pisgat Zeev, Neve Yaakov et Har Homa. En mars 2010, le gouvernement israélien a donné son aval à un plan de 1600 nouveaux logements dans la colonie de Ramat Shlomo. En avril 2012, un appel d’offres était lancé pour la construction de 872 nouveaux logements. En octobre 2011, fait encore plus consternant, le gouvernement israélien a annoncé un plan de construction d’une toute nouvelle colonie appelée Givat Hamatos dans Jérusalem-Est. Un tel comportement contre-productif a suscité une condamnation ferme du ministre des Affaires étrangères britannique William Hague : « L’activité de colonisation israélienne constitue la menace la plus grave et la plus directe pour la viabilité de la solution à deux États[...] La politique du gouvernement israélien est illégale en vertu du droit international, elle est contre-productive, déstabilisante et provocatrice[vi]. »

 

En quoi la colonisation israélienne dans Jérusalem-Est affecte-t-elle les Palestiniens?

La colonisation perturbe l’équilibre démographique de Jérusalem-Est. Depuis sa création en 1948, Israël a cherché à réduire la présence palestinienne à Jérusalem-Est afin de renforcer son contrôle sur la ville.[vii] Depuis qu’Israël occupe militairement Jérusalem-Est en 1967, 200 000 juifs israéliens y ont été transférés. Un tiers des terres dans ce secteur ont été expropriées afin de construire des colonies juives. Un second tiers du territoire fait l’objet de planification, même s’il n’est pas encore sous occupation (en date de 2012), et des projets dans certaines zones sont à l’étude. Seulement 13% de Jérusalem-Est est admissible pour la construction palestinienne, dont l’essentiel est déjà densément occupé.[viii]

En 2008, dans son Rapport sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, l’avocat sud-africain John Dugard était extrêmement critique des politiques de colonisation israélienne à Jérusalem-Est. Il a affirmé que les postes de contrôle et barrages routiers restreignant le mouvement des Palestiniens, de même que la démolition des résidences palestiniennes faisaient partie de la stratégie de judaïsation de Jérusalem et reflétaient bien les politiques israéliennes « de colonialisme, d’apartheid et d’occupation »[ix].

Le nombre de colons israéliens à Jérusalem-Est s’est multiplié par 23[x], passant de quelque 8 649 en 1972 à 198 629 en 2010[xi] (pour environ 285 095 Palestiniens[xii]). Les colons juifs vivent aujourd’hui dans 14 colonies formant un croissant du nord au sud de la ville par son extrémité orientale, contre les dispositions prévues dans les Accords d’Oslo et les plans de paix subséquents[xiii]

La colonisation de Jérusalem-Est implique la destruction de maisons et de commerces palestiniens. Afin de laisser le champ libre aux colonies, Israël expulse de force les Palestiniens de leurs maisons, qu’ils démolissent par la suite. Entre 1992 et 1998, 177 maisons de Jérusalem-Est ont été démolies. Entre 2004 et 2012, 402 maisons supplémentaires ont été démolies, et 1 589 Palestiniens, dont 861 enfants[xiv], se sont retrouvés sans abri. Des douzaines de commerces tenus par des Palestiniens ont été démolis, détruisant par le fait même les moyens d’existence de plusieurs familles.

Les droits des Palestiniens vivant à Jérusalem-Est sont constamment bafoués, afin de les inciter à partir. Bien qu’une grande partie de l’entreprise de « judaïsation » de Jérusalem ait été accomplie par l’expulsion des résidents arabes durant les guerres de 1948 et 1967, et qu’elle se poursuive sous la colonisation depuis, la transformation


[i]   Conseil de sécurité des Nations Unies, résolution 242 (1967).

[ii]   Basic Law - Jerusalem, Capital of Israel, Ministère des Affaires étrangères d’Israël.

[iii]   Conseil de sécurité des Nations Unies, résolution 478 (1980).

[iv]   Cour internationale de justice, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Avis consultatif du 9 juillet 2004.

[v] Harriet Sherwood, Israel putting any two-state peace deal at risk, says EU, The Guardian, 14 mai 2012.

[vi] Harriet Sherwood, Binyamin Netanyahu's support for settlers bodes ill for peace prospects, The Guardian, 8 avril 2012.

[vii]   Valerie Zink, A quiet transfer: the Judaization of Jerusalem, Contemporary Arab Affairs 2 (1), janvier 2009: 122–133.

[viii]  Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU – Territoires palestiniens occupés, The Planning Crisis in East Jerusalem : Understanding the phenomenon of “ illegal” construction, Special Focus, avril 2009.

[ix]   The Associated Press, UN expert calls Palestinian terrorism 'inevitable consequence' of Israeli occupation, Haaretz.com, 26 février 2008.

[x] Selon un article paru le 26 juillet 2012 dans le Guardian, le journal pro-israélien Hayam signalait qu’il y aurait maintenant 300 000 colons juifs vivant à Jérusalem-Est, au-delà de la frontière d’avant 1967. Si cette information se confirmait, cela voudrait dire qu’Israël aurait transformé Jérusalem-Est, région majoritairement palestinienne, en région majoritairement israélienne. Toutefois, ces estimations doivent être considérées avec prudence, puisqu’il est possible que ces chiffres aient été exagérés afin de pouvoir clamer haut et fort que les colonies sont devenues tellement grande que leur déracinement est devenu impensable. 

[xi] Foundation for Middle East Peace (FMEP), comprehensive Settlement Population 1972-2010.

[xii] B’Tselem, Background on East Jerusalem (Le chiffre de 285 095 Palestiniens est tiré d’une estimation de B’Tselem faite sur la totalité de la population de Jérusalem-Est (788 052 habitants) : 59,6 % de ces habitants vivent sur des territoires annexés en 1967, et 39,3 % d’entre eux seraient juifs.

[xiii]   Israël et l’Autorité palestinienne se sont engagés à ne pas prendre de mesures qui modifieraient les paramètres fondamentaux des territoires en litige. Ainsi, dans les Accords d’Oslo (Déclaration de principes), art. IV: « Les deux parties considèrent la Cisjordanie et la bande de Gaza comme une unité territoriale unique, dont l’intégrité sera préservée durant la période intérimaire ». Selon la Feuille de route, « Israël se retire des territoires palestiniens qu'il occupe depuis le 28 septembre 2000 […]. Israël suspend toutes ses activités quant à la création de colonies de peuplement […]. Le gouvernement israélien ne prend aucune mesure susceptible de saper la confiance, notamment les expulsions, les attaques dirigées contre des civils, la saisie ou la destruction d'habitations et de biens palestiniens en tant que mesure punitive ou mesure destinée à faciliter la construction de bâtiments israéliens, la destruction d'institutions et de l'infrastructure palestiniennes […]. »

[xiv] B'tselem, Statistics on demolition of houses built without permits in East Jerusalem, 6 juin 2012. (19 des maisons démolies ont été détruites par leurs propriétaires après qu’ils aient reçu un avis de démolition, afin de ne pas avoir à endosser les frais de l’opération chargés par les autorités israéliennes. 

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